Page images
PDF
EPUB

extérieur et de ses ministres. La nation a voulu la rétablir dans son premier état et dans son premier lustre; elle a voulu qu'elle ne brillât désormais que de son propre éclat, sans emprunter celui des richesses qu'elle condamne et condamnera toujours dans un temps, dans un lieu comme dans autre : la fille a étouffé la mère, disait déjà Tertulien, au second siècle de l'église.

Je passe au projet de décret.

ART. 1. L'Assemblée nationale déclare que son décret du 2 de novembre dernier, par lequel tous les biens ecclésiastiques ont été mis à la disposition de la nation, comprend tous ceux qui dépendent des bénéfices, églises et chapelles, dont la fondation a été érigée en titre perpétuel de bénéfice, ou qui se raient devenus d'un usage général, public et libre, quoique la présentation de leurs titulaires ecclésiastiques, ou même la pleine collation ait été accordée à leurs fondateurs et à leurs héritiers ou autres.

II. La disposition de l'article précédent s'applique également à toutes fondations consacrées par la même autorité de l'église, quels que soient les services religieux qu'elles aient imposés, et de quelques clauses et conditions dont elles aient été accompagnées, même de celle qui porterait la révocation des choses données, dans le cas prévu des suppressions ou changements décrétés par l'Assemblée nationale; n'exceptant, le présent décret, que les fondations non spiritualisées et laïcales, justifiées telles par titres de possession.

[ocr errors]

|

selon la classe de son bénéfice ou de sa place, et le
montant de ses revenus ecclésiastiques.»
M. ANDRIEU : Votre décret du 2 novembre et autres
subséquents, ayant ordonné la vente des biens ec-
clésiastiques, il est important de déterminer les si-
gnes auxquels ces biens pourront être reconnus. Ce
n'est pas par leur application au service religieux
qu'on peut décider qu'ils sont ecclésiastiques. Ils
sont laics, quand la dotation a été faite sans le con-
cours de l'église. Dans ce cas, le propriétaire peut
toujours disposer du revenu, puisque seul il a droit
de nommer au bénéfice, puisque le droit commun a
interdit aux ecclésiastiques le pouvoir de substituer
quelqu'un à la place de celui que le propriétaire a
nommé. Il était d'usage, j'en conviens, de faire in-
tervenir l'autorité ecclésiastique, non seulement dans
les fondations purement laïcales, mais même dans
les pactes de famille, dans les transactions. N'est-ce
pas faire un acte de propriété, que de nommer des
desservants sans le concours et la participation de
l'église? En prenant pour exemple l'institution des
chapelles dans différents châteaux, peut-on douter
que le fondateur ait eu l'intention de se procurer, à
lui et à sa famille, la faculté d'assister au service
divin? D'après ces réflexions, voici le projet de dé-
cret que j'ai l'honneur de vous soumettre: «L'Assem-
blée nationale déclare que son décret du 2 novembre
dernier, par lequel tous les biens ecclésiastiques ont
été mis à la disposition de la nation, ne comprend
pas ceux qui dépendent des fondations en pleine col-

III. En conséquence l'Assemblée nationale dé-lation laïque.. crète que tous bénéfices, places, chapelles, prébendes, canonicats, dignités, chapitres et autres établissements ecclésiastiques, pour l'un et l'autre sexe, qui sont à la présentation, nomination et collation, soit du roi, soit de particuliers, patrons ou collateurs, sont et demeurent supprimés, à l'exception des bénéfices-cures, lesquels seront, à l'avenir, exempts de la présentation ou collation des patrons et autres, pour être soumis à l'élection dans la forme commune et générale des élections à toutes les cures du royaume.

IV. Les biens des bénéfices en patronage laïc ou à pleine collation laïcale, dont la suppression vient d'être décrétée, seront administrés, comme tous les autres biens ecclésiastiques, aux termes des décrets des 14 et 20 avril dernier, sauf aux patrons et collateurs laïcs qui prétendront se trouver dans une exception particulière, de produire leurs titres et leurs actes possessoires aux assemblées administratives, qui les jugeront d'après les règles tracées par le présent décret.

M. TREILHARD: Lorsque vous avez décrété que les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation, vous avez différé de prononcer sur les fondations laïques, non pas parce que vous croyiez qu'elles dussent être exceptées, mais parce que vous vouliez qu'elles soient discutées séparément. Il est venu ce temps où l'on doit traiter cette question plus importante par son objet que par ses difficultés. Le projet qui vous a été présenté par votre comité me paraît reposer tout à la fois sur les bases de la prudence et de la justice. Pour établir mon opinion, permettez que je fixe votre attention sur l'origine des patronages. Ils étaient inconnus dans les premiers siècles de l'église; mais lorsque la discipline qui en faisait la gloire, commença à s'affaiblir, les ministres ne se regardèrent plus comme étrangers aux soins temporels, et les titres de bénéfices furent recherchés. Bientôt le droit de présenter le sujet à l'évêque diocésain fut accordé au fondateur, et cet abus finit par devenir transmissible de père en fils, J'avoue que tant que les règles de l'élection ont été mé» V, L'Assemblée nationale décrète qu'en exécu- connues, les inconvénients n'ont pas été bien graves; tion, tant des précédents articles que de tous les car le choix des uns n'était pas plus dangereux que autres qui forment constitutionnellement une repré- celui des autres. Il s'agit ici de fondations acceptées sentation nouvelle du clergé, les assemblées de dé par l'église, et non de fondations domestiques. La partements et de districts respectivement se concer- nation n'a aucun droit sur celles qu'un décret de l'éteront avec les évêques diocésains, et même, le casglise n'a pas acceptées. Les patronages et collations échéant, avec les patrons et collateurs laïcs, pour laïques peuvent être envisagés sous trois points de l'acquittement des charges spirituelles, fondées et vue, l'administration des biens, la manière de pourattachées aux biens dont l'administration a été con- voir aux bénéfices, et la clause des fondations. A fiée auxdites assemblées, à quoi il sera procédé de l'instant où le peuple sera saisi du droit de nommer telle manière, que l'on conserve des charges et fon- ses ministres, où le peuple redemande la pureté de dations toutes celles dont l'acquittement ou l'exécu- l'ancienne discipline, il est constant que les patrotion tourne évidemment au plus grand bien de la re- nages et les collations laïques ne peuvent être réclaligion, des meurs et de la nation. més. C'est un usage contraire à l'ordre public. Il est sensible que tous les bénéfices ne doivent être remplis que de la même manière. Ici s'appliquent les principes consacrés par le décret du 2 novembre.

VI. Les titulaires et possesseurs actuels des bénéfices, et autres établissements supprimés dans les termes de l'article III ci-dessus, et parmi lesquels sont compris les filleuls et agrégés à place inamovibles dans les paroisses, auront le même traitement qui a été accordé par l'Assemblée nationale aux autres titulaires, dont les bénéfices à patronage ou collation ecclésiastiques sont déjà supprimés, chacun

Le titulaire ne peut pas plus être propriétaire que les autres; c'est toujours à la décharge de la nation que les fondations ont été faites: il n'y a aucun prétexte pour les soustraire à l'exécution de vos décrets. En disposant des biens, la nation reste grevée des

charges: il n'y a rien de plus juste. Aussi le comité a-t-il eu soin de vous proposer un article qui porte cette disposition. L'éducation publique, le soin des pauvres, rien ne sera négligé; jamais l'intention des fondateurs n'aura été plus respectée qu'elle le sera dans l'avenir; elle a été outragée lorsque les revenus passaient dans les mains de commandataires inutiles, forsqu'ils étaient dévorés par des titulaires oisifs qui affichaient partout le scandale et le faste. Vous aurez suivi l'intention des fondateurs, lorsque vous aurez salarié honnêtement des ecclésiastiques respectables, dont chaque jour sera marqué par de nouveaux services. On remplit l'intention littérale du fondateur, quand cela est possible. Fixez vos regards sur ces anciennes fondations, et voyez si elles sont utiles. Elles étaient appliquées à des ordres militaires, pour combattre des infidèles que nous devons laisser en paix; à des établissements pour guérir des maladies dont le nom nous est inconnu; à des religieux inutiles, que vous avez détruits. Qu'avez-vous fait?

Une foule de malheureux ecclésiastiques languissaient dans la misère, et vous les avez soustraits à la misère. Des ateliers de charité établis pour des personnes de tout sexe, vont offrir aux pauvres des moyens de subsister avec aisance; et certes, l'intention des fondateurs est respectée. Le fondateur a voulu ce qui était bon alors; il a voulu que sa fondation fût perpétuelle, parce qu'il a jugé qu'elle serait toujours également utile. C'est cette intention principale qu'il ne faut pas perdre de vue; celui qui a fondé une église a voulu honorer la divinité, et pour être plus sûr du sujet, il s'en est réservé la nomination; mais si la fondation est devenue inutile et le titulaire un objet de scandale, supprimez la fondation, et vous remplissez évidemment l'intention du fondateur. On oppose aussi des clauses de réversion : quelques fondateurs ont prévu le cas où leurs établissements devaient cesser d'être utiles, et ils ont voulu alors qu'ils cessassent d'exister; mais, sans doute, ils n'ont pas voulu prévoir celui où les représentants de la nation assemblés pour établir un nouvel ordre de choses, se mettraient à la place du fondateur, et appliqueraient leurs libéralités pour le plus grand bien de l'état et de la religion. Supprimez les établissements inutiles, et dotez les ministres utiles vous avez rempli l'intention des fondateurs. Vous faites en un instant plus de bien qu'ils n'en ont fait en plusieurs siècles. Qu'on ne m'oppose pas des clauses inutiles, qu'on ne cherche point à éluder les principes, sous prétexte que le fondateur se plaint au bout de dix siècles que la fondation n'est pas remplie.

Je demande que le projet de décret du comité soit mis aux voix.

M. LANDINES: Le rapport de votre comité ecciésiastique sur les patronages laïques offre sans doute des vues dignes de compléter son travail sur l'organisation du clergé, Les principes en sont justes et tiennent à l'intérêt général; mais toute justice trop rigoureuse devient quelquefois une injustice, et le bien lui-même, pour s'opérer et se soutenir, ne doit-il pas souvent se garder de paraître extrême ?

En adoptant plusieurs bases du rapport, je crois que l'une d'elles ne porte pas sur un fondement solide; en admettant ses résultats, je pense que l'un d'eux mérite une plus grande extension, et que sans elle il nuirait à un grand nombre de citoyens sans servir beaucoup à l'utilité publique ; je veux parler des prébendes familières et des simples commissions de messes.

Lorsque l'Assemblée a ordonné la suppression de plusieurs bénéfices, lorsqu'elle a réglé la forme de l'administration des autres, un premier aperçu émané de iustice, le nremier sentiment de la rai

son, et c'est toujours celui-là qu'il faut écouter, lui fit formellement distinguer les patronages laïques, et depuis elle a renvoyé sa décision sur cet objet à un examen particulier; mais dans ces patronages de fondation laïcale, il en est de plusieurs genres; votre décision ne peut donc être la même pour tous, Plusieurs diffèrent dans leur but, dans leur objet, on ne peut donc les placer dans le même rang; plusieurs enfin offrent diverses conditions dans la donation, un hommage plus ou moins entier à l'église; ils ne peuvent donc lui appartenir tous au même titre et se trouver confondus dans une même disposition.

Je sais que l'article II du projet de décret qui vous est présenté excepte de sa disposition les fondations non spiritualisées et laïcales, justifiées par titre et par cession; mais cette exception est insuffisante ou du moins ne porte pas avec elle la juste application qu'elle doit avoir.

En effet, le rapport ne paraît pas avoir assez évidemment distingué dans les bénéfices de patronage laïque, ceux qui donnent tout à la fois à l'église la propriété et l'usufruit des immeubles qui forment le bénéfice de ceux dont on a offert le simple hommage, accepté par l'évêque, mais dont l'usufruit eventuel est conservé aux familles. Votre sagesse, Messieurs, est sans doute bien éloignée de les céder à l'état au détriment des droits des particullers. Que l'on distingue donc ces deux sortes de patronage; ils méritent toute votre attention. Plus de cent mille familles dans le royaume et surtout ma province entière, sont attentives à votre décision, et sont rassurées par votre justice.

1

Les bénéfices de patronage laïque qui confèrent tout à la fois à l'église la propriété, l'usufruit et l'usage, qui ne conservent aux collateurs que l'honorifique droit de collation, acceptés par l'évêque et spiritualisés par son autorité, sont devenus dèslors d'un usage général, public et libre. Ceux qui en sont pourvus doivent d'ordinaire être clercs. Les patrons n'ont que le droit de faire agréer le prêtre de leur choix au supérieur ecclésiastique. Ces béné fices furent évidemment destinés par la bienfaisance religieuse au culte national et à l'entretien de ses ministres; aussi, dès que la nation se charge des dépenses de ce culte sacré, de l'entretien des ministres dont elle a jugé la conservation utile, ces biens, ces patronages tombent nécessairement dans sa disposition, Tels sont les canonicats de beaucoup de collégiales; tels sont en particulier tous ceux du chapitre de Montbrison, capitale de la province que je représente une foule d'abbayes, de pricurés, de chapellenies perpétuelles se classent dans cette division; c'est à ces bénéfices que le principe sur lequel est fondé le rapport, res universitati, res nullius, est applicable: les immeubles consacrés au bien général n'appartiennent plus à personne, ils n'appartiennent qu'à la grande famille; ils ne peuvent servir que de liens à cette charité fraternelle entre tous les citoyens, et qui est le plus digne hommage à celui qui régit invisiblement les empires et leurs nombreux habitants; ils servent, pour ainsi dire, de pacte d'union entre la terre et le ciel, entre l'homme et Dieu.

Ce principe ne peut plus s'applique à une autre espèce de patronage laïque, à celle qui n'a pas consacré à la religion une propriété entière, c'est-à-dire un domaine direct, utile et complet, par la confusion de cette propriété avec l'usufruit et l'usage. Par le titre de fondation de ces bénéfices, le patron primitif, en faisant don à l'église d'un immeuble, en a réservé aux siens l'usufruit et la jouissance éventuelle. Telles sont les préhendes familières en commissions de messes, et quelques chapellenies

particulières. Ce sont plutôt de simples rentes foncières établies par les fondateurs sur quelqu'une de leurs propriétés, que de véritables bénéfices. Ces prébendes, ces chapelles doivent être possédées préférablement par les clercs de la famille. Ce sont des ressources utiles que des hommes pieux et opulents ont trouvé dans leur fortune immobilière, pour aider à la fois le culte public, sans priver leurs descendants d'une jouissance légitime. Ces bénéfices reposent donc privativement sur les clercs de leur descendance, sur leurs arrière-petits-neveux, sur leurs enfants ou sur les fils de leurs enfants, filiation précieuse qui attache l'homme bienfaisant d'un côté à son créateur, de l'autre aux soins de sa postérité; fondation généreuse, qui apprend à des fils à bénir, aux pieds des autels, et le Dieu qu'ils servent, et l'ancêtre respectable qui a pris soin de leur état, de leur bonheur. Comment, Messieurs, pourriez-vous confondre avec les autres bénéfices une propriété dont on s'est réservé cet usufruit, un don auquel le fondateur attacha une condition, sans laquelle il n'eût pas été généreux? Comment arracher une jouissance qui est la ressource des familles nombreuses, des familles pauvres, des familles de toutes les classes, une jouissance enfin d'autant plus chère, d'autant plus sacrée, qu'elle est héréditaire, et qu'elle fut transmissible comme le gage de la piété et de la sollicitude paternelle?

Voyons enfin, Messieurs, quels sont les patronages laïques quí, outre l'usufruit éventuel conservé aux familles, leur en accordent encore l'usage fréquent et presque habituel? Ici paraît une institution utile, multipliée dans ma province, et qui y a produit, dans les rangs les plus obscurs, des hommes éclairés, et par conséquent de véritables citoyens. Le fondateur, en faisant hommage à l'église de l'objet de sa fondation, en le consacrant à des messes ou à d'autres religieuses attributions, n'a pas oublié que du moins il devait, avant tout, à ses enfants, à ses petits-enfants, les bienfaits de l'éducation. Il a prévu les cas où ses fils en auraient d'autres, où ils pourraient consacrer les revenus de la prébende, de la chapelle à cette juste destination; où il serait pru dent de détourner ces revenus des objets pieux pour satisfaire à un autre plus légitime. Plusieurs prébendes dans le Forez, et sans doute dans plusieurs autres provinces, laissent, par leur titre d'élection, la faculté aux collateurs, qui ont des enfants en bas âge, d'en appliquer le produit à les faire élever, sauf à la majorité de ces derniers, s'ils ne veulent pas être prêtres, de les concéder à un autre. Ces fondations eurent ainsi le but le plus touchant.

Des hommes favorisés de la fortune, voyant de toutes par s les biens s'amonceler et disparaître dans les maisons une alternative continuelle de richesses et de pauvreté dans les familles, cherchèrent à mettre leurs descendants à l'abri de ces affligeants revers; ils voulurent du moins leur ouvrir un port dans le naufrage, et ee port fut une bonne éducation: ils pensèrent avec raison que si les biens ne donnent pas à l'homme plus de patriotisme, de courage et de grandeur d'âme, c'est l'éducation seule qui lui apprend à sacrifier son intérêt propre a l'intérêt public, qui le rend citoyen, juste, ami éclairé de l'ordre, et utile à ses semblables; que c'est l'éducation qui constitue le bonheur de ceux qui l'environnent et le sien propre. En appliquant avec transport des champs fertiles à ces fondations respectables, ils offrirent l'image que, si leurs travaux constants avaient pu les fertiliser, l'éducation à son tour devait cultiver l'homme et lui faire produire de généreux fruits; fondations heureuses qui devinrent de nobles apanages des biens moraux, des vertus et de tous les bienfaits dont l'instruction nous fait jouir; sub

stitutions plus respectables qu'aucune autre, qui s'étendent sur les besoins de l'esprit, et que les fondateurs ont rendu inattaquables par la bienfaisance qui les a déterminés; et en les plaçant sous la garde de leur propre utilité, elles m'ont rappelé souvent ces établissements orientaux qui, au milieu d'une plage aride et sabloneuse, ont fixé un hospice consolant pour les voyageurs. Sur leur seuil est écrit d'ordinaire: Passant, souviens-toi que la vie ellemême n'est qu'un passage. Ainsi, au milieu de l'ignorance et d'incultes esprits, des patrons bienfaisants établirent des hospices de lumières et d'instruction dans leurs propres foyers; et si la vie n'est qu'un passage, ils en rendirent du moins à leurs descendants le court trajet et plus doux et plus tranquille.

Oui, messieurs, ces intentions généreuses ont été remplies; les familles sont devenues pauvres; elles restent du moins éclairées. Souvent le père dénué de bien sourit aux progrès de ses fils; ces progrès sont pour lui des garants d'un retour à la fortune, et d'un soulagement certain dans ses vieux jours. Pourrait-on lui ôter cet espoir consolateur, en mettant sa prébende dans la disposition de l'état; il faudrait donc lui enlever ses enfants; il faudrait plus, en lui ôtant les moyens de les élever, il faudrait donc, comme à Lacédémone, que l'état se chargeât de l'éducation des enfants des citoyens. Non, messieurs, si ces fondations ne peuvent être conservées dans le régime futur de l'organisation du clergé, vous saurez les rendre à leur institution primitive: elles doivent être restituées aux familles après la mort de leurs titulaires. Ces familles paieront à la municipalité du lieu les frais du service dont ces prébendes se trouvent chargées. Ces frais, ces rentes foncières acquitteront d'autant les dépenses nécessaires à l'entretien des utiles pasteurs des campagnes. En rendant ainsi les simples prébendes familières aux collateurs, vous procurerez à l'état deux grands avantages; le premier, c'est que ces biens vendus à des cultivateurs qui travailleront pour eux-mêmes, deviendront plus féconds, et que l'agriculture générale s'enrichira de cette prospérité; le second, c'est qu'en n'obligeant plus le patron à faire ses enfants prêtres pour en jouir, vous ne donnerez à la religion que des ministres dont la vocation sera pure, et par conséquent digne d'elle. D'un autre côté, en restituant aux pères les fonds mis sous la garde de l'église, et sur lesquels repose l'éducation de leur famille, ils en emploieront les fruits à apprendre à leurs enfants à maintenir la constitution, bénir vos décrets et à les défendre jusqu'a la mort.

M. BARÈRE: Il existe une loi qui porte, que lorsque les successeurs du patron sont dans l'indigence, on neut leur faire adjuger la jouissance du tiers des biens c'est en faveur de cette disposition que j'invoque votre justice; je demande que vous ne la perdiez pas de vue, lorsque vous parlerez des patronages laïques.

:

M. LE CAMUS: J'ai demandé la parole, parce que l'article 1er me parait renfermer des choses infiniment distinctes le patronage laïque et le titre de pleine collation laïcale. Dans la pleine collation laïcale, le propriétaire ne donne point ses biens; ils ne sortent pas de la main de ses représentants; on n'a pas besoin de la provision de l'église, au lieu que dans le patronage laïque, un sujet ne peut être nommé sans l'intervention de l'évêque. Beaucoup de titulaires ont, par ignorance, laissé dénaturer leurs titres. Votre décret ne peut s'étendre qu'aux bénéfices à patronages laïcaux; le reste est toujours dans la possession de la famille du donataire. On a dit ensuite que le décret s'étendait à tous les biens qui seraient devenus d'usage général : cette disposition

est une matière à procès. Un propriétaire a une chapelle dans l'enceinte de son château ; si c'est un homme dur, elle ne servira qu'à sa propre commodité, et elle sera interdite à tout le monde. Si au contraire il veut procurer l'aisance des habitants du ¡ieu, il aura ouvert sa chapelle à tout le monde, et l'on viendra lui dire : elle est d'un usage public, elle nous appartient comme à vous. Il est donc indispensable de retrancher de l'article cette disposition. Je demande qu'il soit fait des articles relatifs au patronage familier et à l'éducation des enfants.

M. L'ABBÉ CHARRIER, député de Lyon : En demandant la conservation des patronages laïques, je ne consulte point mon intérêt personnel, parce que quoique titulaire d'un bénéfice de ce genre, je l'abandonnerai volontiers, si l'intérêt de la patrie l'exige. Je désirerais que l'Assemblée nationale décrétat que son décret du 2 novembre ne s'étend pas jusqu'aux fondations spiritualisées.

M. REGNAULT, député de Saint-Jean-d'Angely: D'après les réflexions des préopinants, il me reste peu de vœux à former, et je me borne à demander que les dispositions concernent les collations laïcales et le patronage familier, ainsi que les biens particuliers de l'ordre de Malte.

15

et

On fait lecture d'une lettre de quelques citoyens
de la ville d'Uzès. Ils annoncent que les papiers pu-
blics leur font craindre d'être mandés à la barre,
ils déclarent que leur extrême pauvreté les empê-
chera de faire la dépense d'un voyage. Ils supplient
l'Assemblée d'avoir égard à leur intention, et de re-
cevoir leurs excuses.

On fait lecture d'une adresse des députés du commerce de Marseille : ils font passer à l'Assemblée nationale un don patriotique de 10,500 livres offertes par les Français établis à Alot.

Autre lettre des habitants et négociants de Tabago, actuellement à Paris : ils témoignent leur surprise de ce qu'on a élevé des doutes sur les événements M. La Luzerne, ministre de la marine, envoie un malheureux dont l'île de Tabago a été le théâtre. mémoire dans lequel, d'après l'ordre du roi, il notifie ces événements à l'Assemblée.

M. ARTHUR DILLON Je vous ai proposé de vous hâter de prendre un parti relatif aux troubles et à l'incendie du Port-Louis. Voici le décret que j'ai «L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été l'honneur de vous proposer: du Port-Louis, a décrété qu'il y serait incessamment rendu des troubles de l'île de Tabago et de l'incendie M. LE GRAND: Toute dotation faite à l'église dé-envoyé 300 hommes de troupes, pour remplacer le bapouille nécessairement le fondateur, et dans tous les cas où il est dépouillé, la nation est propriétaire des biens. Le donataire a tellement perdu ses droits à la propriété, que si au bout de six mois il n'a pas fait sa nomination, un autre peut nommer à sa place. Je demande donc que le premier article soit décrété.

M. MARTINEAU: Je me bornerai à quelques obser-
vations infiniment simples. Votre comité a distingué
les biens possédés à titre de bénéfices formant des
biens ecclésiastiques, et par conséquent des biens
nationaux, et les fondations qui n'ont point été éri-
gées en titre de bénéfice. Je ferai une distinction plus
simple; celle de l'objet du fondateur. Il a eu en vue
l'utilité publique ou son utilité privée. Dans le pre-
mier cas, il est clair que ce sont des biens nationaux:
dans le second, c'est la propriété du particulier. Un
propriétaire a établi dans son château (actuellement
son habitation) une chapelle; que cette chapelle ait
été érigée en titre de bénéfice ou non, la fondation
n'a pas changé ; il l'a fait pour l'intérêt unique de sa
famille. En Normandie, il y a des cures de collation
de l'intérêt général que les sujets
laïcale. N'est-il pas
y soient nommés par la voie d'élection comme pour
les autres cures? Si les titulaires ont un traitement,
n'est-il pas juste que leurs biens soient déclarés na-
tionaux: l'intérêt public en fait une loi. En consé-
quence, je crois qu'il faut déclarer que les chapelles
et chapitres claustraux seront retranchés des dispo-
sitions du 2 novembre.

M. DURAND: C'est pour la première fois que j'en-
les collateurs ou patrons soient pro-
tends dire que
priétaires des biens de la dotation. Il y a des lois
expresses qui leur défendent d'y toucher. Dans tous
les cas, votre comité vous a proposé ses vues; il s'en
rapportera à votre sagesse. On demande à aller aux

voix.

et de baïonnettes, 400 barils de farine et 600 de viande taillon de la Guadeloupe, 300 fusils, autant de sabres salée. Ordonne en conséquence que son président se retirera pardevers le roi, pour le supplier d'ordonner teurs des troubles qui ont occasionné l'incendie du l'exécution du présent décret, et faire punir les auPort-Louis,.

M. LACHAIZE : Toutes ces dispositions sont du ressort du pouvoir exécutif, et je demande qu'elles lui soient envoyées.

M. GOUPIL: Il est étonnant qu'on s'élève contre On ne considère pas que c'est le ministère lui-même la détermination détaillée proposée à l'Assemblée. qui vous y invite.

M. MOREAU (ci-devant de Saint-Méry): Il y a une grande agitation dans les colonies. Les colons n'ont pas une confiance bien absolue au ministère. Je crois qu'il est important que ces détails même soient réglés par le corps législatif.

M. CRILLON: Le décret qu'on vous propose est évidemment contraire à la constitution; il établit la confusion des pouvoirs. Déterminer le nombre d'hommes, ce serait empiéter sur le pouvoir exécuroi d'ordonner les mesures pour le rétablissement tif. Je demande donc qu'on s'en tienne à supplier le de l'ordre dans l'île de Tabago.

M. GOUY, député de Saint-Domingue: Nous avons important de vous donner connaissance; l'une d'elles reçu des lettres des Iles-sous-le-Vent, dont il paraît - Cette lettre andans la rade du Port-au-Prince. est écrite à bord de la frégate du roi la Vestale, nonce une insurrection du régiment d'artillerie en garnison dans cette ville contre ses officiers. Les drières et au magasin à poudre par les soins de la canonniers avaient menacé de mettre le feu aux poumunicipalité et de la garde nationale, tous les effets funestes que pouvait avoir cette révolte ont été prétillerie ont été faits prisonniers et désarmés. Les venus: les canonniers entourés dans le parc d'ardeux ont été pendus, un a été renvoyé et sept consoldats ont dénoncé dix instigateurs de la révolte; Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre damnés aux galères. Le corps a demandé ses offide M. Jacques-Auguste Lapierre, à laquelle est joint ciers, et prié instamment qu'on renvoyât en France M. Gouy a fait lecture d'une un acte qu'il a passé pardevant notaire, contenant les mauvais sujets, qui sont tous des recrues noula rétractation de la signature qu'il a, dit-il, eu le malheur de donner à la délibération des prétendus autre lettre, écrite du Cap. Nous apprenons qu'au catholiques de Nîmes qui l'avaient choisi pour prési-Port-au-Prince on s'est décidé à renvoyer deux cents

Plusieurs membres demandent que MM. Le Camus et Martineau présentent des articles qui répondent aux vues qu'ils ont développées.

L'Assemblée décide qu'en attendant cette rédaction, l'ordre du jour sera interrompu.

dent.

vellement arrivées. ·

soldats de recrue. Tranquilles sur ce point, nous

collation laïcale, qui ont conservé une destination domestique et privée, sont seuls exceptés.

III. Il sera statué, d'après l'avis des départements, sur le sort de toutes les fondations faites pour les maisons d'éducation et pour le soulagement des pauvres. »

tombons dans de nouvelles inquiétudes; les gens de couleur ont formé une conspiration; deux d'entr'eux ont été arrêtés; ils étaient munis d'un serment qu'ils faisaient signer, et qui portait l'engagement de se battre et défendre jusqu'à extinction. La conspiration s'étend sur toute la dépendance du Cap, et à particulièrement la ville pour objet.... L'Assemblée M. TREILHARD: Je demande la priorité pour l'avis coloniale se forme; on en conçoit de grandes espé-du comité. Un bénéfice est un établissement public; rances.... On dit qu'il y a des troubles à la Marti- c'est pour cela que les bénéfices à collation laïcale nique. seront compris dans le décret du 2 novembre. Or, je M. GOUY: Ces événements prouvent combien nous pretends qu'un bénéfice est établi par le public dans avions raison en demandant, au mois de juillet der- quelque lieu que ce soit. La destination du bénéfice nier, qu'il ne fût point envoyé de recrues dans les ne dépend pas du lieu, mais de l'objet pour lequel Iles-sous-le-Vent. Ainsi il y a deux décrets à rendre, il est formé. La seule exception qu'on put admettre l'un pour Tabago et l'autre pour Saint-Domingue. serait celle qui porterait sur des fondations non ériTabago demande des vivres et des moyens de dégées en titre de bénéfices.... Tout ce qui est d'un fense. J'approuve le décret qui vous est proposé; mais j'observe qu'il serait inconstitutionnel de fixer le nombre des troupes à y envoyer. Si ce nombre était insuffisant, le ministre vous dirait : c'est vous qui l'avez déterminé ; s'il était assez considérable | pour donner des inquiétudes aux colonies et aux puissances étrangères, le ministre vous dirait encore: c'est vous qui l'avez déterminé. C'est au pouvoir exécutif qu'il appartient de saisir le milieu qu'il faut prendre. Lorsque vous aurez rendu un décret dans ce sens, nous écrirons aux Iles-sous-le-Vent pour annoncer qu'elles ne doivent prendre aucune inquiétude de ces dispositions. Quant à Saint-Domingue.... (On observe qu'il n'est pas question de Saint-Domingue, et M. Gouy termine son opinion.) M. COCHEREL: Des habitants de Tabago sont ici, il faut les entendre avant de statuer.

M. BARNAVE : Le moyen que vous aurez à prendre me paraît susceptible d'une grande évidence. Je ne crois pas que vous puissiez déterminer la quotité des secours et des forces à envoyer à Tabago; je ne erois pas que le pouvoir exécutif seul puisse déterminer la proportion de ces forces et la mesure de ces secours; car, lors de circonstances plus importantes, vous vous trouveriez dans une situation où le désordre que cette faculté accordée indéfiniment aux ministres appellerait sur le royaume, serait irrémédiable, la responsabilité très difficile, et presque toujours illusoire: il faut déterminer la mesure de force et de moyens qui pourra être attribuée à tel ou tel département; mais puisque cette mesure n'est pas fixée, il me parait convenable, à défaut d'un décret antérieur, de prendre un párti que les circonstances même indiquent. Je propose un projet de décret conçu en ces termes :

« L'Assemblée nationale, délibérant sur une lettre adressée à son président par le ministre de la marine, pour appuyer la pétition des habitants de l'île de Tabago, décrète que son président se retirera pardevers le roi, pour le supplier de faire passer à Tabago les moyens de subsistance et de défense demandés par les habitants de cette île dans leur pétition.» (Une grande partie de la salle applaudit.)

M. CRILLON LE JEUNE : J'adopte entièrement cette proposition.

Le projet de M. Barnave est presque unanimement adopté avec de nouveaux applaudissements.

[ocr errors]

On fait lecture des articles rédigés par MM. Le Camus et Martineau. Ils sont ainsi conçus !

[ocr errors]

ART. Ier. Les bénéfices, patronages laïcs, et ceux des établissements de pleine collation laïcale qui sont actuellement destinés à un service public, sont soumis à toutes les dispositions du décret concernant les bénéfices de pleine collation ou le patronagé ecclésiastique.

usage général et libre est à la disposition de la nation.

M. SÉRENT (ci-devant comte de): Ces bénéfices né sont autre chose que l'attribution faite par un particulier, pour assurer à lui et à ses descendants un service particulier. Ce bénéfice n'a été établi ni pour ni par la nation. Si l'Assemblée détruisait ce service, la dotation devrait revenir aux représentants du propriétaire. Cette dotation n'est autre chose qu'une pension laïque.... Je crois que nul n'a le droit de s'approprier ces fondations, et qu'elles doivent perpétuellement sortir du plein et entier effet de la volonté du fondateur.

Après quelques observations sur la rédaction des articles présentés, M. Croix observe qu'une rédaction de cette nature est difficile à faire dans une Assentblée nombreuse; il en demande le renvoi au comité ecclésiastique, et l'ajournement a demain. Cet ajournement est décrété.

La séance est levée à trois heures et demie.

AVÍS DIVERS.

Le tirage de la loterie royale de France s'est fait hier. Les numéros sortis sont : 3, 76, 20, 62 et 80. Le prochain tirage se fera le 19 de ce mois.

SPECTACLES.

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. - Aujourd'hui 2 juillet, la 6 représentation de Louis IX en Egypte, opéra. THEATRE DE LA NATION. Aujourd'hui 2, le Présomps tueux; et le Procureur arbitre.

THEATRE ITALIËN. → Aujourd'hui 2, les Événements imprévus; et Azémia. Demain 3, les deux Tuteurs; et la 6 représentation de Ferdinand, suite des deux Pages. Dimanche 4, la 13° de la Soirée orageuse ; et là 10° dé Pierre-le-Grand.

THEATRE DE MONSIEUR. - Aujourd'hui 2, à la salle de la foire Saint-Germain, le Complot inutile; et le Souper d'Henri IV. Demain 3, la e représentation del Viaggiatori Felici. - Dimanche 4, la pré représention d' Azéllë.

THEATRE DU PALAIS ROYAL. · Aujourd'hui 2, l'Humeur à l'épreuve, comédie en acte; le Soldat prussien, en 3 actes, et Ricco, en 2 actes. En attendant la Double Intrigue. THEATRE DE MADEMOISELLE MONTANSIER, au Palais Royal. Aujourd'hui 2, la 13 représentation des Epouz mécontents, opéra en 4 actes.

COMÉDIENS DE BEAUJOLAIS. - - Aujourd'hui 2, à la salle des Elèves, Florette et Colin; les Déguisements amoureux; et Lucile et Dercourt.

GRANDS DANSEURS DU RO.. Aujourd'hui 2, les deux Jumeaux la Cacophonie ; le brave Poltron; la Nuit d'Henri IV.

AMBIGU-COMIQUE. Aujourd'hui 2, la Dot; Adélaïde; la 2 représentation du Comte de Comminges; et la Máriée de Village.

-

THEATRE FRANçais Comique et LYRIQUE, rue de Bondy. - Aujourd'hui 2, la 3 représentation de Virginie; et la 3 de la Folle Gageure.

II. Les chapelles fondées et desservies dans les Intérêt des assignats-monnaie. Aujourd'hui £ juillet¿ maisons particulières, encore qu'elles soient érigées en titre de bénéfices, et les établissements de pleine

de 200 liv.

5 s. 8 d.

-

- 300 liv.
1000 liv.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small]
[ocr errors][merged small]

Paris. Typ. Henri Plon, rue Garancière, 8.

« PreviousContinue »