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tiplier les jeunes plants (*); car on veut arrêter la sève dans la branche qui bourgeonne. Le malheur en a déjà flétri une; il faut greffer celle qui peut encore orner le vieux tronc de feuillages et de fruits.

» Le Roi Puisque l'ange qui vous envoie est le même qui maria le jeune Tobie, et délivra sa fiancée des démons, ne pourroit-il pas rendre fécondes toutes les branches de l'arbre?

>> Martin s'étoit animé dans son langage, et avoit pris peu à peu un tel ascendant de fascination sur l'esprit du Roi, par son air de prophète, qu'on eût dit un maître instruisant son disciple. Je n'ai jamais vu S. M. plus attentive à une conversation. Martin répondit à la dernière question: Sire,

l'arrêt est irrévocable.

» Le Roi: Mais il existe déjà une femme et des enfans, unc union légitime. Devons-nous les reconnoître ?

» Martin: Sire, vous ne dites pas toute votre pensée. Vous ne voudriez pas une alliance conjugale avec les ennemis de la France et de la religion catholique. Suivez votre inspiration, elle est bonne. Le poignard arrivera trop tard. Un baptême de sang se prépare; mais la vie naîtra de la mort.

»Nous tombons dans l'Apocalypse, dit le Roi, qui plus tard se rappela cependant, dans une cruelle circonstance, cette obscure prédiction.

» Martin Sire, la suite vous éclairera; mais hatez-vous, le jour du poignard est écrit.

» Le Roi lui prit la main. Permettez-moi, lui dit-il, de toucher la main que l'ange a serrée dans la sienne.

» Martin : Ah! Sire, votre main auroit été serrée comme la mienne par cette glorieuse main, et j'osai répondre à l'ange, quand il m'ordonna de venir ici: Que n'y allez-vous vous-même?

» Le Roi: Eh bien, que vous répondit-il?

» Martin : Qu'il n'étoit pas en son pouvoir de vous accorder ce que vous désiriez le plus dans ce moment, et qu'il lui en auroit trop coûté de vous refuser en personne.

il ne

» Ah! Je sais, dit le Roi, un peu embarrassé, et baissant la voix; laissa parvenir, jusqu'au trou de la serrure, que le nom à peine articulé du roi David... Mais vous savez tout, Martin, reprit Louis XVIII, d'une voix plus ferme.

» Martin: Je ne sais que ce qu'on m'a appris; mais pour vous prouver ina mission, je vous dirai que vous avez fait une promesse que vous n'avez pas tenue. Vous y êtes encore à temps..., ou vous devez renoncer à recevoir jamais l'huile sainte sur votre front.

>>> Gardez-en le secret, dit le Roi; il n'y a que Dieu, vous et moi, qui saurons jamais cela.

» Martin: Je serai muct. Mais n'allez pas à Reims, si vous ne dégagez pas votre parole; car il est écrit que la cérémonie du sacre seroit fatale...

>> L'entretien devenoit intéressant ; je vis le Roi lever les yeux au ciel, en joignant les mains en croix, et une larme coula sur sa joue; mais soit lassitude d'attention, soit que la voix plus étouffée de S. M. devint réellement moins distincte, je n'entendis plus que des paroles inintelligibles pour moi. >>

(*) Cette conversation de Martin avec le Roi est du 2 avril 1816, et antérieure, par conséquent, de plus de deux mois au mariage de M. le duc de Berri, qui fut célébré à Notre-Dame le 17 juin suivant.

Nous trouvons dans les Mémoires de la femme de qualité trop de choses à nier et à rejeter, pour qu'il nous soit permis de réclamer la confiance entière du lecteur en faveur de ce passage; on y trouve beaucoup de choses invraisemblables, tant dans ce qu'on fait dire au Roi, que dans ce qu'on attribue à Martin. Que seulement on nous permette de placer ici une observation. Ce récit est vrai, ou il ne l'est pas; s'il est vrai, quelle frappante prédiction de la mort du duc de Berry! s'il est faux, quelle confiance mérite une femme qui, dans tout le reste, se montre habituellement si moqueuse, si pleine d'irrévérence et de dévergondage philosophique sur tout ce qui se rapporte aux choses de la religion? B.

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NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. La Gazette des cultes a pris pour devise cet article de la Charte Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection. Cette devise est gravée à la tête de tous les numéros, comme pour rappeler aux lecteurs que cette maxime est, en quelque sorte, la pensée dominante du journal, et ne sera jamais perdue de vue par ses rédacteurs. Mais si chacun professe sa religion avec une égale liberté, cette liberté sera aussi apparemment pour les catholiques et pour leurs prêtres. Pourquoi seroient-ils exclus d'un bienfait qui doit être commun à tous? Or, jouiront-ils de ce bienfait, si on exerce envers eux une inquisition sévère, si on épie leurs démarches et leurs discours, si on les poursuit jusque dans leurs écoles, dans les lieux de prières, dans les exercices de piété? La Gazette a annoncé qu'elle exerceroit une surveillance active sur tout l'extérieur du culte, sur le personnel des prêtres, sur les prédications, sur les missions, sur l'enseignement des séminaires. Or, qui lui a donné ce droit de surveillance et de contrôle sur ce qui se passe dans nos églises et dans nos écoles? Cet espionnage, car c'en seroit un à s'en tenir à la lettre même du Prospectus, cet espionnage est-il légitime? est-il honorable? Peut-il se concilier avec cette liberté que la Charte nous assure? Cette

liberté ne sera-t-elle pas illusoire, si chacun peut venir porter un œil malin sur ce qui se passe dans nos églises, critiquer nos pratiques de religion et les discours de nos prédicateurs, jeter du ridicule sur nos missions, nous contester même le droit d'en avoir? N'est-ce pas une risée que de prendre pour épigraphe l'article 5 de la Charte, et de venir ensuite poursuivre par des moqueries ceux qui se croyoient protégés par ce même article? N'est-ce pas se jouer de la Charte que d'enfreindre une de ses dispositions les plus importantes, au moment même où on la proclame comme une règle inviolable? Toute cette inquisition dont on nous me→. nace est donc en contradiction avec la devise qu'on a prise. C'est une tyrannie qu'on exercera tout en parlant de liberté, c'est une vexation tout en vantant la tolérance. Est-ce là la. protection que la Charte promettoit aux catholiques? Sontce là des égards que l'on doit à des compatriotes, à des hommes paisibles, à des amis, à des frères? Pourquoi venir les troubler dans ce qu'ils ont de plus cher, explorer leurs exercices de la religion, blâmer telle pratique, censurer tel discours? Voilà déjà la Gazette qui attaque les missions et les missionnaires. Elle tourne en ridicule un missionnaire, M. Lacarrelle, qui prèche à Carcassonne; elle dissèque, elle commente un de ses discours, et avec un peu de malice et d'astuce, en prenant quelques mots isolés, en les arrangeant peut-être, en supprimant ce qui en détermineroit le sens, elle parvient aisément à y trouver un sujet de dérision. II n'y a pas de discours qu'on ne puisse travestir par cette méthode, ni d'orateur qu'on ne puisse immoler. Les missions déplaisent à la Gazette, et dès son second numéro, elle a un article contre ces exercices. Elle s'étonne qu'il y ait des missions au milieu d'une population catholique; c'est là, dit-elle, un spectacle bien extraordinaire. Nous lui dirons, pour la tranquilliser, qu'au 17° siècle, au milieu d'une population plus religieuse, les missions étoient encore plus fréquentes en France; que saint Vincent de Paul en donna. un grand nombre, qu'il envoya ses disciples pour en donner dans beaucoup de diocèses, et qu'il établit une congrégation dont le but principal étoit de faire des missions, et qui, pour cet effet, prit même le nom de Prêtres de la Mission. On ne trouva point alors ce spectacle aussi extraordinaire, et il l'est sans doute encore moins aujourd'hui, où la religion est

moins connue et moins pratiquée. Nous n'insistons pas en ce moment sur ces réflexions, et sur d'autres que nous avons déjà présentées, en répondant aux attaques contre les missionnaires, et nous regrettons seulement que les ennemis des missions ne prennent pas la peine de connoître les faits et les raisons qu'on leur oppose, et qui tendent également à justifier des exercices plus nécessaires que jamais dans le siècle où nous sommes.

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Charles Debard, ancien maître d'armes au 1er régiment d'infanterie légère, vient de donner un exemple de bonne foi et d'amour pour la vérité. Il a foulé aux pieds les préjugés de sa naissance, et abjuré l'erreur protestante à Pfaffans, arrondissement de Belfort, diocèse de Strasbourg. Il avoit été instruit par les soins de M. Rouesch, curé de Pfaffans, et M. Cacheux. Un grand nombre de fidèles ont été témoins de la démarche de M. Debard; l'église étoit remplie de monde, et M. l'abbé Cacheux a développé avec tafent les preuves de la religion catholique les plus capables de faire impression sur ceux qui veulent être éclairés. Nous joignons ici l'acte d'abjuration de M. Debard, qui fait honneur à sa résolution couragcuse :

« Je soussigné Charles Debard, ancien maître d'armes au 1er régiment d'infanterie légère, déclare, à la face du ciel et de la terre, qu'ayant eu le malheur de naître de parens protestans, j'ai professé jusqu'à ce jour la doctrine de Luther; mais qu'ayant été éclairé par les soins de MM. Rouesch et Cacheux, j'ai enfin eu le bonheur de reconnoître que c'étoit la seule Eglise catholique, apostolique et romaine qui enseignat la vérité; qu'elle est le vaisseau hors duquel il n'y a pas de salut à espérer, et le rocher contre lequel viendront toujours se briser les vains efforts de l'erreur et du

mensonge.

>> C'est pourquoi, dans la crainte d'être frappé par la mort avant d'avoir pu faire l'abjuration publique de mes erreurs, comme je le dois à Dieu et à son Eglise, j'ai cru devoir publier, sans nouveau délai, une déclaration de mes sentimens, que j'ai rédigée étant dans la plénitude de mes facultés.

>> Je déclare donc que j'embrasse de toute l'étendue de mon esprit et de mon cœur toute la doctrine de la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine : j'abjure à jamais, avec une conscience franche comme celle d'un militaire, les erreurs de Luther, de Calvin.... J'embrasse les vérités saintes de cette Eglise infaillible, toujours pure et sans tache, que mes aïeux eurent le malheur d'abandonner. Je fais à Dieu l'aveu sincère de mes erreurs, et j'espère en trouver le pardon dans le sein de son ineffable miséricorde.

» J'invite tous mes parens, mes amis, et tous ceux qui sont sur le chemin de l'erreur, de partager mon bonheur.

» Pour exprimer en un mot tous mes sentimens, je suis prêt à sceller de mon sang cette religion divine, pour laquelle la légion thébaine, commandée par saint Maurice, a souffert le martyre.

» Fait à la Rivière, canton de Fontaine (Haut-Rhin), le 8 mai 1829. Charles DEBARD. >>

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Le Constitutionnel indique à M. Roy une ressource précieuse pour son budget de 1830; il a découvert que M. l'abbé Desmazures jouit d'un traitement de 2000 francs, comme Père latin de la Terre-Sainte et aumônier de l'ambassade de Constantinople. Prenez toujours cela, dit-il, et faites d'une pierre deux coups; châtiez ce moine barbu (car c'est ainsi qu'il l'appelle), qui s'avise d'aller prêcher en Piémont contre la liberté de la presse, et diminuez votre milliard d'autant. Ce n'est pas tout; le Constitutionnel trouve que nos desservans sont magnifiquement rétribués avec leurs 750 fr. de traitement, et qu'on ne doit avoir aucune pitié d'eux. Prenez donc encore là-dessus, si vous voulez, et ajoutez cette économie à celle qu'on vous propose de faire sur le Père Desmazures; car le Constitutionnel vous les livre tous de bien bon cœur.

-L'empereur du Brésil a voulu disposer de la couronne du Portugal, qui ne lui appartient point; nos écrivains révolutionnaires ont trouvé la chose très-juste. Maintenant ils entendent dire que le roi de Sardaigne veut aussi disposer de celle qui lui appartient, et voilà ce qu'ils ne peuvent plus se mettre dans l'esprit. Ils sont tellement brouillés avec la légitimité, qu'il n'y a de bon à leurs yeux que ce qu'on peut prendre à la royauté sans sa permission. Le vrai de l'affaire, c'est qu'on passe tout à un empereur qui donne des chartes constitutionnelles, et rien à un roi qui ne sait gouverner qu'à l'ancienne mode.

-MM. Audibert et Edouard de Rigny sont nommés maîtres des requêtes

en service ordinaire.

- M. le duc de Blacas, ambassadeur à Naples, est arrivé vendredi dernier à Saint-Cloud. Il a pris, dimanche, le service de premier gentilhomme de la chambre, en l'absence de M. le duc d'Aumont, qui va prendre les eaux.

-M. le baron de Lalive, introducteur des ambassadeurs, est mort le 15 de ce mois.

- Un journal, en parlant de M. de Chauvelin, avoit dit que ce député, étant ambassadeur à Londres, avoit notifié au gouvernement anglais la mort de Louis XVI. M. de Chauvelin, dans une lettre adressée au journaliste, dit qu'il est entièrement faux qu'il ait été chargé de faire et qu'il ait fait une notification dont il ne veut pas même, dit-il, rappeler l'objet.

-L'incident de la séance de vendredi dernier, qui a si fort chagriné les députés de la gauche, a fait songer aux moyens de remédier à une mesure si dangereuse pour le parti. Dès le lendemain, M. B. Constant a déposé, sur le bureau du président, une proposition tendante à ce que la chambre ne puisse être consultée sur la clôture de la discussion avant que la discussion ait commencé.

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