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on fit un appel à la bonne volonté des habitans, et pendant trois jours, soixante-dix ouvriers travaillèrent avec zèle à aplanir et préparer le terrain. Dans d'autres temps, l'ouvrage auroit été une affaire de trois mois; pour des hommes si bien disposés, ce ne fut qu'un jeu. Chacun offrit de même son concours pour la confection de la croix et pour les préparatifs de la plantation. Le dimanche 11 janvier, le signe sacré du salut fut porté en triomphe au milieu d'un peuple nombreux qui faisoit retentir l'air d'acclamations. Chacun, en se retirant, ne savoit comment exprimer sa joie, et le pasteur, tout étonné de la nouvelle fâce qu'a prise sa paroisse, bénit Dieu d'un si heureux changement, et se félicite d'avoir appelé les hommes courageux auxquels il a été donné d'opérer un si grand changement.

- Un des derniers évêques constitutionnels, M. Monin, évêque des Ardennes, est mort à Metz le 19 janvier, dans un age avancé. Joseph Monin étoit né le 23 novembre 1741, à Palizeul, village du duché de Bouillon. Après de bonnes études, il entra dans l'ordre de Prémontré, et prononça ses vœux le 5 septembre 1762, à l'abbaye de Lavaldieu, près Charleville. Dès qu'il eut été ordonné prêtre, son abbé, qui lui reconnut quelque mérite, voulut soigner ses études, et l'envoya au collège que les Prémontrés avoient à Paris pour y faire sa licence. Monin ne prit cependant que le grade de bachelier en théologie. En 1769, il fut nommé maître des novices à l'abbaye de Prémontré, et en 1771, prieur-curé d'Hargnies, diocèse de Namur, dans les Ardennes. Une note que nous avons reçue d'un de ses confrères porte que sa conduite y fut estimable, qu'il fit bâtir l'église et le presbytère, qu'il étoit l'arbitre des différends, et qu'il savoit les étouffer ou les calmer. La révolution le séduisit; il fut président de l'administration du district de Rocroy, et prononça, en cette qualité, un discours pour l'élection des députés à la confédération du 14 juillet 1790; ce discours fut imprimé à Charleville en 1790, in-12, et fut inséré dans le Mercure national. Nicolas Philbert, évêque constitutionnel des Ardennes, étant mort le 22 juin 1797, on s'occupa de lui donner un successeur. Quelques prêtres et des laïques réunis à Sédan élurent Monin en mars 1798. Il eut le triste avantage de l'emporter sur ses concurrens, Herbelet et Perin, vicaires épiscopaux. Il vint à Paris, et fut sacré à

Notre-Dame par les réunis le dimanche premier juin, et non le premier juillet, comme il est marqué dans le Tableau des évêques constitutionnels. Il prit possession de son siège le 22 juillet, et on trouve une lettre de lui dans les Annales des constitutionnels, où il dit qu'il sera possible de ramener la concorde quand Dieu aura appelé à lui quelques vieillards qui tiennent encore à l'ancien système. Monin publia, à cette époque, une Lettre pastorale mentionnée dans les Annales; il y exhortoit à la paix et à la charité, et faisoit l'éloge de son prédécesseur. Il disoit, en commençant, qu'il étoit sincèrement uni de communion avec le siège apostolique, ce qui ne paroît pas avoir plu à ses confrères, comme si on eût pu suspecter leur sincérité. Monin assista au concile de 1801, où il ne se fit point remarquer. Il donna sa démission la même année, et obtint, en conséquence, la pension de 3333 fr. Il se retira à Metz, où il parut vouloir se faire oublier. Une sœur, ancienne religieuse, plus âgée que lui, et quelques amis, formoient sa société. Il disoit tous les jours la messe dans une communauté de religieuses qui lui ont rendu de bons offices dans sa maladie. Son titre d'évèque constitutionnel ne lui avoit pas fait perdre son attachement pour son ordre; il accueilloit les anciens Prémontrés qui passoient par Metz, et entretenoit quelque correspondance avec ceux du dehors. Nous savons d'ailleurs d'une manière authentique que M. Monin avoit eu des entretiens avec M. l'évèque de Metz, et qu'il lui avoit remis un acte d'adhésion aux jugemens du saint Siège sur les affaires ecclésiastiques de France. La chose nous a été certifiée par un chanoine de Metz. Monin étoit arrivé à sa 88 année lorsqu'il a succombé à une maladie, pendant laquelle il a montré les sentimens les plus édifians. Tout nous porte à croire qu'il a réparé la faute qu'il avoit commise, et qui avoit été pour ses confrères un véritable sujet d'affliction.

- Il a paru à Aurillac une notice nécrologique sur M. Delolm de Lalaubie, maire de cette ville; une circonstance que nous mentionnerons bientôt nous engage surtout à en donner un extrait. M. Louis-Henri-Guy Delolm de Lalaubie étoit un médecin distingué dans sa profession; il avoit fait de bonnes études au collège Louis-le-Grand, et se rendit recommandable par les qualités de l'esprit et

par celles du cœur. Le goût de l'instruction, un jugement sain, un caractère doux et égal, l'amour de l'ordre, des inclinations bienfaisantes, le firent estimer et aimer de ses concitoyens. Il se maria dans un âge assez avancé, perdit sa femme, et n'eût désiré de plus longs jours que pour les consacrer à l'éducation de ses enfans. Sa fin a couronné une vie si laborieuse et si utile; il est mort en chrétien, et l'acte dont nous allons parler atteste ses religieuses dispositions. M. de Lalaubie, encore fort jeune, avoit publié pendant la révolution un opuscule sur la loi naturelle, dont plusieurs passages attaquoient la révélation. Dans sa longue inaladie, il a rétracté cet écrit. L'acte de cette rétractation est du 3 novembre 1828, et est ainsi conçu: Dans le discours sur la religion naturelle que j'ai publié pendant la révolution, je regrette beaucoup d'avoir ajouté à la fin tout ce que j'ai dit contre la révélation, particulièrement dans l'application que j'en fesois à la religion chrétienne et catholique. Signé Delolm de La laubie. Cette déclaration, souscrite par M. de Lalaubie plus de deux mois avant sa mort, ne lui fut dictée que par une conviction profonde des vérités de la religion. Il manifesta fortement et à plusieurs reprises le désir que la plus grande publicité fût donnée à cet acte, et ses parens ont rempli ses dernières volontés en insérant cette pièce à la suite de la notice, avec l'attestation de mad. Arnal, tante de mad. de Lalaubie. Cette démarche honorable ne rendra que plus chère la mémoire du maire d'Aurillac; ses obsèques ont prouvé combien il étoit respecté. Tous les habitans d'Aurillac y ont assisté en deuil; le préfet a voulu s'y trouver, et des discours, prononcés sur la tombe du défunt, ont été l'expression de l'estime publique et de la douleur générale. Félicitons surtout M. de Lalaubie d'avoir réparé une erreur de sa jeunesse, et d'avoir donné un gage de son retour sincère à la religion.

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On commence à espérer que les obstacles qui s'opposoient à l'exécution du concordat des Pays-Bas vont s'aplanir successivement. Il est question de la nomination de quelques évêques. On dit que M. l'abbé Van Bommel est nommé à l'évêché de Liège, M. de Planck à l'évèché de Tournai, et M. Van de Velde à celui de Gand. Ces choix ne peuvent qu'être agréables aux catholiques. M. Van Bommel est un ecclésiastique distingué par sa picté et par son

mérite, qui a dirigé long-temps un séminaire dans la partie du nord. M. de Planck est curé d'Hannut, et M. Van de Velde est curé à Lierre, près Anvers. Ces choix ont été concertés entre le saint Siège et le gouvernement. D'après le concordat, la première nomination d'évêques devoit être faite par le Pape; mais on croit que le gouvernement avoit obtenu la promesse d'exercer quelque influence sur la nomination. Un journal des Pays-Bas regrette qu'on n'ait pas nommé quelqu'un des grands-vicaires qui administroient les diocèses depuis quelques années, et qui s'étoient concilié l'estime et l'affection des catholiques par leur zèle et leur prudence. Leur expérience auroit pu, en effet, être utile dans le moment actuel, mais d'autres considérations n'ont pas permis de s'arrêter à des choix si honorables. On ne parle point encore de la nomination des évêques pour Amsterdam et pour Bois-le-Duc, et on ne sait ce qui retarde l'exécution du concordat pour ces sièges,

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Le Constitutionnel avoit compté sur des cohues révolutionnaires pour les élections municipales, et partant il ne s'accommode point des limitations fixées par le projet de loi. Il regarde comme un outrage fait à la sagesse du peuple souverain l'espèce de précaution qu'on a prise de ne pas le réunir en trop grand nombre, et à ce sujet il demande pourquoi l'on ne défend pas de même aux catholiques de se réunir dans les églises au-delà de soixante personnes. Ce pourquoi n'est pas difficile à résoudre : c'est que les fidèles n'ont pas coutume de se rassembler par esprit de désordre et pour troubler la paix des Etats, tandis que les révolutionnaires ne se rassemblent jamais impunément pour la tranquillité publique. Les fidèles se rassemblent pour apprendre à devenir meilleurs; les révolutionnaires, pour apprendre à devenir plus mauvais. Plus les fidèles fréquentent les églises, plus il y a de sûreté pour le royaume; plus les révolutionnaires fréquentent leurs cohues politiques, plus il y a de dangers à craindre pour l'Etat. Enfin, pendant la révolution, les églises étoient fermées et les clubs étoient ouverts; ce qui répond mieux que tout le reste aux pourquoi du Constitutionnel.

On se rappelle que le siège du cul-de-sac Dauphin et le massacre des citoyens de Paris au 13 vendémiaire conduisirent Barras au premier poste de la république. Il ne faut pas demander si, à la suite de cette expédi¬

tion, il se présenta des amateurs pour prendre part à la curée. On prétend qu'il reçut au-delà de quatre mille pétitions qui lui demandoient des récompenses civiles et militaires, sur des titres plus ou moins odieux, que les fanfarons de révolution exagéroient peut-être encore pour donner plus de prix à leurs hauts faits. Soit par curiosité, soit pour s'armer au besoin de tout cet étalage d'actions mauvaises et de sentimens atroces, on assure que Barras avoit précieusement conservé tous ces beaux monumens historiques. Or, étonnez-vous maintenant des cris qui s'élèvent de toutes parts pour réclamer contre l'affreuse violation des papiers de l'ancien chef du Directoire; étonnez-vous des consultations d'avocats et des mille articles de journaux par lesquels on établit que le gouvernement n'avoit pas le droit de toucher à une chose aussi sacrée! Espérons cependant que les parties intéressées en seront quittes pour la peur, et qu'en considération du grand nombre de gens qui jouissent encore du fruit de ces vieilles pétitions, le salutaire principe d'union et oubli sera de nouveau reconnu et proclamé.

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-Une feuille sémi-périodique, éclose depuis la nouvelle loi sur la presse, contenoit, il y a quelque temps, le récit de la mort de Sand en style admiratif. L'assassin de Kotzebue, sous le titre de l'Ami de la vertu, étoit le héros d'un pompeux article de l'ancien Album. On l'y représentoit comme un martyr de la sainte cause de la liberté; on y faisoit l'éloge d'un assassinat et le panégyrique d'un coupable. Cet article étoit d'un bout à l'autre l'apologie du crime le ministère public a traduit au tribunal de police correctionnelle les sieurs Eugène Brifaut, qui en est l'auteur, et. Magalon, gérant du journal, sous la prévention d'outrage à la morale publique et de provocation à l'assassinat. Des chatimens répétés auroient dù rendre ce dernier plus circonspect, car il a déjà subi deux condamnations de prison à treize et à six mois pour écrits séditieux. M. l'avocat du Roi Champanhet a soutenu l'accusation avec force; les prévenus ont été défendus par l'avocat Berville. Le tribunal n'a pas trouvé le second chef d'accusation suffisamment justifié; mais il a condamné Magallon, attendu la récidive, à un an de prison et 500 fr. d'amende, et Brifaut à deux mois de prison et 100 fr. d'amende.

Un arrêté de M. le préfet de police, approuvé par le ministre de l'intérieur, porte qu'un conseil provisoire, composé de seize souscripteurs, sera formé sous la présidence du préfet de police, pour s'occuper des travaux préparatoires qu'exige l'établissement d'une maison de refuge et de travail avec les deniers provenant de la souscription ouverte pour l'extinction de la mendicité, qui s'élèvent déjà à 4 ou 500,000 fr. Sont nommés par M. de Martignac membres de ce conseil : MM. le marquis de Marbois, le baron Séguier, le duc de Caraman, le baron Pasquier, les ducs de Doudeauville, de la Rochefoucauld-Liancourt, de Choiseul, pairs de France; le baron Ternaux, le comte Al. Delaborde, Dupin aîné, Vassal, députés ; Lecordier et Cochin, maires des premier et douzième arrondissemens; Breton, membre du conseil-général du département; Chodron, président de la chambre des notaires; J. Greffulhe, propriétaire. M. Cochin remplira les fonctions de rapporteur.

- M. le baron de Burosse, député, est nommé sous-préfet de SaintSever, en remplacement de M. le baron de Cauna, décédé.

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