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du prélat, ses biens devoient retourner à sa famille, et ses livres et sa chapelle devoient passer au séminaire et à StSauveur; mais son testament olographe ne se trouvant pas signé, on ne sait ce que deviendront ses dispositions.

Nous avons d'autant plus de raisons de faire connoitre un jugement fort remarquable rendu le 7 février, à Paris, par le tribunal de commerce, présidé par M. Aubé, que très-peu de journaux en ont parlé, sans doute parce que ce jugement n'a pas eu le bonheur de leur plaire. Le baron de Satge avoit composé un livre sous ce titre : Les Merveilles du pouvoir absolu, suivies des causes et des effets de la superstition. Le 7 oclobre 1828, l'auteur contracta, pour la publication de cet ouvrage, avec Riga, imprimeur, et Jeannin, libraire. Le livre fut imprimé chez David; mais après avoir examiné les épreuves, Riga et Jeannin trouvèrent l'ouvrage trop hardi, et refusèrent de le mettre en vente. M. Satge, incapable, dit-on, de céder à des considérations de ce genre, cita les imprimeurs devant le tribunal de commerce, et demanda 3000 fr., puis 10,000 fr. de dommages-intérêts. M. Duquenel a plaidé pour lui; il s'est moqué des scrupules des libraires, et a prétendu qu'ils avoient vendu le manuscrit de M. Satgé à une faction, que celui-ci n'attaquoit dans son livre que des abus odieux, que c'étoit un vieux champion de la monarchie, et qu'il n'avoit été conduit à écrire contre le despotisme, que parce que M. de Villèle avoit empêché le Roi de remplir la promesse faite à M. Satgé d'une somme de 300,000 fr. ou d'un domaine, pour les bons et loyaux services qu'il avoit rendus à la monarchie. Cette injustice criante du ministre a révolté le généreux royaliste, et lui a inspiré des plaintes amères; il y a d'autres exemples de défections semblables.. M. Auger, avocat des libraires, a fait remarquer que le manuscrit ne leur avoit pas été communiqué avant l'im→ pression, que l'auteur ne l'envoyoit que par parcelles, et que ce n'est qu'après l'impression terminée qu'on a pu juger de l'ensemble. On étoit loin d'attendre d'un vieillard en cheveux blancs tant de violence et d'acrimonie. L'intention de faire de son livre un épouvantail perce à chaque page. Les conventions privées doivent être observées sans doute; mais ces principes doivent céder à des considérations plus impérieuses. L'auteur des Merveilles est un homme en

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révolte ouverte contre nos lois; il outrage ce qu'il y a de plus saint. L'avocat n'a rien voulu citer en public, mais il mettra sous les yeux du tribunal, dans la chambre du conseil, des passages qui prouveront que le livre sape tous les fondemens de la société. M. Satge proteste de son amour pour la liberté, s'élève contre les détracteurs des ordonnances, et accuse Riga d'avoir vendu à une faction le manuscrit et les exemplaires. Riga s'écrie que c'est une calomnie. M. Chaix-d Estange lui-même, avocat non suspect, a déclaré que le livre étoit répréhensible. Le tribunal a rendu un jugement dont le considérant porte que le sieur Satge n'ayant pas communiqué son manuscrit en entier, et les libraires alléguant la crainte des poursuites, le tribunal a examiné le inanuscrit dans la chambre du conseil, et s'est assuré que les craintes des libraires n'étoient ni chimériques, ni exagérées; qu'on ne peut regarder comme licites. les obligations qu'ils avoient contractées, et dont l'effet seroit d'appeler sur eux des poursuites et des peines. Le tribunal a donc déclaré les conventions nulleş et non avenues; seulement les libraires rendront à Satgé son manuscrit, et deux effets qu'ils avoient reçus de lui, et dont ils n'ont rien touché. Riga et Jeannin ont été condamnés aux dépens pour tous dommages-intérèts; David a été mis hors de cause. Les libraires ont demandé acte des réserves qu'ils font de poursuivre M. Satgé pour les imputations diffamatoires qu'il s'est permises à l'audience. Le tribunal a donné acte, et M. Satge, qui a eu peur de s'être trop avancé, a prétendu que ses assertions n'avoient pas été aussi positives qu'on paroissoit le croire. Le tribunal a félicité M. Auger de la réserve qu'il avoit mise dans sa plaidoirie. Ce jugement justifie la répugnance des libraires à imprimer un mauvais livre, et rendra peut-être les méchans écrivains moins téméraires dans leurs entreprises.

On diroit que MM. les chevaliers de l'ordre légal ont entrepris de faire revivre tous les vieux procès ou les prêtres se trouveroient compromis. Voilà pourquoi le Constitutionnel du 13 janvier a réchauffé une misérable petite affaire que l'on croyoit éteinte dans le diocèse de Nanci, car elle date de près de deux ans. Le nouveau bruit qu'on veut en faire nous force de nous en occuper. Voici les faits qui s'y rapportent. Dans presque toutes les paroisses du diocèse, il

existe des congrégations de filles pieuses qui font profession d'une dévotion spéciale envers la sainte Vierge. D'après les statuts de ces associations, les curés en ont la police, et peuvent en exclure pour cause grave. Or, il se présenta, en juin 1827, une occasion où M. Baillard, curé de Flavigny, crut devoir user de ce droit. Ayant appris que deux de ses congréganistes (auxquelles déjà il avoit fait grâce une fois après les avoir expulsées) s'étoient oubliées d'une manière peu édifiante dans les réjouissances d'une noce, il déclara en chaire, le dimanche suivant, qu'il les renvoyoit de nouveau de la congrégation, et comme tout le monde savoit pourquoi, il n'eut pas grand'chose à dire pour donner à ses veproches une certaine gravité. Les libéraux aiment tant les congrégations, que tout à coup ils se mirent en devoir de faire rentrer les deux pauvres filles dans les honneurs qu'un acte arbitraire venoit de leur enlever. Ils les prennent donc sous leur protection, leur donnent des conseils, de l'argent et un avocat, pour les mettre en état de poursuivre leur cruel pasteur. M. Poirel, de Nanci, est l'homme de loi par excellence pour toutes ces choses-là. C'est à lui que cette bonne fortune appartient, et le voilà muni de la procuration d'une des plaignantes; car l'autre ne voulut point absolument du secours et des subsides de la philantropie. Assigné dans les formes, le curé est d'abord renvoyé de la plainte par le tribunal de première instance de Nanci, qui se declare incompétent. Le zélé M. Poirel n'en resta pas là, et en effet, il fut plus heureux devant la cour royale, où sa cliente obtint satisfaction; mais M. le curé de Flavigny, à son tour, se pourvut en cassation, et l'arrêt fut cassé. Avec des ennemis moins chauds de la religion, et un comité directeur moins riche, l'affaire auroit pu paroître assez déci dée; mais on voulut tenter la fortune auprès d'une autre cour. Celle de Metz jugea, et les libéraux succombèrent, Comme si ce calice n'eut pas été déjà assez amer pour eux, le curé, en retournant chez lui, après avoir gagné sa cause, trouva toute sa paroisse en fête. On vint en procession à sa rencontre; les jeunes gens vouloient le porfer en triomphe. Des décharges de mousqueterie, des acclamations, des feux de joie, voilà comment son retour fut célébré. Il n'y eut pas jusqu'au père d'une des deux congréganistes disgraciées, qui ne vint joindre ses félicitations à celles des autres pa

roissiens, et remercier son digne pasteur de la leçon de morale qu'il avoit donnée à sa fille dans l'origine de cette affaire. Mais au milieu de toutes ces joies, que devient ce pauvre M. Poirel? Il se retourne de tous côtés; il espère que le ministre et le conseil d'Etat auront pitié de son zèle; il confie ses chagrins à la Gazette des tribunaux et au Constitutionnel, qui, pour le consoler, se mettent à crier de toute leur force : Exoriare aliquis ultor. Malheureusement pour la bourse du comité directeur et pour la gloire de M. Poirel, l'aliquis ultor ne paroît pas, l'un en est pour ses frais, l'autre pour ses peines. Selon toute apparence, le conseil d'Etat laissera au curé de Flavigny la police de sa petite congrégation de filles, dont les mœurs et la piété ne gagneroient peut-être pas grand'chose à passer sous la direction des libéraux.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Vous savez combien les libéraux sont scandalisés de ce qu'on ait pu songer aux curés et aux desservans dans le projet de loi sur l'organisation municipale. Vous les avez entendus s'écrier avec effroi : Que veut-on faire de cette légion de prêtres! Eh bien! les voilà maintenant scandalisés au même degré de ce que les rabbins et les autres ministres du culte israélite ont été oubliés dans le dénombrement de la tribu votante. Ainsi vous voyez bien qu'ils songent à tout, et qu'ils veulent de tout, pourvu que la religion catholique n'en soit pas.

- Le Roi a daigné accorder à l'arrondissement de Nogent-le-Rotrou, le plus pauvre du département d'Eure-et-Loir, une somme de 800 fr. pour venir au secours des indigens pendant la mauvaise saison. M. le Dauphin a bien voulu y joindre une somme de 500 fr.

-L'ordonnance royale qui arrête que le traitement de réforme ne pourra être accordé aux officiers qu'après huit ans de service, porte que désormais tout officier jouissant de ce traitement ne pourra en être privé que par suite d'une condamnation juridique.

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- Le nouveau président de la cour des comptes, M. le vicomte Harmand d'Abancourt, est nommé membre de la commission de surveillance de la caisse d'amortissement et de celle des dépôts et consignations.

-M. de Guilhermy, conseiller d'Etat, l'un des présidens de la cour des comptes, ancien député aux Etats-généraux de 1789, étant dangereusement malade, a reçu ces jours derniers les sacremens de l'Eglise. Le Roi, M. le Dauphin, Mad. la Dauphine et M. le duc d'Orléans, qui n'ont pas oublié

l'antique et constante fidélité de ce vieux serviteur, ont envoyé savoir de ses nouvelles.

- M. Auvray, proviseur du collège royal de Henri IV, a versé, au bureau de charité du douzième arrondissement, le produit d'une collecte faite au profit des pauvres parmi les administrateurs, professeurs et élèves. Cette quête, réunie à celle de l'institution Hallays-Dabot, s'élève à 1606 fr.

- M. Charles Dupin a déposé vendredi dernier, dans les bureaux de la chambre des députés, la proposition de nommer une commission de renseignemens et d'informations sur le mode le plus avantageux, pour le trésor royal et les contribuables, de percevoir l'impôt sur les tabacs, et sur le degré de liberté qu'il convient d'accorder à la culture de cette plante.

- M. le prince de Polignac est reparti pour Londres dimanche soir. -Quelques libéraux s'étoient plaints de la publicité donnée à la souscription en faveur de Béranger: un député, M. Duris-Dufresne, s'est mis au-dessus de ces scrupules, et a écrit ce qui suit au Courrier français : « Monsieur, je vous prie de recevoir ma souscription pour payer l'amende de M. Béranger. Je m'associe avec plaisir aux témoignages de l'amitié et de T'humanité; ce sont des sentimens véritablement francais. » Voilà ce qui s'appelle entendre l'ordre légal, respecter l'autorité de la chose jugée.

- M. Magalon, rédacteur-gérant de l'ancien Album, est cité en police correctionnelle sous la prévention du double délit de provocation à l'assassinat et d'outrage à la morale publique, par la publication dans ce journal d'un article intitulé l'Ami de la vertu.

-L'ordonnance de police qui se rend annuellement pour prescrire les mesures d'ordre pendant le carnaval contient, cette année, quelques dispositions de plus. Le débit dans les rues du livre dit Poissard est formellement interdit. Il est défendu aux individus déguisés de s'arrêter dans les rues ou sur les places pour y tenir de ces propos obscènes ou inconvenans. qui scandalisoient à cette époque le public.

-Un incendie a éclaté, le 25 janvier, dans la commune de Quesnel (Somme). Neuf habitations ont été consumées avec tout ce qu'elles conte

noient.

- Un pont suspendu en fer vient d'être établi sur la rivière de l'Oise, en remplacement du bac de Mery, vis-à-vis le village d'Auvers. Ce pont, qui est d'un seul jet, a 180 pieds de long.

-C'est à tort que des journaux ont répandu le bruit que les Pères du grand St-Bernard ont résolu d'éloigner de leur église le monument érigé au général Desaix.

- Le roi de Bavière a quitté Munich le 9 février pour se rendre à Rome. Après un séjour dans cette ville, il ira à Naples, où il a fait appeler le colonel Heidegger, afin d'obtenir de cet officier des éclaircissemens précis sur la situation de la Grèce.

On a découvert l'individu qui avoit mis le feu à la belle cathé

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