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n'est pas suspect. Sir R. Vivyan parla longuement sur les dangers de laisser les Jésuites se recruter; il cita les Monita secreta comme un recueil authentique, et répéta les accusa tions qu'il avoit lues sans doute dans quelques journaux et pamphlets d'outremer. M. Lewis lui répondit; il est persuadé qu'il entre beaucoup de préjugés dans ce qu'on dit des Jésuites. Il rappelle à cette occasion que, pendant qu'il étoit membre de la commission pour l'état de l'éducation en Irlande, on fit venir le Père Kenny, supérieur des Jésuites d'Irlande, et on l'interrogea pendant trois jours sur ce qui regardoit son corps et l'enseignement. Le Père Kenny répondit à tout avec franchise, et un membre de la commission, M. Foster, qu'on savoit être peu favorable aux catholiques, avoua qu'il avoit été content de la sincérité et de la loyauté du supérieur. Le Père Kenny, entr'autres, s'expliqua très-bien sur les Monita secreta, fit l'histoire de ce libelle, et déclara que c'étoit un recueil calomnieux et apocryphe. On lui présenta les règles et les constitutions de la société, et il reconnut qu'elles étoient exactes, et que tout s'y trouvoit.

Tel fut le récit de M. Lewis; M. Foster, qui étoit présent, et qui est aussi membre de la chambre, le confirma. Il croit que les Monita secreta ne méritent aucune confiance. Il est convaincu que les Jésuites sont des hommes consciencieux et zélés; ils travaillent aux missions, ils s'occupent de conversions. Je loue, dit M. Foster, leur conduite sous ce rapport; elle est conséquente de leur part mais comme protestant, je la crains pour mon pays, et je crois qu'on devroit les empêcher de se répandre. M. Humne a dit qu'aucun corps n'avoit rendu plus de services que les Jésuites, et M. Munck qu'aucun ordre n'avoit produit autant d'hommes distingués. M. Peel s'est opposé à l'amendement de sir R. Vivyan, qui vouloit qu'on excluât sur-le-champ les Jésuites de l'enseignement; ce seroit contraire à la bonne foi, dit-il. Ils ont profité du bénéfice des lois existantes; tout ce qu'on peut faire, c'est d'empêcher leur nombre d'augmenter. M. Peel a ensuite proposé un article qui accorderoit au gouvernement la faculté d'autoriser les Jésuites et religieux qui viendroient en Angleterre pour des motifs valables, à y rester six mois.

Tous les amendemens ont été rejetés, et la chambre a or

donné, à une majorité de 233 voix contre 106, que le bill avec les amendemens proposés par le ministre seroit transcrit, selon l'usage. Il fut décidé que la proposition de la troisième lecture seroit faite le lundi 30. Elle a eu lieu en effet ce jour-là. Les opposans ont fait un dernier effort. Le marquis de Chandos a demandé que la troisième lecture n'eût lieu que dans six mois, ce qui a été rejeté par 320 voix contre 142. Un autre amendement, qui consistoit à défendre à tout catholique membre d'une corporation de voter sur des fonds affectés à des œuvres de charité, a été écarté par 233 voix contre 17. Les débats n'ont fini qu'à quatre heures du matin, et M. Peel a terminé la discussion avec le même talent qu'il l'avoit commencée; aussi a-t-il été à la fin couvert d'applaudissemens.

Le bill pour la franchise élective a éprouvé encore moins de difficultés dans la chambre des communes. On sait que ce bill supprime les électeurs à 40 shellings, et porte le cens à 10 livres sterling. Plusieurs amendemens ont été écartés à une forte majorité. M. Moore, député protestant de Dublin, vouloit qu'on fit une exception pour les francs-tenanciers protestans, et qu'on élevât le cens des catholiques à 20 1. st. pour écarter la population inférieure. M. Peel a fait sentir combien ces calculs étoient impolitiques; l'amendement de M. Moore a été rejeté à une majorité de 96 voix. Les autres clauses du bill ont été adoptées sans division, et la troisième lecture a eu lieu le même jour que celle du bill principal: il a passé sans difficulté. Les Irlandais sont très-mécontens de cette élévation du cens, qui affoiblira l'influence des catholiques; mais le ministère a cru que cette mesure étoit très-politique dans les circonstances actuelles, et après l'exemple des derniers troubles, où on a vu combien il étoit facile d'exalter le peuple et de le faire voter au gré de ceux qui le dirigeoient.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Notre journal étoit imprimé et distribué samedi matin, quand on a appris par le télégraphe la nouvelle de

l'élection du pape. Cette nouvelle est arrivée avec une etonnante célérité, puisque l'élection a eu lieu le mardi matin, 31 mars, et qu'on l'a apprise à Paris le samedi 4, avant midi. Les voix des cardinaux se sont réunies sur le cardinal François-Xavier Castiglioni, évêque de Frascati et grand-pénitencier. Ce cardinal est né à Cingoli, dans l'Etat de l'Eglise, le 20 novembre 1761. Il fut fait en 1800 évêque de MonteAlto, petite ville de la marche d'Ancône. Le 8 mars 1816, Pie VII lui donna le chapeau, et le fit évêque de Césène. Le 13 août 1821, le cardinal Castiglioni passa dans l'ordre des évêques, et devint évêque de Frascati, un des évêchés suburbicaires. Il étoit en dernier lieu grand-pénitencier, et préfet de la congrégation de l'Index. Comme grand-pénitencier, il assista à la mort Pie VII et Léon XII. Il est d'usage que le grand-pénitencier aille, pendant la semaine sainte, entendre les confessions des fidèles dans les 3 basiliques patriarcales. Le cardinal Castiglioni avoit eu des voix dans le précedent conclave. Ce fut lui qui, en dernier lieu, cut à répondre, comme chef d'ordre, aux discours des ambassadeurs d'Autriche et de France. Ses réponses sont pleines de sagesse comme de dignité. Dans celle au comte de Lutzow, S. Em. louoit le vif intérêt que montroit l'empereur d'Autriche pour la splendeur de l'Eglise, et ses soins pour la conservation et la prospérité de la religion dans ses Etats. La réponse à M. de Châteaubriand est plus remarquable encore, et acquiert un nouvel intérêt par l'élévation de son auteur sur le saint Siège. Il est curieux de voir en quels termes le pontife futur s'exprimoit peu de jours avant l'élection sur les circonstances où se trouve l'Eglise, sur la meilleure politique à suivre et sur les qualités du pape qui alloit être élu :

« Le sacré Collège étoit bien persuadé que la perte douloureuse de Léon XII seroit extrêmement sensible au cœur du fils aîné de l'Eglise, de l'auguste Charles X, roi très-chrétien, tant à cause des excellentes vertus de ce pontife que de la tendre affection qu'il avoit pour S. M.; mais si nous trouvons dans son amère douleur la preuve éclatante d'une ame souverainement religieuse, nous y trouvons aussi, pour notre consolation commune, une nouvelle assurance d'avoir toujours dans S. M. un soutien dans les besoins de l'Eglise, et un défenseur de cette foi qui, depuis les premiers siècles, a si fort brillé dans le florissant royaume de France; nous en avons pour gage l'empressement qu'elle met à la prompte et libre élection du chef suprême de l'Eglise, attestant admirablement par là que les intérêts de la religion catholique, vraie et solide base des empires, sont la

plus chère de ses pensées parmi ses immenses soins, comme tous les sayes y applaudissent (1), et comme en sont un précieux témoignage les lettres royales que vient de présenter V. Exc., lettres pleines des sentimens les plus religieux, dignes d'un fils et d'un héritier du trône de saint Louis.

» Le sacré Collège connoît la difficulté des temps auxquels le Seigneur nous a réservés. Toutefois, plein de confiance dans la main toute-puissante du divin auteur de la foi, il espère que Dieu mettra une digue au désir effréné de se soustraire à toute autorité, et que, par un rayon de sa sagesse, il éclairera les esprits de ceux qui se flattent d'obtenir le respect pour les lois humaines indépendamment de la puissance divine.

>>> Tout ordre de société et de puissance législative venant de Dieu, la seule véritable foi chrétienne peut rendre sacrée l'obéissance, parce que seule elle consolide le trône des lois dans le cœur des hommes, motif solide auquel la sagesse humaine s'efforce en vain de substituer d'autres motifs, ou trop foibles, ou propres à produire des chocs.

» Le sacré Collège, pénétré de l'importance de l'élection qui intéresse la grande famille de toutes les nations réunies dans l'unité de la foi et dans l'indispensable communion avec le centre de cette même unité, adresse les prières les plus ferventes au Saint-Esprit, de concert avec tant de fervens et édifians catholiques de la France, pour obtenir un chef qui, revêtu de la suprême puissance, dirige heureusement le cours de la barque mystique.

>> Confiant dans les paroles de N. S. Jésus-Christ, qui nous a promis d'être avec son Eglise non-seulement aujourd'hui et demain, mais jusqu'au dernier des jours, le conclave espère que Dieu accordera à cette Eglise un pontife saint et éclairé, lequel, avec la prudence du serpent et la simplicité de la colombe, gouvernera le peuple de Dieu, et qui, plein de son esprit, et à l'exemple du pontife défunt, réglera sa conduite selon la politique de l'Evangile, laquelle se tire de la source divine des saintes Ecritures et de la vénérable tradition, et qui est la seule véritable école d'un bon gouvernement; politique par conséquent aussi élevée au-dessus de toute politique humaine, que le ciel l'est au-dessus de la terre.

» Ce pontife, donné par Dieu, sera certainement le père commun des fideles; sans acception des personnes, son cœur, animé de la plus vaste charité, s'ouvrira à tous ses enfans; émule de ses prédécesseurs les plus illustres, il veillera à la défense du dépôt qui lui sera confié; du haut de son siège, il montrera aux admirateurs étrangers de la gloire ancienne et nouvelle de Rome, outre un grand nombre d'autres monumens, le Vatican et le vénérable institut de la Propagande, pour démentir celui qui accuseroit Rome d'être l'ennemie des lumières et des arts... >>

(1) Les journaux qui ont donné ce discours avant nous, et qui en offroient, disoient-ils, la traduction littérale, ont totalement défiguré cet endroit, et au lieu de comme tous les sages y applaudissent, ils font dire au cardinal, comme le prouvent tous ses actes confirmés par les applaudissemens universels. Or le texte italien ne contient pas un mot de cela; il n'y est point parlé d'actes, et encore moins de tous les actes. Il y est dit seulement, siccome tutti i saggi glie ne fanno plauso, ce qui fait un sens fort different. Cependant tous les journaux ont copié cette traduction fautive, où il y avoit peut-être quelque intention.

Ce langage à la fois pieux, digne et sage, indique assez l'esprit qui anime le nouveau pontife et les vues qui le dirigeront. Le cardinal Castiglioni a pris le nom de Pie VIII, conformément à l'usage suivi par un grand nombre de papes de prendre le nom du pontife auquel ils devoient le chapeau. Une dépêche télégraphique, transmise de Lyon le 5 avril, annonce que le pape Pie VIII a choisi pour secrétaire d'Etat le cardinal Albani. Joseph Albani, de l'illustre famille de ce nom, qui a donné à l'Eglise un vert:eux et zélé pontife (Clément XI) et plusieurs cardinaux, est né à Rome le 13 septembre 1750; il fut d'abord clerc de la chambre, président des monnoies, puis auditeur-général de la chambre. Créé cardinal par Pie VII le 23 février 1801, il est le premier de l'ordre des diacres. Il fut forcé comme les autres de venir à Paris en 1809. Il étoit en dernier lieu secrétaire des brefs et légat de Bologne. Ce cardinal, qui avoit été autrefois nonce à Vienne, avoit eu le secret de la cour impériale dans les deux derniers conclaves, et le comte de Lutzow, ambassadeur d'Autriche, l'avoit annoncé formellement dans son discours au conclave, le 9 mars, comme l'organe des intentions de l'empereur. Son âge paroîtra peut-être un peu avancé pour les fonctions qu'il va remplir; M. le cardinal della Somaglia avoit le même âge lorsqu'il fut nommé secrétaire d'Etat en 1823 par le feu pape.

Le samedi 4, au soir, les cloches de toutes les églises paroissiales de la capitale annoncèrent l'érection et l'exaltation du souverain pontife Pie VIII. Elles sonnèrent encore le dimanche matin, et après la grand'messe, un Te Deum solennel fut chanté dans toutes les églises, en action de grâces de cet heureux évènement.

M. Roch-Etienne de Vichy, évêque d'Autun, est mort à Paris le vendredi 3 avril. Le prélat étoit né le 7 juillet 1753 à Paulhaguet, diocèse du Puy. Il étoit, avant la révolution, grand-vicaire d'Evreux, abbé commendataire de Saint-Ferme, abbaye de l'ordre de St-Benoît au diocèse de Bazas, et aumônier de la reine. En 1814, il fut nommé aumônier de MADAME, duchesse d'Angoulême. Nommé à l'évêché de Soissons en 1817, et institué pour ce siège dans le consistoire du 1er octobre, il ne prit pas néanmoins possession de ce siège, à cause des difficultés qui survinrent pour l'exécution du concordat. Le roi le nomma à l'évêché

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