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M. Don. de Sesmaisons reconnoît tout le bien que font les conseils-généraux dans leur organisation actuelle. S'il vote pour la loi, c'est parce qu'il désire que le pouvoir des préfets soit plus balance; mais il ne se rangera jamais aux envahissemens proposés par la commission.

M. Delacroix-Laval combat le projet de loi, surtout les amendemens, comme attentatoires aux droits de la couronne, et susceptibles de nous ramener à ces temps où la nation avoit pris rang avant le Roi.

Le 2, on continue la discussion générale de la loi départementale.

M. Girod (de l'Ain) pense que le système constitutionnel de la France étoit incomplet sans l'organisation exclusivement représentative et indé. pendante qu'il est question d'établir; mais il n'y a que le projet de la commission qui puisse satisfaire aux besoins de la nation.

Le gouvernement représentatif, dit M. le comte de la Bourdonnaye, ne peut subsister que par le concours et l'entier équilibre des trois pouvoirs; mais si, en introduisant des lois organiques, on accorde plus de prépondérance à l'un d'eux, on porte un coup mortel à la constitution du pays. Est-ce donc au moment où l'un de ces pouvoirs, égaré par l'effervescence des passious, faussé par la licence de la presse, au moment où la couronne est dépossédée de toute influence légitime sur les électeurs, qui sont aujourd'hui maîtrisés par un pouvoir occulte, que l'on doit, par une nouvelle concession, créer 40,000 collèges électoraux, et appeler 2 millions de citoyens à la participation de droits politiques que la Charte ne leur a point accordés? On favorise de tous les moyens le développement le plus formidable du pouvoir démocratique, et l'on ne fait rien pour accroître dans la même proportion l'autorité royale, que l'on va jusqu'à dépouiller du droit de nominer un grand nombre de ses agens; ni les privilèges de l'aristocratie, c'est-à-dire de la pairie, qui ne tire plus sa force que du trône contre l'esprit d'égalité qui la mine et le morcèlement des propriétés qui la tue. L'honorable membre montre, par d'autres considérations élevées, l'impossibilité d'admettre le nouveau système sans compromettre la sureté du trône et des institutions qu'il a données, et vote contre le projet de loi.

Il est défendu par M. Al. Delaborde, qui lui succède. M. de Conny, examinant dans son esprit et ses résultats la loi en délibération, prouve qu'elle est antimonarchique, qu'elle renverse la Charte, et que si l'on étend de jour en jour le pouvoir électoral, on se prépare de nouvelles cala

mités.

M. Ch. Dupin, toujours fidèle à sa méthode, se sert de chiffres pour appuyer les amendemens de la commission, et demande que l'on statue de suite sur ce qui concerne Paris.

M. de Schonen cherche à réfuter tous les argumens des orateurs royalistes et du ministre de l'intérieur contre les propositions de la commis-sion; il prend avec chaleur la défense des électeurs, et voudroit qu'on abaissat même le cens à 200 fr., afin qu'ils fussent encore plus nombreux. M. de Brigode soutient que la démocratie n'est plus à redouter aujourd'hui. L'état actuel des choses, et même le projet ministériel, lui semblent trop servir l'aristocratie, dont il ne veut point entendre parler.

La séance se termine par un discours de M. Viennet, interrompu continuellement à raison de ses violentes déclamations. Les défenseurs de la momarchie sont, selon lui, ses plus dangereux ennemis; il plaisante sur leurs

alarmes, et soutient que tout va bien. Si le vieux trône est tombé, c'est qu'il s'appuyoit sur des prestiges; le trône constitutionnel ne se consolidera qu'en donnant la plus grande extension aux libertés publiques.

Voici le résultat du renouvellement des bureaux le 28 mars :

Présidens, MM. de Larode, de Lastours, Delaborde, Sébastiani, du Marallach, Cassaignoles, Pougeard du Limbert, de Cambon, de la Bourdonnaye.

Secrétaires, MM. de Champvallins, de Panat, Béranger, Lamarque, Ricard, Thil, Jacqueminot, Lemercier, Arthur de la Bourdonnaye. Commission des pétitions, MM. Dartigaux, Bastoulh, Kératry, Moyne, Gérard, Baillot, Dumeylet, Etienne, Calemard de la Fayette.

Quand les Jésuites furent bannis de France en 1762, il paroit qu'ils oublièrent dans leur collège de Lyon une modique somme de vingt millions. On ne dit pas si c'est en francs ou en livres tournois; mais n'importe, la chose est toujours bonne à retrouver. Aussi plusieurs journaux annoncentils qu'une fouille extraordinaire vient d'être ordonnée à cet effet par le gouvernement; et remarquez, s'il vous plaît, la malice de M. Roy. Il n'a pas voulu faire entrer cette ressource daus son budget des voies et moyens, homme de peu de foi, il a commencé par se faire adjuger son monopole du tabac, comme si de rien n'étoit, et que la fouille du collège des Jésuites n'eut pas été là pour tranquilliser le fisc.

Comme la recherche dont il s'agit est de nature à exercer la curiosité pu blique, nous aurons soin de tenir nos lecteurs au courant de tout ce qui pourra s'y rapporter. Pour commencer, voici une lettre qu'on nous assure avoir été écrite, ces jours derniers, au secrétaire-général du comité directeur de Paris, par son collègue du comité constitutionnel de Lyon (*) :

<< Cher frère et ami,

>>> Vous connoissez l'importante recherche qui nous occupe. Il s'agit encore moins de déterrer les vingt millions que les anciens Jésuites avoient laissés à Lyon derrière eux, comme une espèce de poire pour la soif, que d'achever de confondre ces ogres de prêtres qui avoient entrepris d'avaler tout le royaume. Maintenant que l'éveil est donné sur cette découverte, il n'y a plus moyen de reculer; il faut absolument que les vingt millions se retrouvent. Il y va de l'honneur de notre comité constitutionnel, et j'ose dire de celui de votre comité-directeur. Vous sentez bien qu'au point où la chose est arrivee, nous ne pouvons plus en avoir le démenti.

>> Cependant je ne vous cache pas, cher frère et ami, que la fouille n'est rien moins que de l'argent comptant, et qu'elle pourroit bien ne pas répon

(*) On sait que, dans la séance de la chambre des députés du 21 mars, l'honorable M. Marschall a reconnu que les comités constitutionnels étoient assez mûrs pour être produits au grand jour.

dre à nos espérances. Vous savez que les furets de la révolution n'étoient pas gens à laisser dormir les capitaux dont ils avoient vent. Ils en ont déterré bien d'autres, dont ils ne rendront compte que dans l'autre monde. Aussi je serois assez disposé à croire que le pécule des Jésuites ne leur a pas échappé. Or, comme le vin est tiré, vous sentez que le comité-directeur est obligé de le boire, sous peine de nous faire essuyer à tous la plus dure mystification.

>> Nous espérons qu'il ne reculera pas devant le petit sacrifice que l'honneur lui impose, et qu'il nous enverra de quoi remplir l'engagement que nous avons pris de découvrir les vingt millions des révérends Pères; car vous comprenez bien que, pour les déterrer, il faut d'abord les enterrer. Cette comédie sera un peu chère, je l'avoue; mais le comité-directeur a les reins bons, et il le fera voir dans cette occasion, comme il l'a déjà prouvé dans beaucoup d'autres. Il est trop éclairé pour ne pas apercevoir, au premier coup d'œil, la gloire qui lui en reviendra. Pensez donc que jamais les Jésuites ne se releveront d'un coup pareil, car entre nous, cher frère, nous les avons toujours écrasés d'accusations sans pouvoir administrer la preuve de rien, mais ici les voilà pris sur le fait, et coûte qui coûte, il faut absolument que notre fouille serve à les ensevelir.

:

>>Remarquez bien, d'ailleurs, que parmi tous les griefs dont on s'est avisé contre eux, on n'avoit point songé à les représenter comme des imbécilles or, c'est un point que nous allons ajouter aux autres, et pour vingt millions nous en aurons le plaisir; car je vous donne à penser ce qu'on dira d'eux quand on saura qu'ils ont passé quarante-cinq ans du plus dur exil, souvent sans pain et sans souliers, tandis qu'ils n'avoient qu'à frapper la terre du pied pour en faire sortir un immense trésor; et puis que dire de leur entêtement à se condamner encore aujourd'hui à la même misère et aux mêmes privations plutôt que de recourir à leur cachette de Lyon? Oui, je vous le répète, il y a là de quoi les noyer à tout jamais dans le ridicule.

Si le comité-directeur avoit besoin d'encouragemens et d'illustres exemples, je lui citerois les riches seigneurs du royaume, qui brûlèrent leurs chateaux, il y a 40 ans, pour mettre sur le corps des patriotes quelque chose d'analogue à ce que nous nous proposons de mettre sur le corps des Jésuites; je lui citerois, d'après le témoignage du Censeur européen, de MM. Comte et Dunoyer, les princes français dirigeant eux-mêmes de Coblentz et de Pilnitz les coups destinés à briser leur trône, et à plonger leur royaume dans l'abîme de l'anarchie. J'ajouterois, cher frère, que ces cho-> ses-là portent bonheur, puisque M. Comte se trouve pourvu par M. de Vatimesnil d'une des premières chaires de l'Université, et M. Dunoyer présenté comme candidat au collège électoral de Pontoise.

» Il ne me reste qu'à vous avertir de prendre garde à un certain anacronisme que le comité directeur pourroit commettre par inadvertance. Vous sentez que les vingt millions des Jésuites de Lyon doivent se retrouver en monnoie du siècle de Louis XIV et de Louis XV, et porter un millésime antérieur à 1762; moyennant cette précaution, nous pourrons faire du charlatanisme comme tel libraire qui, avec quelques chiffons autographes de la main de Buonaparte, fait les délices de vos badauds. Il est probable que› nos vingt millions de monnoie ancienne ne produiront pas moins d'effet. >> Salut et fraternité, DE FOUILLANCOUR. >>

AU REDACTEUR.

Monsieur, on a déjà remarqué que les principes mis en avant par M. de La Mennais, en traitant des questions de théologie, donnent lieu de croire qu'il n'est pas très-versé dans cette science. Il n'est peut-être pas moins curieux de considérer la manière dont il emploie et applique l'Ecriture

sainte.

Une des premières règles d'interprétation de l'Ecriture, est que les paroles de l'auteur sacré doivent s'expliquer par les antécédens et par les conséquens; qu'elles doivent être entendues comme elles l'ont toujours été par tous les interprètes, et qu'on ne peut les détourner de leur sens littéral et naturel, à moins d'y être autorisé par d'autres passages de l'Ecriture, ou par la tradition, ou par une raison évidente. Or il est facile de voir que M. de La Mennais ne s'assujettit pas à cette règle.

On sait comment, pour étayer son Système du sens commun, il a expliqué le célèbre passage où saint Paul dit que les Gentils portent écrite dans leurs cœurs la loi qui les jugera; ostendunt opus legis scriptum in cordibus suis. (Rom. c. II, v. 15.) Il a voulu faire croire que ces mots, in cordibus suis, devoient s'entendre non du cœur de chaque païen en particulier, mais du cœur moral de chaque nation païenne, sans se soucier ni de l'interprétation commune, ni des paroles qui précèdent et qui suivent, ni de tout 'ce qu'une pareille explication présente de ridicule. Dans le dernier ouvrage où M. de La Mennais renchérit sur toutes ses exagérations, je trouve trois textes employés d'une manière fort singulière.

Le premier est tiré de saint Matthicu, xx, 25; principes gentium domi nantur eorum, et qui majores sunt potestatem exercent in eos. Il est clair, par ce qui précède, que le Sauveur, pour réprimer les désirs encore grossiers des fils de Zébédée, qui, comme les autres Juifs, attendoient du Messie une royauté temporelle, oppose ici l'autorité temporelle des princes séculiers qui aiment à dominer sur ceux qui leur sont soumis, à l'autorité spirituelle qu'il étoit venu seule exercer sur la terre, qu'il devoit seule laisser à ses ministres, et qui consiste, comme le dit Fossuet, à servir ceux que l'on doit regir. Saint Pierre, fait allusion à ces paroles du Sauveur, lors qu'il exhorte les pasteurs des ames à éviter, dans leur gouvernement, l'esprit de domination; pascite qui in vobis est gregem Dei, non ut dominantes..... Tel est le sens que tous les interprètes ont donné à ce passage. M. de La Mennais, qui veut trouver dans l'Ecriture un appui à ses systè mes, suppose qu'il est ici question de l'autorité séculière, telle qu'elle existoit chez les païens, par opposition à cette même autorité, telle qu'elle doit exister chez les chrétiens. Il croit qu'on ne réfutera pas ses preuves, et il est vrai que l'on pourroit s'en dispenser.

L'apôtre saint Paul, voulant nous faire sentir la grandeur du bienfait de

la rédemption, dit souvent que Jésus-Christ nous a délivrés de la servitude, qu'il nous a apporté la liberté des enfans de Dieu; Christus nos liberavit (Gal. IV, 31)..... in libertatem vocati estis (Gal. v, 13).... ubi spiritus Domini, ibi libertas. (Cor. III, 17.) Ces expressions n'ont jamais été entendues des interprètes catholiques que d'une liberté toute spirituelle, c'est-à-dire de l'affranchissement de l'erreur et du péché, et il est impossible d'admettre un autre sens quand on lit les Epitres où l'apôtre explique si bien cette délivrance de la servitude du péché; liberuti a peccato. (Rom. VI, 18 et 21.) M. de La Mennais a trouvé un autre sens; il prétend qu'il s'agit là de la liberté civile et politique que Jésus-Christ est venu apporter à ses disciples, et du droit qu'ils ont de s'élever contre la puissance temporelle, et de la renverser quand ils la croient injuste. C'est une liberté dont n'avoient pas joui les premiers chrétiens auxquels pourtant les paroles de l'apôtre s'adressoient plus directement encore qu'à nous. C'est une liberté dont ne s'étoient pas douté les chrétiens des siècles suivans, qui apparemment n'étoient pas assez éclairés pour bien entendre ces passages. Ce n'est pas que M. de La Mennais soit le premier qui ait vu là autre chose qu'une liberté spirituelle; Luther et Calvin alléguoient aussi ces textes, lorsqu'ils prêchoient leur fausse et séditieuse liberté.

Ces exemples ne montrent-ils pas que M. de La Mennais est aussi étranger aux règles d'interprétation de l'Ecriture, qu'aux principes admis dans la théologie? Que penser donc du mépris avec lequel il parle de la théologie telle qu'on l'enseigne aujourd'hui? Ce n'est plus, dit-il, qu'une scolastique mesquine et dégénérée. Je demande si un ennemi de la religion pourroit qualifier d'une manière plus dure et plus insultante l'enseignement que les évêques, dans tout l'univers catholique, font donner dans leurs seminaires. Cette théologie ne comprend-elle pas toutes les vérités de la doctrine catholique? et supposeroit-on que l'Eglise eut permis qu'on en retranchat une partie? Si elle comprend et expose toute cette doctrine, comment oser dire qu'elle n'est plus qu'une scolastique mesquine et dégénérée, qui ne donne aucune idée de l'ensemble de la religion? M. de La Mennais se croit appelé à tout réformer; il a voulu refaire notre intelligence, il voudroit refaire nos sciences. Son avis seroit donc que l'on mit la théologie en rapport avec tout ce qui peut être l'objet de la pensée de l'homme, c'est-àdire qu'on en fit une science universelle, une espèce d'encyclopédie. Ce seroit vraiment le moyen d'avoir des ecclésiastiques fort savans.

Le critique loue la méthode de saint Thomas, et la propose pour modele. Ceux qui connoissent les ouvrages de ce saint docteur, et la théologie telle qu'on l'enseigne aujourd'hui, seroient tentés de juger par ce seul trait que le censeur ne connoit pas plus les écrits de saint Thomas que la theologie. Est-ce que la méthode employée par saint Thomas n'est pas la même qu'on suit aujourd'hui dans les écoles? N'est-elle pas plutôt perfectionnée que dégénérée? N'a-t-elle pas été dégagée de beaucoup de questions moins utiles, et appliquée à toutes celles que l'esprit de critique a fait naître dans ces derniers temps? Il est vrai qu'on n'a

pos de M. La Mennais, et c'est là le mal. Si on eût voulu adopter ces grands principes de donner pour base à la science theologique les théories he de hors desquels on ne peut qu'expirer dans le vide, alors, il n'en faut pas douter, tout en conservant la méthode qui déplaît si fort au moderne doc

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