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seroit bon qu'il méditât là-dessus dans son oraison, et qu'il songeât à se bien affermir dans l'humilité; ce seroit le moyen de se garantir des erreurs et des illusions qui peuvent trèsbien se concilier avec les pratiques extérieures de religion et même avec les austérités.

La sixième livraison de la Chronique édifiante est plus ridicule encore peut-être que les précédentes. Il y a un article sur la médecine chrétienne et la médecine philosophique, qui est plein d'exagérations. On y lit que tous les magnétiseurs sont magiciens, le sachant ou sans le savoir; les premiers ont pacte exprès avec le démon, et les derniers ont pacte tacite. Ce que l'auteur dit des remèdes n'est pas plus sensé. Un article sur les assemblées nationales, politiques et autres, a pour objet de montrer que Satan y préside, et que les démons répandus dans l'air doivent s'y trouver en grand nombre. « Si un orateur monte à la tribune, Satan l'inspire, appuie sa parole, et remplit de ténèbres l'esprit des auditeurs, qui prennent ces ténèbres pour des lumières. En même temps, les démons qui possèdent spirituellement les auditeurs philosophes, hérétiques ou mauvais chrétiens, opèrent dans leurs cœurs et sur leurs imaginations, et plus l'orateur est méchant, plus il est écouté, aimé, plus il a d'influence sur la direction des affaires, et plus par conséquent les délibé rations seront contraires à la justíce et à la religion. Les assemblées qui ont eu lieu pendant la révolution ne laissent pas le moindre doute sur cette vérité. »>

L'auteur entre successivement dans le détail sur chacune de ces assemblées. La première est les Etats-généraux; Satan, assisté de ses principaux démons, devoit de droit présider invisiblement l'assemblée. Je laisse de côté un portrait de Mirabeau, que l'auteur appelle un monstre. Venons maintenant, dit-il, à l'Assemblée constituante convoquée sous les mémes auspices, et composée des mémes élémens: Satan y préside encore. Ainsi l'auteur semble faire des Etats-généraux et de l'Assemblée constituante deux assemblées distinctes; cela prouve qu'il n'est pas bien fort sur l'histoire, même sur celle de notre temps. Il fait siéger Robespierre à l'Assemblée législative, dont celui-ci ne fut jamais membre. Arrive la Convention; Satan la préside encore. Nous n'osons pas contredire l'auteur sur ce point. Quant à toutes les assem

que,

blées qui ont suivi, il insinue assez ce qu'il en pense, quand il dit dans les assemblées où la religion n'a aucune part, où la prière est négligée, Satan doit présider; qu'on ne peut s'empêcher d'y reconnoître l'ouvrage de Satan, et la coopération des démons répandus dans l'air, et que les gouvernemens qui convoquent ou qui souffrent de pareilles assemblées sont coupables devant Dieu et devant les hommes....

Voilà ce qu'il plaît d'appeler la Chronique édifiante. Nous eussions volontiers gardé le silence sur ce triste recueil, s'il ne nous avoit paru nécessaire de faire remarquer que le clergé n'y a aucune part. Assez de gens seront disposés à faire retomber sur les prètres le ridicule ou l'odieux d'une telle publication. L'auteur a pris soin lui-même de le disculper par les traits qu'il lance de temps en temps sur le clerge. On dit qu'il le ménage encore moins dans ses conversations particulières; mais il ne le flatte pas dans sa Chronique. Il a l'air de se plaindre que le clergé soit dans l'opulence et le luxe. Effectivement, le faste des prêtres est une des calamités de notre époque, et il fait beau crier contre l'opulence des curés, à qui on donne 1000 fr., 900 fr. ou 750 fr. de traitement.

En vérité, la religion n'est-elle pas fort à plaindre? n'étoitce pas assez qu'elle fût en butte à la haine de ses ennemis qui la combattent et l'outragent? Faut-il encore qu'elle ait à subir les mauvais offices de quelques esprits ignorans et présomptueux qui se mêlent de plaider pour elle, et qui gatent sa cause par leurs imprudences, leurs niaiseries, leurs folies mêmes? Qu'ils prient pour l'Eglise, qu'ils jeûnent pour les péchés du peuple et pour les leurs, puisque Dieu a fait la grâce de trouver le jeune au pain et à l'eau exquis (Chronique, quatrième livraison, page 105); mais qu'ils se tiennent dans la retraite et le silence qui conviennent à la médiocrité de leurs lumières, et qu'ils ne compromettent pas les intérêts de la religion par des contes ridicules, par des accusations pleines d'aigreur ou de violence, et par un langage et un ton qui annoncent l'absence totale de jugement, ou, ce qui seroit pis encore, un déplo-rable orgueil.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Une dépêche télégraphique nous apprend que le Pape est mort le to de ce mois. Point encore de détails.

Par une ordonnance du 8 février, insérée dans le Moniteur du 16, M. de Richery, évêque de Fréjus, a été nommé à l'archevêché d'Aix, vacant par la mort de M. de Bausset, et M. l'abbé Gallard, curé de la Madeleine, à Paris, et grand-vicaire du diocèse, a été nommé à l'évêché du Mans, en remplacement de M. de la Myre, dont nous avons annoncé la démission. On dit que M. de Bausset avoit, dans sa dernière maladie, témoigné le désir d'avoir M. de Richery pour successeur; ce prélat étoit son suffragant et son ami, et avoit été autrefois chanoine et grand-vicaire d'Aix. Le Roi a bien voulu remplir le vœu de l'archevêque mourant. Un tel choix est bien propre, en effet, à diminuer les justes regrets du clergé et des fidèles d'Aix pour la perte qu'ils viennent de faire. M. l'abbé Gallard, qui est nommé au Mans, administroit depuis quelques années la paroisse de la Madeleine avec autant de sagesse que de talent, et jouissoit de l'estime et de la confiance de M. l'archevêque de Paris. Ses heureuses qualités, son caractère conciliant, sa piété aimable, sa prudence, promettent au clergé du Mans un évêque digne d'être son chef et son modèle.

- Le clergé de France a perdu, comme nous l'avons annoncé dans un précédent numéro, un de ses plus dignes prélats dans la personne de M. de Bausset, archevêque d'Aix. M. Pierre-François-Gabriel-Raymond-Ignace-Ferdinand de Bausset-Roquefort, né à Béziers le 31 décembre 1757, étoit cousin de feu M. le cardinal de Bausset. Il étoit, avant la révolution, grand-vicaire d'Orléans, et ne suivit point, à l'époque de nos troubles, les déplorables exemples de son évêque. Après le concordat, M. de Cicé, devenu archevêque d'Aix, le nomma chanoine de sa métropole. M. de Pancemont, évêque de Vannes, étant mort, M. l'abbé de Bausset fut nommé pour lui succéder, et sacré à Aix le 29 mai 1808. Sa modération et sa sagesse triomphèrent des circonstances difficiles où il se trouvoit. Une démarche qu'il

fit en 1814 prouva quel étoit son désintéressement et son amour pour la paix. M. Amelot, évêque de Vannes, n'avoit point donné sa démission en 1801, et beaucoup de ses diocésains conservoient pour lui un vif attachement. M. de Bausset lui écrivit dès le 15 avril pour l'engager à reprendre son siège. De plus, il rédigea un acte de démission de l'évêché de Vannes, le signa, et l'envoya à M. Amelot, alors encore à Londres. Cette offre ne fut point acceptée, et peutêtre qu'au fond elle ne pouvoit pas l'être; mais elle n'en honore pas moins le dévoûment et la modestie de M. de Bausset, et elle dut lui concilier de plus en plus l'estime et l'affection de ses diocésains. Le prélat continua de gouverner son troupeau avec la même sagesse. C'est à lui qu'on dut l'établissement des Jésuites à Ste-Anne d'Aurai. Plein d'estime pour ces vertueux et habiles maîtres, il les appela encore depuis pour diriger son petit séminaire d'Aix. M. de Bausset fut nommé à ce dernier siège en 1817, mais il n'en prit possession qu'en 1819. Depuis, il donna son consentement au démembrement de son diocèse pour rétablir les sièges de Fréjus et de Marseille, et reçut à cette occasion, de la ville de Marseille, un témoignage flatteur d'estime; elle lui fit présent d'une chapelle en vermeil. En 1824, le prélat sacra, dans sa cathédrale, M. l'évêque actuel d'Angoulême, qui étoit son grand - vicaire et son ami, et sur lequel il n'avoit pas peu contribué à appeler le choix du Roi. On sait que M. de Bausset faisoit partie de la chambre des pairs. Dans sa dernière maladie, il ne se fit point illusion sur son état, et demanda les sacremens le 18 janvier. Il mourut le 29 du même mois, jour de la fête de saint François de Sales. Nous ne pouvons mieux terminer cet article qu'en rapportant quelques extraits du Mandement que le chapitre métropolitain d'Aix a publié le 30 janvier sur la mort du prélat ;

« La mort vient de nous enlever le pasteur vénérable que le Seigneur dans sa miséricorde avoit enfin accordé à nos voeux et à nos besoins. Son arrivée dans ce diocèse, après une viduité aussi longue que douloureuse, avoit rempli tous les cours d'allégresse. Instruits et guidés par ses soins paternels, nous goûtions en paix les doux fruits de sa tendre sollicitude: heureux, N. T. C. F., si vous avez su mettre à profit ses exemples et ses locons salutaires! Nous étions ses enfans, il n'existoit que pour vous et pour nous, et chaque jour, ainsi qu'il nous le manifesta lui-même durant sa ma

ladie, au moment où il eut recours aux sacremens de l'Eglise, chaque jour il n'avoit cessé de prier pour les ouailles qui lui étoient confiées. La foiblesse de sa santé ne l'arrêta jamais lorsqu'il s'agissoit de remplir ses devoirs de premier pasteur, et la plus grande peine qu'éprouvat sou cœur, celle que lui causoit sa tendresse paternelle, il nous le disoit lui-même la dernière fois que nous étions rassemblés auprès de lui, sa peine la plus cruelle étoit de ne pouvoir se trouver dans la maison du Seigneur, au milieu de son troupeau. Ses paroles étoient des paroles de paix et de bénédic

tions.....

» Nous ne vous entretiendrons pas de tout le bien qu'il faisoit, de tout le bien qu'il vouloit faire; sa charité n'avoit pas de bornes. Jamais il ne fut insensible au malheur ni à l'infortune; il répandoit ses dons avec abondance dans le sein des pauvres, et la justice de ses œuvres durera éternellement. Sa vie a été une vie d'oeuvres salutaires, sa mort a été précieuse devant Dieu. Dans les intervalles de repos que lui laissoit sa cruelle maladie, il s'occupoit de Dieu; il portoit ses regards sur l'image de Jésus crucifié, qu'à l'exemple de l'apôtre il appeloit l'auteur et le consommateur de notre foi. Résigné à la volonté du Seigneur, il s'humilioit en sa présence, nous entretenoit du mystère de la croix du Sauveur, et s'excitoit à la porter avec ardour et avec joie, à l'exemple de ce divin modèle. >>

Le chapitre finit par ordonner des prières pour le repos de l'ame du vénérable archevêque. Le Mandement est signé de MM. de Robineau, de Suffren, Rey, Abel, Portalis, Christine, Pin, Honorat et Arnaud (1). Suivant les intentions

(1) On nous transmet quelques observations au sujet de ce Mandement; nous les insérons ici en appelant la discussion sur les points qu'elles ren

fermicnt.

J

D'abord on a remarqué que le chapitre donnoit un Mandement avant de procéder à la nomination des vicaires capitulaires, ce qui est contraire à l'usage. Le chapitre s'est fondé sur ce qu'il étoit en droit d'exercer la juridiction par lui-même pendant les huit premiers jours de la vacance. Il est vrai que tel paroît être le sentiment de Thomassin et de Ducasse, qui s'appuient sans doute sur le décret du concile de Trente, qui porte que le chapitre nommera un grand-vicaire dans les huit jours qui suivront la mort de l'évêque. Puisque le concile donne huit jours pour cette nomination, cela suppose que, jusqu'à la nomination, le chapitre pourroit exercer la juridiction. Toutefois l'usage y est contraire, et les chapitres nomment ordinairement le grand-vicaire immédiatement après la mort.

En second lieu, le Mandement proroge les pouvoirs des prêtres employés dans le ministère; ces pouvoirs avoient-ils donc cessé par la mort de l'archevêque?

Enfin des dispenses ont été accordées après la mort de l'archevêque, et avant la nomination des vicaires capitulaires, et ces dispenses ont été accordées, non par le chapitre en corps, mais par un seul chanoine, en se fondant sur ce que le chapitre pouvoit exercer la juridiction en corps. Mais en admettant la vérité du principe, deux chanoines sont-ils censés représenter tout le chapitre? Ne peut-on pas douter de la validité de telles dispenses?

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