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soit contre la discipline de l'Eglise ou contre les divers ordres religieux. Passez sur tout ce qui est bien sans en rien dire, et emparez-vous de tout ce qui est susceptible d'être un peu noirci ou mal interprété, sans oublier aucune épluchure; composez-vous ensuite un gros butin de grec, de latin et d'hébreu avec l'érudition que vous aurez volée dans les trente ou quarante volumes qui vous auront passé sous les yeux; ayez l'air de faire, comme de vous-même, les mille citations des auteurs originaux que les historiens pillés par vous ont péniblement consultés et compilés; donnez effrontément à entendre que c'est vous qui avez ramassé toutes ces richesses éparses dans les dépôts où elles sont conservées : alors vous aurez fait un livre comme celui de M. de Montlosier, vous serez aussi savant que M. de Montlosier, vous pourrez vous pavaner glorieux et fier comme M. de Montlosier.

L'autre partie de son travail n'a pas dû coûter plus d'efforts à notre habile compilateur; au moins pouvons-nous assurer qu'elle ne lui a coûté aucune idée de son propre fonds. Vous comprenez bien, en effet, ce qu'une histoire de dix-huit siècles, qui a vu passer une centaine de générations de prêtres et de clercs à raison de cinq à six cent mille individus l'une dans l'autre, peut avoir fourni de petites taches, de petites imperfections, voire même d'abus, de fautes et de graves sujets de reproches. Si une chose étonne, ce n'est pas de voir sortir de là deux cents pages de critique et de plaintes, c'est de n'en voir sortir que cela. Encore M. de Montlosier a-t-il été forcé de recourir, pour compléter son acte d'accusation, à des points qui ne paroissent pas trop dignes de mort. Tel est celui-ci, par exemple, que nous choisissons entre mille de la même espèce: «< Tout ce qui étoit chrétien, dit-il, dans les hautes classes de la société, disoit le bréviaire, et assistoit tous les jours à plusieurs messes. Or, il a beau attribuer ce mal aux progrès de la puissance ecclésiastique, il nous est impossible de partager là-dessus ses inquiétudes et son effroi.

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Si Dieu prête vie au savant vieillard, peut-être lui prendra-t-il fantaisie de compiler d'autres histoires pour nous montrer les progrès de la puissance royale et de la puissance féodale. Nous allons lui indiquer pour ce cas-là de trèsbonnes sources, qui lui épargneront beaucoup de recherches

et de travail; ce sont les procès-verbaux de la Convention nationale, le Moniteur des belles années de la révolution, le recueil des actes et harangues des jacobins, des cordeliers, des feuillans et même des girondins de ce temps-là. Il y verra de quoi les nobles et les tyrans sont aussi accusés de leur côté, et sí les progrès de leur puissance offrent moins de matériaux que la puissance ecclésiastique aux entrepreneurs de compilations révolutionnaires.

Une chose irrite M. le comte de Montlosier par-dessus tout dans l'histoire du clergé de France, c'est l'empire qu'il avoit acquis à certaines époques du moyen âge sur toutes les autres classes de la société; cependant rien de plus légitime et de plus naturel que cet empire. Quand les aïeux de M. de Montfosier ne savoient que dresser des faucons et des chiens de chasse, les prêtres et les moindres clercs étudioient les lettres et les sciences. Les Bénédictins et les Chartreux écrivoient l'histoire, et les princes alloient les visiter comme des espèces de phénomènes. Comme les ecclésiastiques étoient alors à peu près les seuls oracles de la civilisation, on recouroit à leurs jugemens et à leurs décisions. Que d'autres, à leur place, eussent été tentés d'abuser de tant d'influence et de supériorité! ils s'en servirent pour maintenir l'ordre et la paix dans les Etats, pour former des générations religieuses, et assurer par là le règne de la justice et le repos du monde. Plût à Dieu que ceux qui ont partagé depuis leur instruction et leurs lumières n'en eussent pas fait un plus mauvais usage, et que les progrès de la puissance philosophique en France n'eussent jamais été plus dangereux que ceux de la puissance ecclésiastique!

B.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARTS. Nous avons donné les noms des cardinaux réunis dans le conclave; ils étoient, le 13 mars, au nombre de 48. Dix y manquoient encore, savoir, les cardinaux Brancadoro, Gravina, Cesarei Leoni, l'archiduc Reynier, de ClermontTonnerre, de Silva, Ferrero della Marmora, de Inguanzo,

de Cienfuegos et Rudnay. Le cardinal Brancadoro est aveugle; le cardinal Gravina, archevêque de Palerme, est dans sa 80 année; le cardinal Cesarei Leoni, évêque d'Iési, a 72 ans, et est apparemment malade ou infirme; le cardinal de Silva, patriarche de Lisbonne, est âgé de 72 ans, et il ne paroît pas qu'il doive faire le voyage; le cardinal Ferrero de la Marmora a le même âge, et est aumônier du roi de Sardaigne; les cardinaux de Inguanzo et de Cienfuegos sont archevêques de Tolède et de Séville, on n'a pas ouï dire qu'ils se soient mis en route pour le conclave; le cardinal de Clermont-Tonnerre doit ètre arrivé; nous apprenons en ce moment qu'il étoit le 18 à Nice, en bonne santé. Il paroît qu'il voyage à petites journées. Enfin le cardinal Rudnay, prímat de Hon grie, peut encore arriver, et peut-être les premières nouvelles nous annonceront-elles qu'il est au conclave.

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Les dernières nouvelles de Rome ne disent rien des opérations du conclave. Le précédent numéro du Diario étoit rempli en entier par les détails de la réception de l'ambassadeur d'Autriche. La description de son cortège, le discours de l'ambassadeur aux cardinaux et la réponse du cardinal Castiglioni occupoient tout le journal. De même, le Diario du 18 est tout rempli par l'audience de l'ambassadeur de France, qui a eu lieu le 10 mars. M. de Châteaubriand s'est rendu au conclave avec grand, appareil; une longue suite de voitures l'accompagnoient. Il a présenté ses lettres de créance comme ambassadeur extraordinaire auprès du sacré Collège, a été reçu avec les honneurs accou tumés, et a prononcé un discours en français, auquel le cardinal Castiglioni, chef d'ordre ce jour, a répondu en italien.

Aucun nouveau cardinal n'étoit entré au conclave. Les chefs d'ordres, le 17, le 18 et le 19, étoient les cardinaux Pacca, Falzacappa et Cristaldi; les trois jours suivans, ce devoient être les cardinaux Galeffi, Pallotta et Marco y Catalan.

Un journal contient l'article suivant: Nos lettres de Rome nous annoncent comme un évènement à peu près certain la nomination du cardinal Gregorio; il a eu, le 16, 38 voix sur 50, il ne devoit étre proclamé que le 19, et devoit étre rebaptisé sous le nom d'Alexandre. Il y a bien des choses fausses ou

ridicules dans ce court récit. D'abord il n'y avoit pas, le 16, 50 cardinaux dans le conclave; il n'y en avoit que 48. Ensuite, si M. le cardinal Gregorio avoit eu 38 voix, il auroit été déjà proclamé pape, puisqu'il ne faut que les deux tiers des voix. Enfin, ce qu'on ajoute, que le cardinal devoit être rebaptisé sous le nom d'Alexandre, est de la dernière absurdité. Est-ce qu'on rebaptise les papes quand ils sont élus? Est-ce que le Constitutionnel juge que M. le cardinal Gregorio n'est pas assez chrétien pour gouverner l'Eglise, et auroit besoin d'un nouveau baptême? Cet illustre et pieux cardinal seroit un choix dont on auroit lieu de se féliciter. M. Eminanuel de Gregorio est né à Naples le 18 décembre 1758, d'un père espagnol, mais qui étoit au service du roi de Naples. Il entra dans la prélature, fut secrétaire de diverses congrégations, et subit sous Buonaparte une détention de trois ans à Vincennes. Il a été fait cardinal le 8 mars 1816, et est archimandrite de Messine, et préfet de la congrégation du Concile.

-La ville et le chapitre de Meaux viennent de faire la plus douloureuse perte dans la personne de M. l'abbé Deneuilly, chanoine titulaire, et grand-pénitencier de la cathedrale. M. Louis-Claude Deneuilly naquit le 13 décembre 1762 à Dammartin, diocèse de Meaux. Sa piété, qui ne s'est jamais démentie, et un attrait particulier pour tout ce qui tient à la religion, firent juger de bonne heure que Dieu l'appeloit à l'état ecclésiastique. Il entra au collège de Meaux, dirigé par les prêtres de la congrégation du Saint-Esprit. Il devint successivement préfet des études et professeur d'humanités. La révolution le surprit dans ces dernières fonctions, et les lui fit quitter par l'effet de la persécution dirigée contre les chefs et professeurs de cette maison. Il ne sortit point de France pendant les orages révolutionnaires; ayant trouvé un asile chez un cultivateur des environs de Meaux, il y vécut paisiblement, consacrant les instans que son zèle n'occupoit pas, à l'éducation des enfans de la maison et à la culture des plantes médicinales; ce qui lui fournissoit le moyen d'être utile aux pauvres, qui ont toujours été les plus chers objets de sa tendresse. Après le concordat, il devint curé d'Eve, près Dammartin; là, son zèle, sa charité, sa douceur, le don qu'il avoit reçu du ciel d'inspirer la confiance aux plus grands pécheurs, lui firent bientôt une réputation

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qui ne se renferma pas dans les limites de sa paroisse. M. de Faudoas, évêque de Meaux, crut devoir lui donner occasion d'étendre ses pieuses conquêtes, en l'attachant par le titre de chanoine à son église cathédrale. M. Deneuilly prit possession le 28 novembre 1818 de cette nouvelle dignité, vacante par la mort de M. l'abbé Regnard. A Meaux, sa modestie ne fut pas capable d'arrêter l'élan général de la confiance qu'inspiroient sa douceur, sa charité, sa prudence et une simplicité aimable. Grands et petits, riches et pauvres, vouloient l'avoir pour guide dans les voies du salut. M. de Cosnac, successcur de M. de Faudoas, lui donna le titre de grand-pénitencier. L'abbé Deneuilly justifia ce choix par un redoublement d'activité et de zèle. Il n'y avoit point d'ame égarée qui ne voulût l'avoir auprès de son lit de douleur. Jamais il ne sortoit de sa maison sans être chargé d'aumônes qu'il prenoit sur ses propres besoins, ou dont la confiance des personnes aisées le rendoit dépositaire. Il a ramené nombre de gens qui s'étoient signalés par leurs excès ou leurs égaremens révolutionnaires. Il avoit gagné l'estime et la vénération de Santerre lui-même. Cet homme, dont le nom rappelle de si fâcheux souvenirs, passoit une partie de l'année dans les environs d'Eve. Il eut voulu voir continuellement l'abbé Deneuilly, et avoit l'occasion de l'aider dans ses aumônes. Quand Santerre fut atteint de sa dernière maladie, l'abbé Deneuilly fut appelé à Paris pour l'assister à la mort; mail il n'arriva que pour recevoir son dernier soupir. M. Deneuilly, dans l'année qui a précédé sa mort, avoit presque perdu l'usage de ses yeux par l'effet de la cataracte. Cette infirmité ne l'empêchoit pas de s'acquitter de sa charge. Sa constitution sembloit lui promettre encore de longs jours, lorsqu'une apoplexie foudroyante l'a enlevé, dans l'espace de quelques minutes, à ses ainis désolés, le matin du 16 février 1829. Toutes les classes l'ont pleuré. Le concours, à son enterrement, étoit innombrable. Sa mort a fait connoître plusieurs traits de son ingénieuse charité que sa modestie avoit réussi à cacher de son vivant. Il a été remplacé. à la cathédrale de Meaux par M. l'abbé Bonhomme, cidevant curé de Juilly, à qui le Roi avoit accordé le canonicat de joyeux avènement.

Les habitans du Quesnoy, diocèse de Cambrai, n'avoient point d'église, la leur ayant été abattue pendant la

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