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Le comte Alexandre Lameth, membre de la chambre des députés, sur les obsèques duquel nous avons fait quelques remarques, est mort le jeudi 19 mars. Il étoit né en 1757, et étoit le troisième de quatre frères comblés des bienfaits de la cour. Il fit la guerre d'Amérique comme aide-de-camp de Rochambeau, fut nommé député de Péronne aux Etats généraux, et embrassa avec chaleur le parti de la révolution. Cependant en 179r, effrayé de la direction que prenoient les choses, il quitta les jacobins, et concourut à la formation de la société des feuillans. Il s'efforca de raffermir l'autorité royale qu'il avoit contribué à ébranler. Il étoit lié alors avec Barnave, Duport, La Fayette. Il servit dans l'armée de ce dernier, sortit de France avec lui, et partagea sa captivité. Rentré en France en 1800, il administra plusieurs préfectures, fut nommé dans les cent jours membre de la chambre des pairs, et député aux dernières élections. Il siégeoit au côté gauche, et venoit de publier une Histoire de l'Assemblée constituante. Ses obsèques ont eu lieu le 21 à l'Abbaye-aux-Bois, et des discours pompeux ont été prononcés sur sa tombe par MM. Kératry, Jay et C. Perrier. Ces sortes de discours sont obligés quand il s'agit des partisans de la révolution, et on a vu, entr'autres, dans quel esprit étoit celui de M. Jay.

L'Aviso de la Mediterrance a été condamné, par le tribunal correctionnel de Toulon, à 50 fr. d'amende, et à l'insertion, qu'il avoit refusée, d'une réclamation de M. le comte de la Flotte d'Argenson, lieutenant de vaisseau, sur le service des ports.

Dans la matinée du 12 de ce mois, un incendie, occasionné par l'imprudence d'un fournier, a éclaté dans la commune de Choye (Haute-Saône), et s'est propagé avec une effrayante rapidité qu'accroissoit encore un grand vent. Soixante-dix maisons sont devenues la proie des flammes, et l'on n'a pu en sauver que fort peu de mobilier. Un père de famille a péri, et d'autres personnes ont été grièvement blessées. M. le comte de Coligny, maire de cette malheureuse commune, a montré beaucoup de dévoùment; son chateau a été le refuge des incendiés et des blessés.

- La corvette du Roi la Bayonnaise, commandée par M. Goirand de Tromelin, est entrée à Marseille le 13 de ce mois, venant de faire le tour du globe.

- Le vaisseau la Provence, qui est le principal batiment de la station d'Alger, vient de revenir à Toulon pour s'y radouber. Il est monté par M. le capitaine Labretonnière, commandant du blocus d'Alger, qui va, dit-on, se rendre à Paris pour se concerter avec le gouvernement sur les mesures à prendre pour terminer, par un traité de paix ou par une expédition suffisante, les différends avec cette régence.

-Les nombreuses réclamations qui s'élevoient contre le projet de loi sur la liberté de la presse présenté aux chambres des Pays-Bas, ont engagé le gouvernement à le retirer, et à en présenter un autre qui, en abrogeant l'arrêté-loi de 1815, renferme des dispositions beaucoup moins sévères contre les délinquans. L'emprisonnement des prévenus n'aura jamais lieu avant leur condamnation. Le droit de discussion et de critique des actes de l'autorité publique sera entièrement libre.

On a exécuté le 6 mars, à Lisbonne, le général Moreira, ainsi qu'na colonel et trois officiers qui avoient pris part à sa conspiration. Leurs enfans ont été bannis en Afrique.

-A l'occasion de la mort du pape Léon XII, don Miguel a ordonné que le deuil fut porté pendant un mois, et que les tribunaux et tous les heux publics fussent fermés pendant trois jours. Ce prince lui-même s'est abstenu de se montrer le 8, le 9 et le 10 mars,

La mission de lord Strangford auprès de l'empereur du Brésil a échoué. Don Pedro a repoussé les conseils de l'allié le plus ancien et le plus utile de la maison de Bragance: il a déclaré qu'il ne vouloit entrer dans aucun arrangement avec son frère don Miguel, et qu'il étoit prêt à combattre pour placer sa fille sur le trône de Portugal.

CHAMBRE DES PAIRS.

Le 26, il a d'abord été procédé à la vérification des titres de M. le marquis de Dreux-Brezė, appelé à siéger dans la chambre à titre héréditaire. Le projet de loi sur la pêche fluviale a été renvoyé à une commission composée de MM. les marquis de Boissy-Ducoudray, de Louvois, de Malleville, et les comtes d'Argout, de Chabrol, Siméon, de Tocqueville.

Le ministre de l'intérieur a présenté divers projets de loi d'intérêts locaux déjà adoptés par la chambre des députés, et le ministre des finances le projet de loi sur les tabacs.

Le surplus de la séance a été occupé par divers rapports faits au nom du comité des pétitions.

La chambre a, dit-on, passé à l'ordre du jour sur une pétition pour la suppression de la loterie, d'après les améliorations apportées à cet égard par l'ordonnance du 22 février dernier; et sur une autre petition qui demandoit que les audiences du conseil d'Etat fussent publiques. On ajoute qu'elle a ordonné le dépôt au bureau des renseignemens de deux pétitions sollicitant l'une qu'il soit accordé un défenseur d'office aux prévenus en matière correctionnelle, et l'autre qu'il soit apporté des modifications à la législation sur la contrainte par corps. A l'occasion de cette dernière, le ministre de l'intérieur a annoncé que M. le garde-des-sceaux devoit apporter un projet de loi sur cette matière dans la première séance de la chambre.

Le second volume de la Collectio selecta Patrum (1) a paru. Il se compose d'ouvrages des Pères des temps apostoliques, de Tatien, d'Athénagore, de saint Théophile, d'Hermias et de saint Irénée, évêque de Lyon.

(1) In-8o, prix, 7 fr. le volume. A Paris, chez Adrien Le Clère et compagnie, an bureau de ce journal.

L'article de chaque auteur est précédé d'une courte notice sur sa vie et ses ouvrages. A la fin du volume est une espèce de concord ince entre la nouvelle Collection et la Bibliotheque choisie des saints Pères publiée par M. l'abbé Guillon. Cette concordance indique les rapports entre ces deux grands recueils. Un pareil supplément se trouve à la fin du premier volume. Nous reviendrous sur la collection nouvelle, dont nous avons déjà donné une idée nos 1494 et 1513.

L'éditeur des deux entreprises vient aussi de faire paroître le seizième et dernier volume de la Bibliothèque choisie. Ce volume comprend les tables de tout l'ouvrage. Les tables sont une chose indispensable dans une telle collection; elles en unissent les différentes parties, elles facilitent les recherches et épargnent au lecteur du temps et de l'embarras. M. l'abbé Guillon n'a donc rien épargné pour procurer à sa Bibliothèque un avantage qui manque à plusieurs grandes collections. Son 26 volume a quatre tables; d'abord une table générale des auteurs et des ouvrages, suivant l'ordre où ils sont placés dans la Bibliothèque; une table chronologique des principaux écrivains ecclésiastiques depuis les temps apostoliques jusqu'à la fin du 18e siècle; une table des auteurs et des ouvrages principaux mentionnés dans la Bibliothèque, et enfin une table générale des matières contenues dans l'ouvrage. Cette dernière table est très-ample et paroît faite avec beaucoup de soin; elle est méthodique, raisonnée, descend dans les détails, et indique toutes les divisions et subdivisions des différentes matières. Cette table est comme la clé de la voute qui unit et consolide les parties d'un édifice. Elle a dù couter bien du temps à l'auteur; mais elle en épargnera aux lecteurs qui voudront consulter sa collection.

Le volume est terminé par un recueil des jugemens portés sur l'ouvrage dans les feuilles périodiques. Ces jugemens, émanés d'auteurs de principes très-différens, et consignés dans des journaux de diverses couleurs, forment une masse imposante de témoignages honorables pour M. l'abbé Guillon. L'auteur a bien voulu nous compter au milieu de ce grand nombre d'écrivains dont il rapporte les jugemens; il cite l'article que nous avons donné sur les premiers volumes de la Bibliothèque dans notre no 1017; mais il n'a point cru devoir faire usage des articles assez étendus que nous avons publiés sur les différentes livraisons dans les no 1378, 1382 et 1470 : nous y renvoyons pour se faire une idée de cette vaste et laborieuse entreprise.

Recherches sur les connoissances intellectuelles des sourds-muets, considérés par rapport à l'administration des sacremens; par M. l'abbé Montaigne (1).

Il ne s'agit pas ici des sourds-muets instruits avec le secours des méthodes nouvelles, mais de ceux qui ont été abandonnés à eux-mêmes, et qui n'ont

(1) Un vol. in-8°, prix, 1 fr. 50 c. et 1 fr. 75 c. franc de port. A Paris, chez Adrien Le Clerc et compagnie, au bureau de ce journal.

pas recu d'instruction. Que faut-il penser d'eux ? Ont-ils des connoissances religieuses et morales? Comment acquièrent-ils ces connoissances? Peut-on leur administrer les sacremens? Telles sont les questions que l'auteur se propose de résoudre. Appelé, il y a quelques années, aux fonctions d'aumônier dans la maison des sourds-muets à Paris, il a pu apprécier par luimême l'état de ces infortunés, quand ils arrivent dans cette maison, et avant que leur intelligence ait été éveillée par l'usage des signes et par les soins de leurs instituteurs.

1o Les sourds-muets ont-ils des connoissances religieuses et morales? L'auteur invoque sur ce point le témoignage de ceux qui se sont le plus occupés des sourds-muets. L'abbé de l'Epée regardoit les sourds-muets comme réduits en quelque sorte à la condition des bêtes, c'est ainsi qu'il s'exprime dans sa Véritable manière d'instruire les sourds-muets, París, 1784, in-12. L'abbé Sicard croyoit aussi que le monde moral n'existoit pas pour eux. On a des témoignages analogues de M. l'abbé Salvan, de M. Paulmier, de M. Bébian, de M. l'abbé Gondelin, etc. L'auteur répond ensuite à quelques objections qu'on peut faire contre son opinion et celle des instituteurs des sourds-muets qu'il vient de citer.

2o Les sourds-muets acquièrent-ils des connoissances religieuses et morales autrement qu'à l'aide des mots d'une langue? M. l'abbé Montaigne ne le pense pas, et s'appuie encore ici sur le sentiment des auteurs qui ont le mieux observé les sourds-muets. Il discute quelques objections, celle entr'autres qu'il n'est pas croyable que Dieu laisse les sourds-muets dans l'ignorance absolue de la religion. On verra avec intérêt de quelle manière 'auteur résout cette difficulté.

3o Quels sont les sacremens que l'on peut administrer aux sourds-muets? L'auteur résout cette question successivement pour le baptême, la confirmation, l'eucharistie, la pénitence, le mariage, etc. Sa conclusion est qu'il faut traiter en enfant tout sourd-muet qui n'a pas de connoissance de nos langues. Il déclare, en finissant, que son intention n'a pas été de tracer pour les autres une règle de conduite, mais de rassembler des matériaux sur une question neuve, que sa position l'avoit forcé d'examiner, et dont il laisse la décision aux théologiens instruits et aux supérieurs ecclésiastiques.

Cette réserve de l'auteur, la clarté et la méthode qu'il a mises dans ses discussions, les témoignages qu'il a réunis, les raisons qu'il y ajoute, tout cela donne du prix à cette espèce de dissertation. Elle sera lue avec fruit par les pasteurs qui peuvent se trouver quelquefois embarrassés sur la conduite à tenir envers des sourds-muets privés de toute instruction. Ils puiseront dans cet écrit des notions précises sur une matière que l'auteur paroit 'avoir méditée avec soin, et qui n'avoit pas été, que je sache, examinée sous les deux rapports qu'elle présente; car il y a ici deux questions, la question philosophique et la question théologique, et l'auteur discute l'une et l'autre.

Le Gérant, ADRIEN LE CLERE.

MERCRED! 1er AVRIL 1829.

(N° 1528.)

Des progrès de la puissance ecclésiastique en Franc par M. le comte de Montlosier; in-8°.

On prétend qu'une des perfections de l'art dramatique est de savoir exposer le sujet d'un ouvrage dès les premiers mots, et de mettre tout de suite le lecteur ou l'auditoire au fait de ce qu'on va dire. Il paroît que M. le comte de Montlosier possède ce genre de talent. Avec lui, on voit tout d'un coup de quoi il est question, et ses lecteurs comprennent d'autant mieux les choses dont il veut leur parler, qu'ils savent eux-mêmes combien les progrès de cette affreuse puissance ecclésiastique sont inquiétans et rapides par le témps qui court.

Le sujet traité par M. le comte ne pouvoit donc ètre mieux choisi, et d'ailleurs il appartenoit au Nestor des publicistes auvergnats de nous avertir du grand péril dont la France est menacée par les progrès de la puissance ecclésiastique. Seulement il auroit pu nous rassurer un peu en nous montrant la légion d'écrivains impies déchaînée contre elle; puis encore ces autres légions d'acquéreurs de biens nationaux, devenus électeurs en vertu de ces acquisitions même, et qui ne sont rien moins que disposés à se dessaisir des débris de la grande puissance dont on nous signale les progrès.

A cela près, vous voyez que M. de Montlosier a fait un ouvrage très-utile, et surtout fort approprié aux circonstances. Ajoutons qu'il y a prodigué l'érudition d'un bout à l'autre, et qu'il s'y trouve de quoi émerveiller toute l'école révolutionnaire à laquelle il s'adresse. Que cependant ceux qui seroient tentés d'entreprendre des chefs-d'œuvre pareils ne se découragent point; ils sont en état d'en faire autant, et si quelqu'un vient nous demander conseil là-dessus, voici ce que nous lui dirons.

Prenez une histoire ecclésiastique, et lisez-la le crayon à la main, avec l'intention d'y ramasser tout ce qu'elle aura de fautif ou d'hostile, soit contre les papes et les évêques, Tome LIX. L'Ami de la Religion et du Ro'.

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