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membre soutient que ces conseils, qui renferment beaucoup de personnages respectables, dont un certain nombre siègent à la chambre, n'agissent qu'avec dévoúment, désintéressement et indépendance. M. Dupin aîné convient qu'on ne peut accueillir une pétition d'une association en nom collectif, car il craindroit d'en recevoir bientôt de la congrégation. Il loue donc l'empressement de M. de Martignac à défendre les règles. L'ordre du jour est prononcé à une grande majorité.

M. Jars, autre rapporteur, présente l'analyse fort étendue d'une pétition du sieur Las-Cases, habitant du Finistère, qui demande la révision de l'article 38 de la Charte, en ce qui concerne l'age de l'éligibilité qu'il voudroit voir fixé à 25 ans. M. Jars, qui se montre favorable à ce vœu, conclut au dépôt au bureau des renseignemens.

Comme plusieurs de ses amis, M. de Sainte-Marie demande la question préalable. Il se plaint de ce que l'abus des pétitions aille jusqu'à attaquer le pacte fondamental. En pareil cas, on ne devroit pas faire à une pétition l'honneur d'un rapport; autrement le peuple croira bientôt que la Charte peut se modifier comme une loi ou un règlement.

M. Delaborde cherche à justifier le pétitionnaire, et désire de voir figurer dans cette assemblée cette précieuse jeunesse..... M. de la Boulaye ap puie l'ordre du jour au nom de l'inviolabilité de la Charte. M. Sébastiani plaide encore la cause de la jeunesse. M. de la Boëssière rappelle qu'en 1815, il a combattu dans le Midi pour la Charte, et que tous les royalistes y sont dévoués, même ceux dont elle consommoit la spoliation. MM. de Cambon et Pardessus appuient l'ordre du jour. M. le garde-des-sceaux défend l'observation et l'intégrité de la Charte, et soutient que l'on ne doit pas laisser penser qu'elle est susceptible de révision. MM. Sébastiani et Viennet pro testent alors de leur dévoùment à la Charte. L'ordre du jour est mis aux voix et adopté à l'unanimité, à l'exception de MM. de Corcelles et Jacqueminot.

La chambre se forme ensuite en comité secret. On y a, dit-on, discuté alors la proposition de M. Sébastiani, tendant à supprimer la retenue sur les pensions militaires au profit de la caisse des Invalides. On assure qu'elle a été défendue par MM. Faure, de Leyval, Arthur de la Bourdonnaye, Lamarque, et combattue par MM. Choilet, Delaborde, et surtout par M. le ministre des finances.

Le 23, M. le président lit une lettre de M. le comte de Labasèque, par laquelle cet honorable député du Nord donne sa démission à cause du mauvais état de sa santé.

L'ordre du jour est la discussion de la proposition de M. Pelet (de la Lozère), tendant à ce qu'à l'avenir les quatre candidats à la présidence sur lesquels ne seroit pas tombé le choix du Roi soient de droit vice-présidens. Cette proposition, défendue par MM. Brun de Villeret, Lemercier et Pelet, et combattue, au nom de la commission, par M. Al. de Noailles, rapporteur, est rejetée à une grande majorité.

Après quelques débats, on fixe l'ouverture de la discussion de la loi départementale au lundi 30. Il n'y aura séance publique que le samedi 28, pour le rapport hebdomadaire des pétitions.

et

La chambre adopte ensuite successivement, et sans discussion, quatre projets de loi relatifs à des changemens de circonscription territoriale, neuf autres qui autorisent à s'imposer extraordinairement cinq départe

mens pour leurs routes, et les villes de Saint-Germain-en-Laye, Arles, Poitiers et le département des Côtes-du-Nord, pour des constructions.

A quatre heures et demie, la chambre se forme en comité secret. On assure qu'elle a repris la discussion de la proposition de M. Sébastiani contre la retenue d'usage sur les pensions militaires, et que cette proposition, combattue par MM. de la Boulaye, Lepelletier d'Aulnay, rapporteur, et les ministres de la guerre et des finances, et défendue encore par MM. Mathieu-Dumas et Sebastiani, a été rejetée à une grande majorité.

Les amis de l'ordre légal nous révèlent chaque jour le secret de leurs affections; ils parlent bien haut de leur respect pour les lois, et ils se jouent. de celles qui leur déplaisent. La Gazette des tribunaux rendoit compte, il y a peu de jours, d'un jugement porté à la cour d'assises de Pau dans une affaire de fausse monnoie. Trois Espagnols étoient accusés d'avoir émis de fausses pièces de 30 sous; les preuves les plus entières et les reconnoissances les plus positives se réunissoient pour les accabler: mais, ajoute la Gazette, la salutaire omnipotence du jury, sans laquelle notre Code pénal ne seroit plus qu'un code de barbarie, étoit leur ressource. Les accusés, déclarés non coupables à l'unanimité, ont été mis sur-le-champ en liberté. Ainsi on absout ceux que condamnoit une loi précise; des jurés, qui ont fait serment de juger en conscience, déclarent non coupables des hommes convaincus par les preuves les plus entières et par les reconnoissances les plus positives. Et des jurisconsultes approuvent cela! et ils admirent la salutaire omnipotence du jury! C'est-à-dire, dans le fond, qu'ils approuvent l'arbitraire dans les jugemens. On s'est plaint souvent autrefois des princes qui faisoient fléchir la justice au gré de leur intérêt ou de leurs caprices; que dira-t-on de simples citoyens qui jugent aussi suivant leurs passions ou leurs idées, et qui déclarent non coupables ceux qu'en leur ame et conscience ils savent être coupables? N'est-ce pas se moquer de la conscience, de la justice, des lois, de l'intérêt de la société, de tout ce qu'il y a de plus imposant et de plus sacré dans les législations humaines?

Inhumation de M. Alexandre Lameth.

Déjà nous avons eu occasion de faire remarquer que la religion de Robespierre avoit considérablement perdu entre les mains des libéraux, et que les doctrines révolutionnaires de 93 lui furent moins contraires que les doctrines constitutionnelles de 1829. Vous vous rappelez, en effet, que l'Etre suprême et l'immortalité de l'ame avoient été reconnus dans la fameuse déclaration de principe de la Convention nationale.

Les libéraux, qui se sont chargés de nous donner une église nationale de leur façon, ne sont pas, à beaucoup près, aussi généreux que le chef du comité de salut public. On en peut juger par le discours prononcé sur la tombe de

M. Alexandre Lameth, par M. Jay, grand-prêtre du Constitutionnel. Rien de plus fobscur et de plus entortille que cette oraison funèbre; rien de plus avare que M. Jay en fait de concessions religieuses. Mais il faut l'avouer, il avoit une tâche difficile à remplir dans cette occasion. Placé entre les abonnés du Constitutionnel et la famille du défunt qui l'avoit choisi pour l'organe de ses douleurs, grand devoit être son embarras. D'abord il ne pouvoit décemment classer M. Alexandre Lameth dans le règne animal, ni dans le règne végétal, parce que toute la famille l'auroit renié comme interprète de ses sentimens. Ensuite il n'y avoit nul moyen pour lui d'immoler des Jésuites sur la tombe du défunt, parce que les enfans de cette famille ont été élevés à Saint-Acheul, et qu'ils n'en sont sortis que pour aller retrouver leurs maîtres en pays étranger.

D'un autre côté, M. Jay, en sa qualité de grand-prêtre de la religion nationale, ne pouvoit reconnoître, comme Robespierre, ni l'Etre suprême, ni l'immortalité de l'ame, sans se brouiller avec tous les abonnés de son journal; inconvénient plus grave encore que celui de sacrifier des Jésuites aux manes de M. Alexandre Lameth.

Dans cette position, il a dù prendre un moyen terme pour sortir d'embarras et ménager tout le monde. Il n'a pas osé ensevelir tout-à-fait son mort dans le néant; mais il ne lui a pas non plus assigné une destination fixe et déterminée. Il l'a envoyé dans ce qu'il appelle la région mystėrieuse, à côté des grandes ames de l'ancien député Manuel et du général Foy.

Voyez donc un peu ce que c'est que de vouloir ainsi nager entre deux eaux. Voilà une oraison funèbre qui ne satisfera ni la famille du défunt, ni les abonnés du Constitutionnel : l'une dira que c'est trop peu; les autres diront que c'est trop. Des frères et des parens aussi catholiques que ceux nous connoissons à M. Alexandre Lameth, aimeroient mieux être sûrs que par le comité de le retrouver au rendez-vous des ames immortelles, entrevu de salut public lui-même, que de l'aller chercher dans la région mystėrieuse, auprès des deux libéraux frénétiques dont le voisinage est sûrement très-peu envié par les chrétiens qui cherchent l'éternité.

Nous ne promettons pas plus de succès à l'orateur funèbre du côté des tristes disciples formés à l'école du Constitutionnel. Ceux-ci ne sont nullement accoutumés à la spiritualité, et quoiqu'il n'y ait à en prendre que ce qu'on veut dans la région mystérieuse, ils n'en demandoient pas tant à M. Jay. Il peut être assuré qu'ils le chicaneront là-dessus, et nous sommes forcés de convenir qu'ils auront raison; car, en vérité, lorsqu'on fait tant de vouloir loger hors de la matière les vertus et le génie des morts, sans oser trancher le mot et nommer le ciel des chrétiens, on est bien exposé à tomber dans l'inconséquence et dans l'absurde.

que

De tout cela, nous ne voulons tirer qu'une conséquence; c'est que M. Jay n'a bien rempli sa tache ni au gré d'une famille qui compte des membres estimables, ni au gré même des partisans de l'impiété, et qu'un homme propre à rédiger le Constitutionnel ne sauroit être propre à rédiger des oraisons funèbres.

B.

Le Gérant, ADRIEN LE CLERE.

SAMEDI 28 MARS 1829.

(N° 1527.)

Vie de saint Martin, évêque de Tours, par Gervaise; nouvelle édition, revue par M. A. E. (1).·

Notre ancienne histoire fait voir quelle étoit la dévotion de nos pères pour saint Martin. Il y avoit un concours continuel à son tombeau, érigé dans une église qui prit son nom, et la garde de ses reliques fut confiée à un chapitre enrichi de grands privileges. Le trésor de cette église avoit été prodigieusement enrichi par la piété des rois, des princes, des prélats et des fidèles, et lors des pillages des protestans, il y a bientôt trois siècles, il se montoit à plus de 4000 marcs d'or ou de vermeil. De fréquens miracles entretinrent et accrurent cette dévotion pour saint Martin, et sa fète est une de celles qui s'est observée plus long-temps.

Sulpice Sevère est celui qui nous a fait le mieux connoitre la vie et les vertus de saint Martin. Depuis, Grégoire de Tours donna un recueil de ses miracles, et Alcuin un abrégé de sa vie. Tillemont a traité ce sujet avec son exactitude et sa critique ordinaire. C'est sur ces matériaux que Gervaise a principalement composé son histoire, qui parut à Tours en 1699, in-4°. Elle est partagée en quatre livres, dont le premier s'étend jusqu'à l'épiscopat de saint Martin, et le second jusqu'au règne de Maxime; le troisième comprend les dernières actions du saint, sa mort, et les premiers honneurs rendus à sa mémoire; enfin le quatrième rend compte des translations de son corps, des miracles opérés et des profanations des protestans. La dernière partie du quatrième livre a été l'objet d'une critique faite par dom Badin, Bénédictin de St-Maur, et publiée à Tours en 1700; elle a principalement pour objet ce qui regarde l'abbaye de Marmoutier et l'église de St-Martin de Tours. Gervaise n'y répondit pas.

(1) Un vol. in-12, prix, 2 fr. 50 c. et 3 fr. 25 cent. franc de port. A Tours, chez Mile Auger, et à Paris, au bureau de ce journal. Tome LIX. L'Ami de la Religion et du Roi.

N

Cet auteur étoit, par sa position, à portée de recueillir les matériaux de la vie de saint Martin. Nicolas Gervaise, prévôt de Suèvre dans l'église St-Martin de Tours, avoit fait beaucoup de recherches et sur cette église et sur le saint évêque. Il s'étoit aidé des chroniques du temps, des registres et des titres du chapitre, et des découvertes faites par l'abbé Galiczon. On a encore de lui d'autres ouvrages. Depuis, il quitta sa retraite de Suèvre, alla à Rome, et obtint du pape le titre d'évêque d'Horren. Ayant été alors sacré à Rome même, il s'einbarqua pour les missions de l'Amérique méridionale, et fut massacré sur les bords de l'Orénoque, le 20 novembre 1729, ainsi que les ecclésiastiques qui l'accompagnoient. Il paroît que les auteurs du massacre furent les caraïbes qui habitoient la Guyanne.

Le nouvel éditeur, qui ne s'est fait connoître que par les lettres A. E....", annonce qu'il ne s'est permis que de légères corrections pour le style. Il a pris un format plus commode, et il a eu pour but de ranimer la piété des peuples envers un saint qui fut, comme le dit Alban Butler, la gloire des Gaules et la lumière de l'église d'occident au 4o siècle.

Gervaise place la naissance de saint Martin en Pannonie en 316, son épiscopat en 370, et sa mort en 396; mais ces dates ne sont pas incontestables. Jérôme de Prato, dans son édition de Sulpice Sévère, met la naissance du saint en 310, et Alban Butler regarde comme plus probable l'opinion qui fixe la mort du saint en l'an 400.

L'historien ne s'est pas borné, comme nous l'avons vu, à raconter la vie du saint évêque; il rappelle, dans les 3o et et 4 livres, les honneurs rendus de toutes parts à saint Martin. Le respect qu'on avoit pour sa mémoire ne se borna pas à la France; l'Italie et l'Espagne se distinguèrent par leur dévotion pour lui. Les plus anciens missels des Gaules nous offrent un office propre pour sa fète. Saint Perpet, évêque de Tours, fit élever en l'honneur du saint une belle église, où son corps fut déposé; il y établit des clercs pour le service divin, et c'est là l'origine du chapitre de SaintMartin de Tours, dont Gervaise raconte l'histoire. Il fait connoître l'illustration de cette église, qui comptoit parmi ses chanoines des prélats, des princes et des seigneurs. L'historien finit par le récit du pillage et des profanations des protestans en 1562; mais du moins ils n'avoient pas

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