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Madame la comtesse de Mortemart et madame la baronne de Livois ont été désignées par elle pour faire la quête. Les personnes qui ne pourroient se trouver à la réunion sont priées de transmettre leur offrande à mesdames les quêteuses, ou à M. le curé de St-Vincent de Paul, rue Papillon,

n° 9.

- M. l'évêque de Marseille embrasse plusieurs objets dans son Mandement de carême. Le prélat commence par déplorer l'égarement des esprits :

« Dans quelles malheureuses circonstances l'Eglise nous impose-t-elle le devoir de vous instruire! et faut-il rien moins que l'obligation sacrée et indispensable de notre charge pastorale, pour oser élever la voix dans ce temps de délire et de déception, où, dans un sens aussi vrai qu'à l'époque du déluge, non-seulement toute chair a corrompu sa voie, mais tout esprit s'est détourné de la vérité et l'a méconnue? Nous parlerons cependant, parce que le silence des pasteurs acheveroit la ruine des peuples. Nous éleverons la voix au milieu d'une nation qui voit avec une apathique et effrayante indifférence la religion sainte de nos pères exposée périodiquement aux attaques et à la rage de l'impiété; les dogmes de notre foi livrés à la dérision des libertins, et d'un peuple apostat qui applaudit à leurs sarcasmes; la morale de l'Evangile corrompue par les détestables maximes qu'on a la témérité de vouloir y substituer; les ministres de la religion calomniés, leurs plus généreux sacrifices comptés pour rien, leurs plus saintes actions malicieusement dénaturées, leur ministère sacré méprisé et indignement décrié, et jusqu'à la personne divine de notre Seigneur Jésus-Christ, rédempteur des hommes, devant qui tout genou doit fléchir au ciel, sur la terre et dans les enfers, sacrilègement outragée, et son saint et redoutable nom systématiquement blasphemé. Seroient-ils donc arrivés ces jours malheureux prédits par l'apôtre des nations?.....

» L'Eglise ne craint rien pour elle. Que lui importent les fureurs criminelles de ses ennemis? Elle a des promesses qui sont au-dessus de toutes les atteintes. Jamais les portes de l'enfer ne prévaudront contre elle. L'univers se ligueroit pour la détruire, elle n'en seroit pas moins immortelle, et sa durée aussi prolongée que les siècles. Si cette mère compatissante fait entendre sa voix plaintive, c'est qu'elle pleure sur ses enfans dont le sort à venir excite ses alarmes : car si les efforts des hommes seront à jamais impuissans pour renverser l'Eglise de Dieu, ils peuvent néanmoins lui enlever un grand nombre d'enfans qu'elle a portés dans son sein et nourris de ses doctrines célestes; ils peuvent réussir à séparer d'elle une nation égarée qui croiroit avoir conquis la liberté, quand, reniant le catholicisme et sa gloire de quatorze siècles, elle auroit cessé d'être la fille aînée de l'Eglise. Če malhear, qui précipiteroit notre pays dans un abîme de malheurs ; cette apostasie nationale, qui entraîneroit tant d'apostasies particulières, et causeroit la ruine éternelle de tant d'ames, c'est par des spoliations successives qu'on y arriveroit infailliblement. Tels seroient les coupables projets de ces hommes trop puissans, pour lesquels la religion de Jésus-Christ est un ob

jet de haine et de mépris, et qui voudroient entraîner vers ces affreux résultats ceux mêmes qui sont établis pour conserver les doctrines qui assurent le bonheur des peuples et la paix des nations.

» Aussi, pour ne pas nous rendre complices des succès dont se flattent les impies, avons-nous dû, dans ces dernières circonstances, faire souvent entendre les accens d'une juste douleur et d'une fermeté sacerdotale, et nous pouvons, devant le Seigneur, nous rendre ce témoignage, qu'en toute occasion nous avons tâché de remplir ce devoir avec franchise et simplicité; que si notre voix particulière a pu quelquefois paroître importune, c'est-là un malheur auquel nous nous étions résigné d'avance par la pensée que Dieu connoissoit nos intentions, et que c'étoit notre conscience seule qui parloit, comme c'est aussi d'après ses seules impulsions que nous avons toujours agi: car, fidèle aux principes que nous avons proclamés avec nos vénérables collègues dans l'épiscopat, nous avons fait depuis tout ce qui étoit en nous pour défendre et conserver intacts les droits divins dont nous sommes dépositaires, et grace au ciel, aucune concession indigne de notre ministère n'a compromis l'autorité de notre langage. Ce que nous avons trouvé possible, nous l'avons fait, et ce que nous avions déclaré ne pouvoir se faire, nous ne l'avons point fait. »

Le prélat fait ensuite un bel éloge de Leon XII, et s'afflige des pertes que vient d'éprouver coup sur coup le chapitre de la cathédrale de Marseille. En peu de temps, la inort a enlevé M. Jean Ripert, ancien supérieur du petit séminaire; M. Alphonse de Sinety, aumônier du Roi; M. Guillaume Martin, grand-chantre; M. Jean-BaptisteMarie Carle, curé de St-Ferréol; M. Jean-Baptiste Custinel, M. François Maillaguet et M. Suzanne, dont nous avons parlé précédemment. Tous ces ecclésiastiques étoient chanoines titulaires ou honoraires.

- M. l'évêque de Rodez commence ainsi son Mandement de carême :

« Seroient-ils arrivés, N. T. C. F., ces malheureux jours où la religion, en butte depuis si long-temps aux attaques les plus violentes, aux mépris les plus insultans, succomberoit sous les coups de ses ennemis et s'éteindroit dans presque toutes les ames? Quand on ne reconnoîtroit pas les moyens d'une efficacité si prompte et si affreuse, mis en œuvre pour pervertir les esprits et les cœurs; quand on n'auroit pas vu l'impiété ouvrir de toutes parts des sources empoisonnées pour infecter de leurs vapeurs pestilentielles toutes les conditions et tous les ages, et qu'on n'en jugeroit que par la douleur et les gémissemens des ames religieuses si profondément affligées, et par la joie barbare de ceux qui, dans leur aveugle fureur, en ont juré la ruine, pourroit-on ignorer que cette religion sainte a reçu de cruelles blessures, qu'elle a vu s'affoiblir son salutaire et légitime empire, et que ses divins enseignemens ont perdu, sur un trop grand nombre de ses enfans, leur force et leur autorité? Mais vous, N. T. C. F., qui lui fûtes

toujours fidèles et dociles (et quand je parle à ceux qui ont eu ce bonheur, je sais, et j'en bénis le Dieu des miséricordes par mille actions de graces, que c'est à la très-grande partie de mes chères brebis que je m'adresse); mais vous, toujours inébranlables dans la foi de l'Eglise, qui n'avez pas péri dans le fatal naufrage où tant d'autres ont été engloutis, vous bornerez-vous à gémir sur les odieux succès de l'impiété, et sur la déplorable défection qu'elle reconnoît et proclame pour son ouvrage? Cette foi même, qui vit dans votre cocur, ne vous dit-elle pas que vous avez, dans ces tristes circonstances, des devoirs particuliers à remplir? Et s'ils ne se présentoient pas à votre esprit, nous allons vous les retracer. >>

Le prélat expose ensuite ces devoirs : le premier est une vive reconnoissance envers Dieu, qui nous a préservés de l'erreur au milieu de tant de pièges tendus sous nos pas, et de tant d'écrits impies qui circulent autour de nous; le second devoir est de plaindre les ennemis de la religion, et surtout la jeunesse entourée de tant d'objets de séduction. Enfin M. l'évêque veut surtout que l'on honore sa foi par ses œuvres, et il adresse sur ce sujet aux fidèles les plus pressantes exhortations.

-On vient de publier un Supplément à la Correspondance de Grimm et de Diderot; ce Supplément se compose des morceaux et fragmens retranchés par la censure impériale en 1812 et en 1813. La plupart de ces morceaux ne nous intéresseroient que fort peu, et il seroit même assez difficile de donner des motifs satisfaisans pour beaucoup de suppressions; mais il y en a une assez remarquable, elle concerne saint Vincent de Paul, ce grand homme et ce grand saint, si célèbre par sa piété, par l'influence qu'il eut sur son siècle, par les institutions qu'il fonda, par les services qu'il rendit à la religion et à l'humanité, et par les plus hautes comme les plus touchantes vertus. On n'avoit pas encore essayé de flétrir la réputation de cet apôtre de la charité; un philosophe impie et moqueur l'a entrepris, et comme on avoit voulu faire de Fenelon un homme indifférent à toutes les croyances, on a voulu aussi faire de saint Vincent de Paul un socinien. Le lecteur a peut-être peine à croire à un tel excès d'audace et de déraison; voici le passage tel qu'il se trouve dans la Correspondance inédite de Grimm et de Diderot, et tel qu'il est cité dans le Globe du 25 février dernier :

«Saint Vincent de Paul est un saint de nouvelle date, chef et institu

teur de l'ordre des Lazaristes. Il est mort en odeur de sainteté, il y a environ cent ans. Ce saint a fait, de son vivant, plusieurs miracles, déclarés et reconnus tels par l'Eglise infaillible. Il passoit pour zélé Moliniste, et la haine qu'on portoit aux Jansenistes n'avoit pas peu contribué à lui faire obtenir les honneurs de la canonisation. Lorsque les frères Lazaristes la sollicitèrent pour leur patron, qui n'étoit encore que béatifié, auprès du cardinal Fleury, ce ministre, qui devoit pour cela interposer ses bons offices auprès du pape, demanda si leur Vincent avoit fait des miracles? Ils dirent qu'oui. De quelle espèce? S'il avoit, par exemple, ressuscité un mort? Ils répondirent qu'ils ne pouvoient ni ne vouloient en imposer à son Eminence; qu'il n'en avoit jamais ressuscité qu'un seul. La canonisation fut obtenue. Or voici ce qui vient d'arriver; c'est du moins le bruit public. Il y avoit, dans la famille d'Argenson, un paquet cacheté, en 1659, par un des ancêtres de cette maison, et transmis à sa postérité avec ordre de ne l'ouvrir que cent ans après. Ce terme étant échu, M. de Paulmy vient d'ouvrir son paquet, en présence du roi et de Mme de Pompadour. On y a trouvé, dit-on une déclaration de saint Vincent, avec lequel M. d'Argenson avoit été intimement lié, par laquelle il assure qu'il a toujours vécu et qu'il est mort dans les opinions du socinianisme, et persuadé comme il l'est que cette doctrine, la seule véritablement divine, sera universellement répandue cent ans après sa mort, et aura détruit toutes les autres opinions erronées, il veut que sa déclaration de foi reste ignorée jusqu'à ce terme où la vérité aura triomphé de tous les mensonges. Il en est arrivé autrement, et le socinianisme n'a pas fait ces progrès; mais on sent qu'aujourd'hui l'Eglise ne doit pas se trouver peu embarrassée des miracles d'un saint hérétique, miracles dont elle a reconnu l'authenticité, et en vertu desquels Vincent avoit obtenu les honneurs de la canonisation. >>

Voilà donc que, sur un dit-on, on transforme en socinien un prêtre, un saint, un homme illustre par 50 ans de travaux, de dévoùment et de prodiges de charité. La belle autorité qu'une anecdote ramassée dans les balayures de quelque salon! l'imposant témoignage qu'un ouï-dire recueilli par un homme frivole! C'étoit le bruit public, dit-il; comment se fait-il que ce bruit public ait été ignoré jusqu'ici? Si c'étoit un bruit public, comment n'en est-il pas parlé dans les nombreux mémoires du temps? Comment cette anecdote auroit-elle échappé à tous les auteurs contemporains, aux compilateurs d'Ana, à tant d'écrivains empressés à recueillir tout ce qu'ils entendent, et pour qui une telle histoire eût été une découverte précieuse? Saint Vincent de Paul socinien! quelle bonne fortune pour les gens qui aiment à se moquer de la religion et des pretres! comme on eût fait sonner bien haut un pareil trait! Combien Voltaire, d'Alembert et les autres beaux esprits du temps s'en fussent amusés! Que c'étoit là un sujet fécond d'épigrammes piquantes!

Cependant nous ne voyons rien là-dessus dans les mémoires et les autres correspondances de l'époque. Ce bruit public n'est venu à la connoissance que du seul Grimm, qui ne peut même dire de qui il le tient; et c'est sur un tel témoignage qu'on iroit admettre un conte révoltant par son absurdité! On croiroit sur un ouï-dire que saint Vincent de Paul a toujours vécu et est mort dans les opinions du socinianisme! Il auroit toujours été socinien cet homme de prière et d'oraison, ce prêtre humble et recueilli, continuellement occupé des choses de Dieu, ce zélé directeur des consciences, qui savoit si bien inspirer la piété aux autres par ses discours, par ses exemples, par son extérieur seul! Il auroit toujours été socinien ce missionnaire si zélé, ce fondateur d'une société de missionnaires, qui toute sa vie prêcha la parole divine, qui établit des conférences et des retraites pour ranimer la foi dans toutes les classes de la société, qui créa tant de séminaires, et travailla avec tant d'ardeur à la réforme et à la sanctification du clergé. Il auroit toujours été socinien cet instituteur d'une congrégation de pieuses filles, dont le monde même admire le dévoùment et la charité! Ces pieuses filles seroient-elles aussi par hasard des sociniennes, et seroit-ce un socinien qui leur auroit inspiré des vertus si héroïques et tant de persévérance et de courage dans des soins qui répugnent à la nature? Après avoir flétri le père comme un hypocrite, pourquoi n'essaieroit-on pas de diffamer aussi les filles? Ne seroit-il pas possible d'imaginer aussi quelques on dit, quelque bruit public pour noircir les vertus des servantes des pauvres, et pour empoisonner leurs bonnes œuvres? Ce trait de gratitude et d'équité seroit digne de la pénétration et de l'habileté des faiseurs de découvertes, des déterreurs d'anecdotes, des gens si ardens à décrier le clergé et à souiller tout ce qui tient à la religion; seulement ils feront bien de mettre, s'ils le peuvent, un peu plus de vraisemblance dans leurs fictions que Grimm n'en a mis dans la sienne. En vérité, la censure impériale lui avoit rendu service en supprimant cette sottise, et quoi qu'en disent MM. du Globe, il eût été à désirer que l'anecdote fût restée ensevelie dans un éternel oubli. Elle ne sauroit faire tort à la réputation de saint Vincent de Paul, mais elle peut en faire beaucoup à la sagacité et à la bonne foi de l'écrivain qui recueille une fable si impertinente.

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