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MERCRED! 18 MARS 1829.

(N° 1524.)

II

Sur des conjectures d'un anonyme touchant le conclave.

propre

a paru dans le Nouveau journal de Paris, les 2, 5 et 8 mars, trois lettres sur l'élection du pape et sur le conclave; elles sont signées ainsi : † F. M. M. Cette signature semble indiquer que l'auteur de la lettre est un évêque; non, le signataire est seulement, si on l'en croit, un ancien monsignor, c'est-à-dire, un homme qui avoit rang dans la prélature. Or, à Rome, on donne souvent le titre de prélats à ceux qui ne sont pas même dans les ordres. M. F. M. M. doit être rangé, à ce qu'il paroît, dans cette catégorie; il a tout-à-fait l'air d'un homme qui a, comme on dit, jeté le froc aux orties, et qui n'a plus rien d'un prélat. Son ton, les anecdotes qu'il raconte, les plaisanteries dont il les assaisonne, ses jugemens sur les personnages, tout cela n'est pas à donner une haute idée de ses lumières et de sa sagesse. De plus, de petites faussetés assez palpables achèvent d'ôter tout crédit à cet anonyme. Il débite avec assurance les contes les plus ridicules; ainsi il prétend que ce sont les nonnes de St-Sylvestre in capite qui triomphent dans l'élection du pape, puisqu'elles peuvent disposer des voix de la plus grande partie du sacré Collège, dont plusieurs sont leurs confesseurs et d'autres leurs oncles et frères. Nous pouvons dire bardiment que l'ancien prélat se moque du monde quand il avance de telles sornettes, et cette importance qu'il donne à un couvent de filles dans une ville où il y en a beaucoup d'autres est une absurdité aux yeux de ceux qui connoissent un peu Rome et ses usages. Il n'est point vrai que la plus grande partie des cardinaux soient confesseurs ou parens des religieuses de St-Sylvestre. Ces pauvres Franciscaines seroient sans doute fort étonnées d'apprendre qu'elles ont tant de crédit et d'inluence.

L'anonyme, qui est poli, divise les cardinaux en 3 classes, les savans, les dévots et intrigans, les fainéans et ignorans; la première classe, selon lui, est peu nombreuse; les deux autres le sont beaucoup. Je me doute bien dans quelle classe il faudroit ranger l'anonyme, s'il étoit cardinal. HeureuseTome LIX. L'Ami de la Religion et du Roi,

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ment que l'Eglise, suivant toutes les apparences, n'aura point à s'affliger d'une telle promotion. Le ci-devant prélat passe en revue les cardinaux; il nous dit pourquoi tel ou tel cardinal ne sera pas élu pape. Les raisons qu'il en donne ne valent pas la peine que l'on cherche à y répondre; mais nous devons faire remarquer une bévue grossière. Il dit : Le cardinal Trajetto a du mérite, il est intrigant, mais ne se donne pas la peine de courtiser les nonnes; donc il ne sera pas pape. Je parie bien, en effet, que le cardinal Trajetto ne sera pas pape, par une petite raison assez simple, c'est qu'il n'y a pas dans le sacré Collège de cardinal Trajetto. Conçoit-on qu'un homme qui prétend connoître Rome fasse de pareilles balourdises, qu'il mette au nombre des cardinaux celui qui n'est point cardinal, et qu'il suppose qu'il peut être question d'élire pape ce cardinal créé par lui seul? Il y a eu autrefois, dans le sacré Collège, un cardinal Caraffa di Trajetto, de la création de Clément XIV; mais il est mort il y a déjà plusieurs années, et fort avancé en âge. Il existe à Rome en ce moment, à ce que je crois, un prélat du même nom, mais il n'est point cardinal; c'est ce qui est assez notoire, et ce que chacun peut vérifier dans l'Almanach royal, dans l'Almanach du clergé, etc. Quelle confiance peut-on avoir dans un écrivain capable de telles âneries?

L'anonyme mèle la fausseté à la vanterie dans ce qu'il nous rapporte de ses entretiens avec quelques cardinaux; il leur prête ses propres idées et ses propres préjugés. Le cardinal Galeffi lui a témoigné qu'il n'aimoit pas les Jésuites; il n'en faut pas davantage pour engager le sieur F. M. M. à porter ce cardinal à la papauté, et il ajoute ces paroles, toutà-fait placées dans la bouche d'un prélat romain: Le cardinal Galeffi, ayant une telle opinion de cette seete diabolique, ne manquera pas de la détruire, et quel plus grand bienfait pourroit-il rendre à l'humanité? Nos libéraux ne diroient pas mieux, et l'épithète de secte diabolique est digne de l'urbanité du Constitutionnel ou du Nouveau journal de Paris. Une conversation prétendue du feu cardinal Fontana avec l'anonyme est dans le même goût, et le cardinal y parle à peu près comme feroit M. de Pradt ou M. Viennet. Il déclare que, s'il devenoit pape, il renonceroit à la souveraineté temporelle; il fait de très-belles phrases sur la marche du siècle, sur le progrès des lumières, sur l'esprit philosophique, sur

les heureux effets de la civilisation. Pour quiconque a connu le sage et pieux cardinal Fontana, ce langage est extrêmement vraisemblable dans sa bouche. L'anonyme s'amuse aussi à faire parler le cardinal Litta; il nous raconte des anecdotes sur les anciens et les nouveaux conclaves, anecdotes qu'il tient de son oncle le cardinal. Cet oncle n'est point nommé dans les lettres, mais on devinera aisément de qui M. F. M. M. veut parler.

Enfin, dans sa dernière lettre, le prélat postiche revient au conclave actuel, et nous apprend que, d'après une lettre qu'il a reçue de Rome, le sacré Collège s'est partagé en deux cohortes militantes et intrigantes. A la tête de la première est le cardinal Bernetti, qui étoit en dernier lieu secrétaire d'Etat, et qui est secondé, dit l'anonyme, par tous les cardinaux napolitains, les Caccia-Liatti (lisez Caccia-Piatti), les Vidoni, les Falzacappa, les Testaferrata et le cardinal-ministre de Bavière. Ah! Ms, quelle nouvelle bévue; il n'y a point à Rome de cardinal-ministre de Bavière. Vous avez donc ou

blié que le cardinal Haeffelin, qui occupoit ce poste, est mort depuis près de deux ans. Comment l'ami qui vous écrit de Rome, dites-vous, peut-il ignorer cela? Comment ne sait-il pas que le ministre actuel de Bavière, le baron de Malzen, n'est point cardinal? En vérité, M, votre ami et vous, vous connoissez bien peu le terrain que vous voulez décrire. Quand on fait de telles méprises, est-on bien recevable à donner son avis sur le conclave? Quoi qu'il en soit, l'anonymne suppose que les cardinaux nommés ci-dessus portent le cardinal Pacca, et que la seconde cohorte, qui a à sa tète les cardinaux Giustiniani et Odescalchi, et qui est composée de tous les cardinaux romains et de quelques espa-gnols, porte le cardinal Galeffi. Il seroit inutile de rechercher ce qu'il y a de plausible dans les suppositions de l'anonyme; nous nous contenterons de dire qu'il ne faut juger du cardinal Pacca ou du cardinal Galeffi, ni par les louanges qu'il donne à l'un, ni par la critique qu'il fait de l'autre. Ces deux illustres personnages sont également au-dessus des louanges et du blâme d'un homme tel que le sieur F. M. M., qui connoît bien mal leurs sentimens. M. le cardinal Galeffi a dit à d'autres précisément le contraire de ce que rapporte l'anonyme. Nous ne nous arrêterons point sur ce qu'il nous conte des ambassadeurs des puissances à Rome;

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il y a là comme dans tout le reste des choses ridicules, par exemple, que les ambassadeurs d'Espagne, de Naples et du Brésil sont considérés comme des Babouins. Qu'a voulu dire par là le judicieux anonyme? Où est le sel de cette ingénieuse. plaisanterie ? C'est ce qu'il ne nous est pas donné de deviner.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le 2 mars, M. le cardinal Ruffo, archevêque de Naples, visita la basilique du Vatican, et l'après-midi du mème jour, Son Em. fit son entrée au conclave. Le jour suivant, M. le cardinal Gaysruch, archevêque de Milan, arriva à Rome, et descendit au palais Braschi.

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3 et 4 mars, les cardinaux chefs d'ordre étoient les cardinaux Galeffi, Morozzo et Rivarola. Les 5, 6 et 7, ce devoit être les cardinaux Arezzo, Testaferrata et GuerrieriGonzaga.

On fait des prières pour l'élection du souverain pontife. Le saint sacrement a été exposé dans différentes églises comme pour les prières des quarante heures, et les confréries s'y rendent processionnellement matin et soir, en chantant les litanies et les prières en usage pour la vacance du saint Siège. Les curés des paroisses et les religieux mendians se rendent également en procession de la basilique des Douze-Apôtres au palais Quirinal. Arrivés près la chapelle des auditeurs de Rote, où on chante tous les jours une messe du Saint-Esprit, ils entonnent le Veni Creator, et le continuent jusqu'à l'église de Saint-Sylvestre, où est célébrée aussi une messe du St-Esprit. Cela se continue chaque jour.

PARIS M. l'archevêque a repris, comme nous l'avons annoncé, le cours d'instructions qu'il avoit déjà fait les années précédentes tous les vendredis de carême. Le vendredi 6, premier vendredi de carême, le prélat parloit en même temps pour la société des prisons, et a rattaché à cette œuvre ses considérations sur le Sauveur et sur la passion. Il a montré J. C. prisonnier lui-même, et éprouvant les privations, les humiliations et les mauvais traitemens auxquels les prisonniers sont exposés. M. l'archevêque a présenté, sur ce sujet, les réflexions les plus propres à intéresser la piété des fidèles

et à exciter leur charité envers les prisonniers. L'auditoire etoit très-nombreux, et la quète a été abondante. Le vendredi suivant, un plus grand nombre encore de fidèles remplissoit la nef de Notre-Dame. M. l'archevêque, qui paroît suivre dans ses instructions un autre plan que les années précédentes, a parcouru tout l'ancien Testament, et y a trouvé de nombreuses et frappantes figures de J. C., de ses souffrances et de sa mort. Une grande connoissance et d'heureuses applications de l'Ecriture, une suite de réflexions attachantes et pleines d'utilité dans la pratique, une abondance de pieux sentimens et d'excellentes vues, voilà ce qu'on a remarqué dans ce discours, qui a duré une heure et demie, et qui n'a paru long à personne.

M. le cardinal de Clermont-Tonnerre est parti de Toulouse le 10 mars au matin pour se rendre au conclave. S. Em. avoit reçu quelques jours auparavant, de Paris, ses instructions et ses passeports. Elle est accompagnée de M. l'abbé Berger, un de ses grands- vicaires. M. l'abbé Darassus, chanoine honoraire de Toulouse, doit rejoindre M. le cardinal en route. Son Em. a pris la route la plus courte, elle passera par Nice. Elle se propose de prendre pour conclaviste M. l'abbé Clausel de Coussergues, qui se trouve à Rome depuis quelques mois. Il y a long-temps qu'il ne s'est trouvé autant de cardinaux français réunis au conclave; depuis plus d'un siècle, il n'y en avoit jamais eu plus de trois; cette fois, il y en aura cinq. Les quatre dont nous avons précédemment annoncé le départ doivent être arrivés depuis plusieurs jours, et sont en ce moment dans le conclave.

Les journaux ont annoncé que M. l'abbé Gallard, curé de la Madeleine, qui avoit été nommé à l'évêché du Mans, avoit eu, la semaine dernière, une audience du Roi. Ce modeste ecclésiastique a prié S. M. d'agréer qu'il restât dans une paroisse où il est justement aimé et honoré. Le Roi a eu égard à sa demande. M. l'abbé Gallard a reçu, tous ces joursci, les remercîmens de son clergé et de ses paroissiens, qui se félicitent de conserver un pasteur si sage, si appliqué à ses devoirs, si occupé des intérêts des pauvres, si propre à se concilier l'estime et la confiance de toutes les classes. M. le curé de la Madeleine pourra continuer le bien qu'il a déjà fait dans une paroisse qui est une des plus importantes de la capitale.

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