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d'ordonner l'emprisonnement des deux parties, sauf alors le recours de l'une des deux aux syndics, si, selon les termes de l'édit, elle se sentoit grevée par ce qui aura été ordonné 1. Les trois premiers articles du titre XII sur les matières criminelles se rapportent évidemment à ce cas-là.

Dans le cas du flagrant délit, soit pour crime, soit pour excès que la police doit punir, il est permis à toute personne d'arrêter le coupable; mais il n'y a que les magistrats chargés de quelque partie du pouvoir exécutif, tels que les syndics, le Conseil, le lieutenant, un auditeur, qui puissent l'écrouer; un conseiller ni plusieurs ne le pourroient pas; et le prisonnier doit être interrogé dans les vingt-quatre heures. Les cinq articles suivants du même édit se rapportent uniquement à ce second cas, comme il est clair, tant par l'ordre de la matière que par le nom de criminel donné au prévenu, puisqu'il n'y a que le seul cas du flagrant délit ou du crime notoire, où l'on puisse appeler criminel un accusé avant que son procès lui soit fait. Que si l'on s'obstine à vouloir qu'accusé et criminel soient synonymes, il faudra, par ce même langage, qu'innocent et criminel le soient aussi.

Dans le reste du titre XII il n'est plus question d'emprisonnement; et depuis l'article 1x inclusivement, tout roule sur la procédure et sur la forme du jugement, dans toute espèce de procès criminel. Il n'est point parlé des emprisonnements faits d'office.

Mais il en est parlé dans l'édit politique sur l'office des quatre syndics. Pourquoi cela? parceque cet arÉdits civils, tit. XII, art. 2.

ticle tient immédiatement à la liberté civile, que le pouvoir exercé sur ce point par le magistrat est un acte de gouvernement plutôt que de magistrature, et qu'un simple tribunal de justice ne doit pas être revêtu d'un pareil pouvoir. Aussi l'édit l'accorde-t-il aux syndics seuls, non au lieutenant ni à aucun autre magistrat.

Or, pour garantir les syndics de la surprise dont j'ai parlé, l'édit leur prescrit de mander premièrement ceux qu'il appartiendra d'examiner, d'interroger, et enfin de faire emprisonner, si mestier est. Je crois que, dans un pays libre, la loi ne pouvoit pas moins faire pour mettre un frein à ce terrible pouvoir. Il faut que les citoyens aient toutes les sûretés raisonnables qu'en faisant leur devoir ils pourront coucher dans leur lit.

L'article suivant du même titre rentre, comme il est manifeste, dans le cas du crime notoire et du flagrant délit; de même que l'article premier du titre des matières criminelles, dans le même édit politique. Tout cela peut paroître une répétition: mais, dans l'édit civil, la matière est considérée quant à l'exercice de la justice; et dans l'édit politique, quant à la sûreté des citoyens. D'ailleurs les lois ayant été faites en différents temps, et ces lois étant l'ouvrage des hommes, on n'y doit pas chercher un ordre qui ne se démente jamais et une perfection sans défaut. Il suffit qu'en méditant sur le tout, et en comparant les articles, on y découvre l'esprit du législateur et les raisons du dispositif de son ouvrage.

Ajoutez une réflexion. Ces droits si judicieusement combinés, ces droits réclamés par les représentants

en vertu des édits, vous en jouissiez sous la souveraineté des évêques, Neufchâtel en jouit sous ses princes; et à vous, républicains, on veut les ôter! Voyez les articles x, XI, et plusieurs autres des franchises de Genève, dans l'acte d'Ademarus Fabri. Ce monument n'est pas moins respectable aux Genevois que ne l'est aux Anglois la grande Chartre encore plus ancienne; et je doute qu'on fût bien venu chez ces derniers à parler de leur Chartre avec autant de mépris que l'auteur des Lettres ose en marquer pour la vôtre.

Il prétend qu'elle a été abrogée par les constitutions de la république'. Mais, au contraire, je vois très souvent dans vos édits ce mot, comme d'ancienneté, qui renvoie aux usages anciens, par conséquent aux droits sur lesquels ils étoient fondés; et comme si l'évêque eût prévu que ceux qui devoient protéger les franchises les attaqueroient, je vois qu'il déclare dans l'acte même qu'elles seront perpétuelles, sans que le non-usage ni aucune prescription les puisse abolir. Voici, vous en conviendrez, une opposition bien singulière. Le savant syndic Chouet dit, dans son Mémoire à milord Towsend, que le peuple de Genève entra, par la réformation, dans les droits de l'évêque, qui étoit prince temporel et spirituel de cette ville l'auteur des Lettres nous assure au contraire que ce même peuple perdit en cette occasion

C'étoit par une logique toute semblable qu'en 1742 on n'eut aucun égard au traité de Soleure de 1579, soutenant qu'il étoit suranné, quoiqu'il fût déclaré perpétuel dans l'acte même, qu'il ́n'ait jamais été abrogé par aucun autre, et qu'il ait été rappelé plusieurs fois, notamment dans l'acte de médiation.

les franchises que l'évêque lui avoit accordées. Auquel des deux croirons-nous?

Quoi! vous perdez, étant libres, des droits dont -vous joussiez étant sujets! Vos magistrats vous dépouillent de ceux que vous accordèrent vos princes! Si telle est la liberté que vous ont acquise vos pères, vous avez de quoi regretter le sang qu'ils versèrent pour elle. Cet acte singulier, qui vous rendant souverains vous ôta vos franchises, valoit bien, ce me semble, la peine d'être énoncé; et du moins, pour le rendre croyable, on ne pouvoit le rendre trop solennel. Où est-il donc cet acte d'abrogation? Assurément pour se prévaloir d'une pièce aussi bizarre, le moins qu'on puisse faire est de commencer par la montrer. De tout ceci je crois pouvoir conclure avec certitude qu'en aucun cas possible la loi dans Genève n'accorde aux syndics, ni à personne, le droit absolu d'emprisonner les particuliers sans astriction ni condition. Mais n'importe: le Conseil, en réponse aux représentations, établit ce droit sans réplique. Il n'en coûte que de vouloir, et le voilà en possession. Telle est la commodité du droit négatif.

le

Je me proposois de montrer dans cette lettre que droit de représentation, intimement lié à la forme de votre constitution, n'étoit pas un droit illusoire et vain; mais qu'ayant été formellement établi par l'édit de 1707, confirmé par celui de 1738, il devoit nécessairement avoir un effet réel ; que cet effet n'avoit pas été stipulé dans l'acte de la médiation, parcequ'il ne l'étoit pas dans l'édit; et qu'il ne l'avoit pas été dans l'édit, tant parcequ'il résultoit alors par lui-même

de la nature de votre constitution, que parceque le même édit en établissoit la sûreté d'une autre manière ; que ce droit, et son effet nécessaire, donnant seul de la consistance à tous les autres, étoit l'unique et véritable équivalent de ceux qu'on avoit ôtés à la bourgeoisie; que cet équivalent, suffisant pour établir un solide équilibre entre toutes les parties de l'état, montroit la sagesse du réglement qui, sans cela, seroit l'ouvrage le plus inique qu'il fût possible d'imaginer; qu'enfin les difficultés qu'on élevoit contre l'exercice de ce droit étoient des difficultés frivoles, qui n'existoient que dans la mauvaise volonté de ceux qui les proposoient, et qui ne balançoient en aucune manière les dangers du droit négatif absolu. Voilà, monsieur, ce que j'ai voulu faire; c'est à vous à voir si j'ai réussi.

. LETTRE IX.

Manière de raisonner de l'auteur des Lettres écrites de la campagne. Son vrai but dans cet écrit. Choix de ses exemples. Caractère de la bourgeoisie de Genève. Preuve par les faits. Conclusion.

J'ai cru, monsieur, qu'il valoit mieux établir directement ce que j'avois à dire, que de m'attacher à de longues réfutations. Entreprendre un examen suivi des Lettres écrites de la campagne, seroit s'embarquer dans une mer de sophismes. Les saisir, les exposer, seroit, selon moi, les réfuter; mais ils nagent dans un tel flux de doctrine, ils en sont si fort inondés, se noie en voulant les mettre à sec.

qu'on

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