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ayant prié M. le Garde-des-sceaux de lui donner un censeur, l'ouvrage fut envoyé à l'abbé Aubert, qui le rendit avec une approbation motivée et distinguée. Environ deux ans après, M. le comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères, fait demander le censeur de l'ouvrage. L'abbé Aubert se rend chez le ministre, qui, en lui remettant un exemplaire relié en maroquin rouge et doré sur tranche, lui dit : « Je suis chargé par le traducteur de vous remettre cet exemplaire, pour vous remercier de l'examen que vous avez pris la peine de faire de sa traduction et de l'approbation que vous lui avez donnée. » Sur l'observation du censeur, que M. le Clerc de Sept-Chênes aurait pu se dispenser de la magnificence de la reliure, M. de Vergennes lui dit : « C'est Mgr. le Dauphin qui est le véritable traducteur, et qui m'a chargé de vous faire ce cadeau en son nom. »>-) -Nous tenons cette anecdote de l'abbé Aubert lui-même. (Extrait du Roi martyr ou Esquisse du portrait de Louis XVI, par de Moulieres.) »

Anecdote académique. —« L'abbé de Chaulieu ne put parvenir à être de l'Académie française; il en fit cependant, la demande M. le prince de Condé et MM. de Vendôme se réunirent pour solliciter en sa faveur, et ils n'auraient point été refusés. Mais Louis XIV, qu'on avait informé de la vie voluptueuse et libertine de l'abbé de Chaulieu, fit venir M. de Tourreil, alors directeur de l'Académie, et lui ordonna de faire en sorte que l'élection projetée fut croisée. Le jour arrivé, M. de Tourreil dit à la compagnie que M. le premier président de Lamoignon désirait d'entrer dans la compagnie; on alla aux suffrages, et ils furent pour le magistrat. Cependant, M. le Prince, qui attendait des nouvelles de l'élection, ayant su qu'elle n'était pas en faveur de l'abbé de Chaulieu, et que M. de Lamoignon avait été élu, alla trouver le magistrat pour se plaindre de ce qu'il l'avait traversé. M. de Lamoignon assura le prince qu'il ignorait ce qui s'était passé; qu'il n'avait

fait ni démarches, ni demandes pour la place vacante, et refusa en effet de l'accepter, lorsqu'on vint lui apprendre son élection. M. de Tourreil, fort embarrassé, alla rendre compte au roi de ce qui venait de se passer. M. de Rohan, álors coadjuteur, depuis évèque de Strasbourg et cardinal, avait été le matin prendre congé du roi, pour s'en aller à Strasbourg. Le roi lui envoya dire de ne pas partir et de faire sur le champ visite aux académiciens pour demander la place vacante, et il fut élu en effet. Ainsi, l'abbé de Chaulieu fut exclu. C'est depuis le refus de M. de Lamoignon, que dans toutes les élec-" tions de l'Académie on demande si quelqu'un de la compagnie peut répondre que l'élu acceptera. Les preuves de ces faits sont consignées dans une lettre du cardinal de Rohan, qui est entre les mains de M. l'abbé d'Olivet, de qui je tiens ce récit. (Catalogue manuscrit de l'abbé Goujet.) »

L'article suivant, bien que purement bibliographique, sera sans doute jugé curieux.-—No 13659. Le Moniteur ou plutốt Journal Universel (composé par MM. de Lally-Tollendal, de Châteaubriand, de Pradel, de Vaublanc, et Bertin l'aîné, rédacteur principal). Gand, 1815, petit in-folio.-Madame de Damas a fait la première Relation de Bordeaux; la seconde est de M. Desèze. MM. de Damas, Laborie et Guizot ont fourni plusieurs articles. La Relation des événemens depuis le 10 mars, no 1, est de M. de Pradel. M. de Lally-Tollendal a rédigé l'Examen des Observations sur la déclaration du congrès de Vienne, réimprimé en partie à Paris, en mai 1815, in-8°. L'article Politique et finances est de M. de Vaubianc. La Lettre sur l'Acte additionnel a pour auteur M. Bertin, ainsi que Toujours des mensonges. Cela s'appelle changer d'avis, est de M. de Pradel. M. Charles Nodier a fourui Napoléon et ses constitutions. S. M. Louis XVIII a bien voulu envoyer au rédacteur les Mouchoirs blancs, anecdote historique.-Le

er numéro seul porte le titre de Moniteur. »

On apprendra, dans l'ouvrage de M. Barbier, quels sont les véritables auteurs d'une foule de pièces d'une grande célébrité: c'est Mme la comtesse de Schomberg, domiciliée à Vienne en Autriche, qui a rédigé le Journal de Cléry; c'est un M. de Limon, ancien intendant du duc d'Orléans, qui a composé le célèbre Manifeste du duc de Brunswick, lors de l'invasion du mois d'octobre 1792; c'est un abbé Martin, ex-jésuite, qui est auteur du discours prononcé par Robespierre, le jour de la fête de l'Étre-Suprême. Cet abbé, qui est mort à SaintGermain-en-Laye, en l'an 7, avait été précédemment l'un des pricipaux collaborateurs de l'Histoire philosophique de Raynal.

M. Barbier signale avec raison, comme curiosités bibliographiques, divers exemplaires d'ouvrages de tactique ou d'histoire militaire, revenus de Sainte-Hélène, surchargés en marge des notes de Napoléon. Voici ce qu'il nous apprend sur une traduction française du Nouveau-Testament, publiée pour la première fois à Paris, en 1719, par un respectable prêtre catholique, nommé l'abbé de Barneville, qu'il considè→ re avec raison, comme le véritable père des sociétés bibliques. L'abbé de Barneville expose, dans l'avertissement qui précède i édition de 1719, les motifs qui l'ont guidé dans la rédaction d'une traduction nouvelle du Nouveau-Testament. Son but principal paraît avoir été de faire vendre les exemplaires à meilleur marché, ou même de les donner aux pauvres, au moyen d'avances faites par des personnes aisées. Dans la pré

face qui précède l'édition de 1726, il se félicite de la bénédiction que Dieu a répandue sur cet ouvrage. On y apprend que des gens riches et charitables ne se contentèrent pas d'en faire provision pour eux et leur famille, ils eurent encore la générosité d'en acheter un grand nombre; qu'ils ont fait distribuer gratuitement à Paris et dans les provinces. Aussi, l'on a tou

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jours eu soin que les exemplaires ne fussent vendus que ce qu'ils avaient coûté pour l'impression.

M.

Plusieurs littérateurs instruits ont communiqué à M. Barbier des renseignemens précieux; d'autres fois, il a reproduit, sous la forme de notes, et en lieu opportun, des articles ou dissertations qui seraient restés comme perdus ailleurs. Telle est, entre autres, une dissertation sur les anagrammes, par Péricaud, de Lyon, publiée dans le journal de cette ville, à l'occasion d'un vieux bouquin intitulé : Formulaire récréatif de Bredin le C.... (Nos pères si religieux, dit-on, en usaient en français comme en latin; ils bravaient l'honnêteté dans les mots). On trouve indiqués, dans l'article de M. Péricaud, les anagrammes suivans: Pierre de Ronsard (rose de Pindare); Jean de Coras (cède à raison); Jean Brynon (rien bon n'y a); frère Jacques-Clément (c'est l'enfer qui m'a créé); Anne d'Autriche (reine de haut rang); Claude Ménétrier (miracle de nature); l'abbé Miolan (ballon abimé); enfin, dans Voltaire (o alle vir); la décomposition de l'anagramme, conduit très-ingénieusement M. Péricaud à découvrir le nom de l'auteur anonyme du Formulaire récréatif. On lit, au bas de l'Avis au lecteur, en guise de signature, la devise Bonté n'y croist, dans laquelle on trouve Benoit Eroncy, que le bibliographe lyonnais prouve en effet être l'auteur du livre en ques

tion.

M. Barbier, assez riche de son propre fonds, s'empresse de donner de la publicité à ces honorables communications, qui ajoutent au mérite et à l'agrément de son livre.

A. MAHUL.

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III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. LIVRES ÉTRANGERS (1).

AMÉRIQUE.

ÉTATS-UNIS.

225. - A Gazetteer of the states of Illinois and Missouri.—Dictionnaire descriptif et topographique des états de l'Illinois et du Missouri, par Louis C. BECK. Albany, 1823; Webster. Un vol. in-8°, de 352 pag.

Le docteur Beck est membre de la Société historique de New-Yorck, et il a résidé long-tems dans le Missouri. Aidé de plusieurs personnes instruites, ayant visité lui-même une partie cousidérable des états qu'il a décrits, et dans lesquels on s'est empressé partout de mettre à sa disposition les registres et les archives des différentes villes, M. Beck a recueilli une foule de matériaux précieux, réunis dans cet ouvrage. On y trouve une vue générale de chaque état, un aperçu de leurs comtés, et une description particulière des villes, villages, rivières, etc. Il est orné d'une carte dressée avec beaucoup de soin, d'après des plans originaux, et de plusieurs gravures pour éclaircir et compléter la description de différens objets. L'examen général de chaque état comprend tout ce qui a rapport à la géographie, à la géologie et à la minéralogie, ainsi qu'à l'archéologie et à l'histoire. Les noms botaniques des principales espèces de plantes appartenantes au Missouri, et des arbres de l'Illinois, sont indiqués avec la plus grande exactitude. Ce livre est fort bien imprimé, et paraît digne à tous égards de la faveur du public. Les articles du comté de Pike, du fort de Chartres, du fört Dearborn, de Monk-Mound, de Vandalia, sous l'Illinois, de Fenton, de la Crique-Noyer, de la rivière de Strawberry, sont tous fort curieux et d'un grand intérêt. La longueur de la rivière de l'Ohio est estimée par M. Beck de onze cents milles (pag. 16); mais, d'après les nouvelles mesures prises par M. Darby, elle n'a que neuf cent quarante-huit milles de long. Sauf cette er

(1) Nons indiquerons par un astérisque (*) placé à côté du titre de chaque ouvrage, ceux des livres étrangers ou français qui paraîtront dignes d'une attention particulière, et dont nous rendrons quelquefois compte dans la section des Analyses. T. XIX.-Septembre 1823. 41

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