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ET LITTÉRAIRES.

AMÉRIQUE.

AMÉRIQUE MERIDIONALE. — MARACAY (entre Caraccas et Nueva-J ́alencia). — Économie rurale et chimie. — Extrait d'une lettre datée de fvrier 1825. — ■ Lorsque nous quittâmes l'Europe, le savant M. de Humboldt nous recommanda expressément de porter notre attention sur l'arbre de la vache (palo de vaca, ou palo de lèche), et de lui en envoyer la fleur. Cet arbre croît dans les montagnes qui dominent Periquito, au nord de Maracay. Il donne avec abondance un suc laiteux, comparable par ses propriétés au lait des animaux, et que l'on emploie aux mêmes usages, comme M. de Humboldt en a été témoin à la ferme de Barbula (Cordillière littorale de Venezuela), où il en a bu lui-même. Ce lait végétal est un peu plus visqueux que celui de vache; il en a la saveur; mais ses propriétés chimiques diffèrent sensiblement de celles du lait animal. Il se mêle en toute proportion avec l'eau ; il ne se coagule point par l'ébullition. L'aminoniaque le rend plus liquide; ce caractère indique l'absence du caout-chouc, car nous avons éprouvé que les sucs où ce principe est contenu, même en très-petite quantité, le laissent précipiter par l'ammoniaque, et que le précipité séché jouit de toutes les propriétés de la gomme élastique. - Soumis à la chaleur, le lait végétal se couvre d'une pellicule qui empêche le dégagement des vapeurs aqueuses. En enlevant successivement ces pellicules, et faisant évaporer le lait à une douce chaleur, on obtient un extrait qui ressem ble à la frangipane; mais, si l'on continue plus long-tems l'action de la chaleur, il se forme des gouttes huileuses. Ces goultes augmentent à mesure que l'eau se dégage, et finissent par former un liquide huileux, dans lequel nage une substance fibreuse qui se dessèche et se raccornit à mesure que la température de l'huile augmente. Alors se répand une odeur très-caractérisée de viande que l'on ferait frire dans de la graisse. Ainsi, l'action de la chaleur sépare le lait végétal en deux parties, l'une fondue de nature grasse, et l'autre fibreuse de nature animale. - On

peut obtenir la matière fusible sans altération, si elle n'est pas chauffée jusqu'a l'ébullition : cette matière ressemble alors à la cire des abeilles, et peut servir aux mêmes usages; car nous en avons fait des bougies. Lorsque la matière fibreuse est séparée du lait par le moyen de l'alcool, on l'obtient sous la forme de fibres blanches et flexibles, et l'on y trouve tous les caractères de la fibrine animale. Le liquide qui tient en suspension, dans un état de division chimique, les deux principes dont nous venons de parler, contient un peu de matière sucrée'; elle rougit lá teinture de tournesol: nous y soupçonnâmes la présence d'un sel magné. sien. En effet, une goutte de dissolution aqueuse placée sur une lame de verre, à côté d'une autre goutte de phosphate ammoniacal, a formé des caractères par son mélange avec cette dernière, au moyen d'un tube de verre. Cette propriété écrivante appartient, comme on sait, au phos. phate ammoniaco - magnésien; ce moyen d'analyse est dû au docteur Wollaston. Le lait végétal abandonné à lui-même s'aigrit, et prend une odeur désagréable: il s'y forme un sel ammoniacal; quelques gouttes d'acide ont empêché la putréfaction. Ainsi les parties constituantes de ce lait sont, 1o de la cire; 2o de la fibrine; 3° un peu de sucre ; 4° un sel magnésien qui n'est pas un acétate; 5o de l'eau ; point de caseum ni de caout-chouc. Par l'incinération, nous avons trouvé de la silice, de la chaux, du phosphate de chaux, de la magnésie. La présence de la fibrine explique la propriété nutritive du suc de palo de lèche; quant à la cire, qui forme à peu près la moitié du poids total, elle ne paraît pas nuisi ble; mais nous ignorons l'effet qu'elle produit sur l'économie animale. L'arbre de la vache mériterait d'être cultivé pour en extraire cette cire, qui est d'une qualité supérieure. - Ce serait une richesse de plus pour la fertile vallée d'Aragua, où l'on voit déjà la canne à sucre, tonier et l'indigo réunis à la culture des céréales.

le co

BOUSSINGAULT.

N. DU R.-M. Boussingault est un jeune chimiste français qui voyage avec un autre jeune chimiste, M. Rivero: celui-ci est Péruvien. Ils ont rédigé en commun le mémoire qui contient les recherches dont on vient de lire un extrait. M. de Humboldt avait déjà soupçonné la nature fortement animalisée du suc du palo de vaca, dans lequel il pensait que l'on pourrait trouver de l'albumine et du caseum.

F.

INDES-ORIENTALES.

ASIE.

COLONIES ANGLAISES.

SINGAPOUR. Progrés de

l'établissement. L'île de Singapour est située à l'extrémité de la presqu'île de Malacca, dans ce qu'on nomme le détroit de Singapour, que

traversent les vaisseaux qui se rendent dans les mers de la Chine, ou en reviennent La ville est sur une pointe de terre, près de la partie occidentale d'une baie. On la distingue aisément à une colline qui s'élève par derrière, et qui est presque entièrement couverte d'arbres. Craignant, après la paix de 1814, que les Hollandais, réinstallés dans leurs anciennes possessions orientales, ne prissent trop de prépondérance dans ces parages, et ne s'emparassent de tout le commerce, le gouvernement anglais des Grandes-Indes voulut occuper une station dans le détroit de Malacca, Sir Thomas Stamford Raffles proposa ce projet, qui fut secondé par le gouvernement suprême du Bengale, et on le choisit pour l'exécuter. Il mit à la voile de Calcutta, investi de pouvoirs discrétionnaires pour le choix du lieu où il conviendrait de fonder un établissement britannique, propre à maintenir la liberté de la navigation dans le détroit de Malacca. Une année environ après la formation de cet établissement, sir Thomas écrivit au marquis de Lansdowne une lettre, datée du 15 avril 1820, dans laquelle il disait : « Les rapides progrès de cette importante colonie, fondée depuis un an, sont peut-être sans exemple. Quand j'y arborai le pavillon anglais, la population était à peine de 200 âmes. En trois mois, elle s'éleva à 3000; elle excède aujourd'hui 10,000 habitans, presque tous Chinois. Cent soixante-treize vaisseaux, dont la plupart du pays, sont partis et arrivés, dans le cours des deux premiers mois; Singapour est déjà devenu un port marchand assez important, et les bons effets que doit produire cette colonie se font déjà sentir. Il entre ensuite dans de longs détails sur la nécessité de faire de la station un port libre. « En peu d'années, dit-il, si le système, d'après lequel j'ai commencé, se continue, tout l'archipel oriental tirera ses étoffes de la Grande-Bretagne, et je ne vois pas pourquoi Ava, Siam, la Cochinchine, et même une grande portion de la Chine ne suivraient pas cet excmple. » Une autre lettre, du 1er novembre 1831, publiée dans un journal de Calcutta, contient de nouvelles informations sur cet établissement. Une population nombreuse de races diverses était, à cette époque, établie dans l'île, dont le sol fournit en quantité les matériaux nécessaires à la construction. Une ville bien bâtie s'élève rapidement sur les bords d'un bras de mer qui pénètre dans l'intérieur, et qui a environ 300 pieds de large vers son embouchure. Ce bras de mer a un flux et reflux régulier, et peut recevoir des vaisseaux du port de 250 tonneaux. Entre le bras de mer et une petite rivière qui coule sur une ligne parallèle, à un quart de mille, est une plaine carrée bordée d'une côte sablonneuse, et terminée du côté de l'intérieur par une colline à pic, d'où l'on découvre le pays environnant et le détroit. De

l'autre côté du bras de mer, à droite, est une ville chinoise, régulièrement bâtie, et à gauche, par-delà la petite rivière, s'étend une plaine dont une partie a été désignée pour y élever une ville européenne. L'intérieur de l'île, qu'une inspection générale a fait trouver beaucoup plus grande qu'on ne le croyait d'abord, se compose de collines et de vallées. Le sol en est fertile. Des plantations de poivre, de gingembre et d'épices s'élèvent de toutes parts. Cette culture a même gagné les îles voisines, qui, au lieu de servir de repaire aux pirates', deviendront le séjour d'un peuple industrieux et civilisé.» L'auteur de cette lettre exprime son étonnement de voir une population si considérable de Malais, de Chinois, etc., occupés avec tant d'industrie à cultiver et à embellir un licu qui, pendant des siècles, a été couvert de forêts impénétrables. Singapour possède d'immenses avantages. En tout tems, les marchandises peuvent y être embarquées ou débarquées. Le bois s'y trouve en abondance; l'eau y est excellente; le sol gras et fertile, le climat très-sain, et les maladies fort rares. Le cholera morbus, ce fléau du monde oriental, ne s'y est montré que quelques jours, tandis qu'il ravageait toutes les contrées voisines, entre autres, Malaca et Lingen. Un Anglais, qui se rendait en Chine, fit une halte à Singapour, et fut si charmé de cette île, qu'il résolut de s'y établir à son retour de la Chine, au heu de retourner en Angleterre. Il a fait effectivement l'acquisition d'une portion de terrain qu'il a planté de cafeyers. Les terres se vendent cher, et on en obtient difficilement. Les marchandises du Bengale et de la Chine, le poivre, la poudre d'or, le bétel, le thé, la porcelaine, etc., sont les principaux objets de commerce, et procurent un gain annuel. Lorsque l'on considère les ressources et les besoins de Siam, de la Cochinchine, de la Chine, il est difficile de calculer jusqu'où peut s'élever le commerce de Singapour, sorte de bazar de ces trois vastes royaumes. Le capitaine Ross, de la marine de Bombay, a donné une description exacte du port de Singapour, avec une carte géographique de l'île, du port et des pays voisins. L. Sw. BELLOC.

- Souscriptions en faveur de l'Irlande. — Le radjah d'Aoude a sous. crit pour 5000 roupies (12,500 fr.), et son ministre pour 2000 (5000 fr.), en faveur des malheureux Irlandais. La souscription se montait, le 22 décembre, à 1,177,977 roupies. (Gazette de Calcutta.)

MADRAS.-Nécrologie.-Lambton.-La Gazette de Madras, du 25 février, annonce la mort du lieutenant-colonel William Lambton, officier distingué dont les opérations géodésiques dans les Indes-Orientales sont mentionnées avec les plus grands éloges dans le Rapport de M. Fourier T. XIX.-Août 1823.

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sur les progrès des sciences mathématiques. (Voy. Revue Enc., Tom, XVIII, pag. 247.) Pendant vingt-deux ans, M. Lambton avait dirigé les travaux trigonométriques entrepris dans les possessions de la compagnie des Indes, pour dresser une carte exacte de ce vaste et important pays dont un grand nombre de lieux, même du premier ordre, laissaient encore des doutes par rapport à leur position géographique. Cette carte, exécutée avec un soin remarquable, va être incessamment rendue publique. Quoique M. Lambton fût assisté dans ses travaux par plusieurs autres officiers de mérite, il s'était réservé les opérations les plus difficiles pour mesurer avec précision un arc du méridien depuis le cap Comorin, ou latitude 8° 23' 10", jusqu'à la latitude 21 o 6', près la ville d'Ellichpore, distance plus considérable que celle qui a été mesurée de concert par les géomètres anglais et français entre les parallèles de Greenwich et de Formentera (île de Minorque). Il cût même désiré continuer personnellement ces opérations jusqu'à Agra, et les faire porter ensuite à travers le Dooab et les monts Himalaya jusqu'au 32o degré de latitude septentrionale; mais sa santé, ni son âge déjà très-avancé, n'auraient suffi à une entreprise qui eût surpassé en étendue, en hardiesse et en importance tous les travaux de la même nature entrepris précédemment. Les résultats des recherches et des observations de M. Lambton sont en grande partie consignés dans les Annales de la Société asiatique et d'autres Sociétés savantes. Il a été enlevé par la mort au milieu de ses importantes occupations, le 20 janvier dernier, à Hingin-Ghaut, en sc rendant de Hydrabad à Nagpour. H-s.

AFRIQUE.

Fez. - Voyage scientifique. — Une lettre de M. Belzoni, datée de cette ville (5 mai) renferme les détails suivans. « Dans la courte lettre que je vous écrivis de Tanger, le 10 avril, je vous apprenais que j'avais eu la permission de l'empereur de Maroc, de pénétrer dans ses états jusqu'à Fez, et que j'avais l'espoir d'obtenir qu'on me laissât avancer plus loin vers le sud. J'ai grand plaisir à vous faire savoir mon arrivée dans cette dernière ville. J'ai mis dix jours à venir de Tanger, accompagné de ma femme qui n'a pas encore voulu me quitter. Hier, j'eus l'honneur d'ètre présenté à l'empereur, qui me reçut fort bien. Un hasard, très-heureux maintenant pour moi, m'avait fait rencontrer au Caire le premier ministre de S. M., revenant de la Mecque. Cette circonstance a fait beaucoup en ma faveur, et m'a aidé à obtenir la permission de me joindre à la caravane qui partira dans un mois pour Tombuctou. S'il ne m'arrive rien de fâcheux, je compte, en partant d'ici, traverser les

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