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dans les bergeries où couchent les valets de ferme et les bergers, qui cependant sont des hommes sains et vigoureux. Il recherche ensuite quels peuvent être ces principes d'une nature particulière et spécifique qui échappent à l'analyse chimique, quoique leur présence soit attestée par la manière dont ils affectent nos sens. Il observe que les substances animales en putréfaction développent presque toutes une odeur particulière que certaines personnes sont purgées par la seule odeur des médicamens purgatifs : que l'embonpoint des bouchers et des cuisiniers est entretenu par les émanations des viandes crues ou cuites, etc.; il faut donc convenir que les principes morbifiques de l'air des marais sont quelques parties des substances animales et végétales décomposées et qui passent dans l'air. Il cite à l'appui de cette propriété délétère de certaines émanations putrides, le fait arrivé à Dijon, dans une église ou l'on faisait une inhumation : une bierre entr'ouverte par mégarde, laissa échapper une vapeur infecte dont le fossoyeur fut suffoqué sur-le-champ.

L'auteur est loin d'attribuer toutes les épidémies aux effluyes marécageux. Suivant lui, chacune de ces maladies paraît avoir un virus particulier, un germe spécifique. Ainsi, la gale, la rage, la fièvre jaune, etc., dépendent de principes qui ne peuvent engendrer d'autres maladies que celle qui les

caractérise.

La cinquième partie est consacrée à la recherche des moyens propres à détruire les miasmes marécageux, et à remédier à leurs pernicieux effets : l'auteur l'a divisée en deux chapitres, dont le premier est dirigé contre la cause du mal, et le second en indique les remèdes.

Premier chapitre. On détruit leş marais en les desséchant, en les submergeant, en les comblant. Le premier moyen est le plus souvent employé, lorsque la pente du terrain le permet: les deux ou trois premières années qui suivent

cette opération, sont plus meurtrières que ne l'était le marais lui-même. Si le terrain est trop bas pour que ses eaux puissent s'écouler, on peut quelquefois le tenir constamment sous l'eau, le convertir en étang; enfin, si l'une et l'autre opération étaient impraticables, le plus sûr et le meilleur parti serait de combler ces marais funestes; mais cette voie est la plus lente et la plus dispendieuse (1).

Les moyens de désinfecter l'air sont, comme nous l'avons dit, le sujet du second chapitre. L'un de ces moyens, c'est le feu. On a fait cesser des épidémies, en brûlaut une grande quantité de matières végétales un peu mouillées. On remarque que les flammes du Vésuve purifient l'air des lieux circonvoisins. Le feu agit là comme ventilateur, comme renouvelant l'air, et remplaçant l'atmosphère suspecte ou viciée par une autre plus pure. Un autre moyen de neutraliser l'infection, c'est de faire entrer les substances putrescibles dans une combinaison chimique. La chaux vive a produit cet effet sur une habitation de Saint-Domingue : à Montfaucon, le plâtre opère le même effet, et absorbe les gaz méphitiques, en même tems qu'il forme l'engrais terreux nommé urate.

L'expérience a prouvé que les plantations, la culture, et en général, la végétation, source abondante d'oxygène, contribuent beaucoup à purifier l'air (2); que les forêts opposent un mur impénétrable aux exhalaisons des marais, et préser

(1) L'auteur aurait pu parler du travail, exécuté au commencement du siècle dernier, par lequel on a comblé l'étang de Marseillette, vaste marais près de l'Aude, dans le département de ce nom. Ce procédé avait l'avantage d'assainir cette contrée, et de former peu à peu des attérissemens qui ont converti cet étang en terres d'une fertilité admirable.

(N. d. R.)

(2) Ce moyen suppose que le terrain a été préalablement desséché : mais, après le desséchement, le marais a disparu, et l'assainissement est terminé.

(N. d. R.)

vent des pays qui, sans cet obstacle, seraient sous leur dangereuse influence. Il est aussi reconnu qu'il faut éloigner les sépultures des lieux habités, surtout des églises, quoiqu'une autorité imposante, M. de Châteaubriand, défende encore cet ancien usage en faveur de ceux pour lesquels il fut établi. L'auteur oppose à ce célèbre écrivain l'événement de Dijon dont il a déjà parlé. L'odeur qui se répandit fut si fétide, que tous les assistans prirent la fuite. De 120 jeunes gens des deux sexes, que l'on préparait alors à des exercices religieux, 114 tombèrent malades, et 18 en moururent.

Quant aux moyens à employer dans les lieux fermés, où l'on ne peut pratiquer aucune ventilation, M. Julia condamne celui qu'une longue tradition avait consacré chez nous, et dont l'effet se bornait à masquer par des vapeurs odoriférantes la fétidité de l'air vicié. Mais notre auteur ne désapprouve pas une pratique des indigènes de la Floride : ces sauvages brûlaient le corps de leurs médecins, et s'en distribuaient les cendres; ils regardaient ces reliques comme un préservatif contre les maladies. Molière. aurait dit que ces médecins deviennent enfin utiles après leur mort.

L'auteur croit peu aux prétendus bons effets de la détonation de la poudre, du vinaigre des quatre voleurs, de l'acide sulfureux, etc. Il s'en tient, avec Guyton-Morveau, à l'acide acétique concentré, et surtout au chlore, le plus efficace de tous les anti-contagieux.

L'auteur a terminé ce chapitre par des conseils aux habitans des pays marécageux. Il les engage à éviter, la nuit, l'approche des marais, à ne pas s'exposer à l'impression subite du froid et de l'humidité, à suivre un régime régulier, à ne prendre que des alimens sains, faciles à digérer, à ne boire du vin que modérément et fort peu de liqueurs, à fuir la tristesse, à éviter l'excès des plaisirs, y compris ceux de l'amour, les bains chauds trop fréquens, en un mot, tout ce qui

peut affaiblir le corps; à observer la plus grande propreté, à se laver souvent les mains et le visage avec de l'eau froide, et à ne pas sortir à jeun, avant le lever du soleil. Dans les villes de ces pays, il recommande aux magistrats de faire balayer souvent les rues, laver les ruisseaux, inonder les égouts et enlever les immondices (1).

que

CONCLUSION. D'après ses expériences et celles de ses devanciers, M. Julia croit pouvoir établir ainsi les doctrines relatives aux gaz ou exhalaisons pernicieuses des marais. 1o La nature de ces gaz nous est inconnue. Il y a tout lieu de croire leur effet délétère tient à une portion de substance animale ou végétale, putréfiée, dissoute ou entraînée par les gaz. 2o L'air des marais ne diffère de l'air atmosphérique par aucun principe dont l'analyse chimique puisse constater l'existence. 3° Aucun des gaz dégagés des corps en putréfaction, ne s'y montre en quantité sensible. 4° C'est par erreur que les maladies, causées par l'air marécageux, ont été attribuées à la prédominance de l'azote, de l'hydrogène carboné, de l'ammoniaque, etc. 5o Ces matières, même dans l'état de pureté, ne causent que des accidens momentanés, comme gaz non respirables, et ne sont suivis d'aucune maladie; à plus forte raison, lorsqu'ils sont en quantité imperceptible dans l'air atmosphérique, on ne peut leur attribuer aucun effet.

Cet ouvrage est certainement le plus complet que nous ayons sur la question proposée par l'académie de Lyon, et justifie les suffrages de cette Société savante.

B.

(1) Tous ces préceptes sont très-bons à suivre dans tous les pays, marécageux ou non.

ÉLOQUENCE JUDICIAIRE ET PHILOSOPHIE LÉGISLATIve.

OEUVRES de P. L. LACRETELLE aîné, membre de l'ancien Institut, et actuellement de l'Académie française.

L'auteur avait déposé, dans la préface de la première édition de ses ouvrages judiciaires et législatifs, le vœu d'appliquer par de beaux exemples l'esprit philosophique à l'étude des lois et le talent littéraire aux sujets du barreau, sans méconnaître les rapports et les règles justes et heureuses de cette union. Il avait désiré qu'il lui fût donné d'ôter aux gens du monde cette fausse idée, que les discussions sur les lois n'offrent rien qui puisse attacher leur esprit, et que toutes les causes qui se traitent au barreau doivent s'ensevelir dans ses archives. Il espérait concourir à persuader aux gens de lettres qu'il y a un fond de vues sociales dont la source n'est que dans la méditation des lois positives; que la philosophie d'un siècle manque à l'une de ses plus belles tâches, tant qu'elle dédaigne le perfectionnement de la législation civile; qu'il importe à leur gloire, lorsque de riches matières pour le talent de penser et d'écrire commencent déjà à s'épuiser, de s'ouvrir enfin ce champ presque neuf encore, et immense de sa nature. Son intention était aussi de rappeler aux hommes du barreau, que la science qu'ils cultivent est trop liée à celles qui l'avoisinent, pour marcher à part; qu'elle a beaucoup à leur emprunter, beaucoup à leur fournir; qu'elle est trop belle pour se passer de

(1) Paris, 1823; Bossange frères, rue de Seine, no 12.Trois vol. in-8°; prix, 21 fr.

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