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Pour ce qui concerne les autres attributions que cette loi leur confère, le juge de paix du domicile du défendeur est le seul compétent pour en connaître. L'article 3 leur attribuant la connaissance des loyers et fermages d'une certaine valeur, on pourrait, par argument de l'article 3, no 4, du Code de procédure, dire que c'est devant le juge de paix de la situation de la maison ou du domaine affermé, que les actions dont il s'agit devront être portées; mais si le Code de procédure l'a réglé ainsi pour les indemnités, dégradations et réparations locatives, c'est que, comme on vient de le dire, les demandes de cette nature exigent des visites et appréciations qu'il était naturel de confier au juge des lieux. Pour ce qui concerne le paiement des loyers, il n'existe aucun motif semblable; on ne voit donc pas pourquoi les actions relatives à cet objet sortiraient de la règle générale qui attribue, au juge du domicile du défendeur, la connaissance des actions personnelles.

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Cependant, M. Giraudeau, dans le petit commentaire qu'il a publié sur la loi, page 72, prétend que les actions dont il s'agit doivent toujours être portées devant le juge de la situation de l'immeuble. Il fonde cette décision sur un passage du discours de M. Amilhau, passage dans lequel ce rapporteur se borne à faire remarquer, que les contestations relatives aux ⚫loyers appartiendront principalement aux juges de paix des villes, qui connaissent les usages et règles de cette matière; ‣ et les questions sur les fermages, plus souvent de fait que de ⚫ droit, seront dévolues aux juges de paix des cantons ruraux › qui sont sur le lieu du litige, et ont, sur ces matières, des › lumières pratiques dont beaucoup de personnes éclairées dans ⚫ les villes se trouvent dépourvues. Mais cette observation n'a eu d'autre but que celui de justifier la nouvelle attribution confiée aux juges de paix, relativement aux loyers et fermages. Comment serait-il possible d'en faire résulter une dérogation au principe général, suivant lequel toutes les actions personnelles doivent être portées devant le juge du domicile du défendeur, à moins qu'il n'existe dans la loi une disposition contraire? C'est ainsi que sont actuellement dirigées les actions relatives aux baux, et que continueront de l'être, devant les tribunaux ordinaires, les demandes en paiement de loyers et

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fermages de plus de 400 fr. à Paris et de 200 fr. dans les provinces. Pourquoi en serait-il autrement de celles dont la connaissance est attribuée aux juges de paix, dès l'instant que la loi nouvelle ne fait aucune exception, pour ce cas, à la règle actor sequitur forum rei?

Au surplus, la plupart des demandes de cette nature pourront être précédées d'une saisie-gagerie, et, comme on le verra plus loin, la saisie attribue juridiction au juge des lieux où elle est pratiquée.

Il serait inutile de s'étendre davantage sur la nature des diverses actions; on reviendra sur cette matière, en discutant séparément chacune des attributions des juges de paix.

S II.

Des exceptions.

11. Le mot exception, qui vient du latin excipere et qui signifie exclure, s'applique, en général, à tous les moyens tendant à détruire ou à paralyser la demande.

Les exceptions se divisent en déclinatoires, dilatoires et péremptoires.

12. L'exception déclinatoire, ainsi appelée du latin declinatorius, QUI TEND A ÉVITER, a lieu lorsque l'affaire n'est pas de la compétence du juge devant lequel elle est portée. Les développements qu'exige cette exception seront traités dans le § 4 de la section suivante, relatif à l'incompétence.

13. L'exception dilatoire est celle qui, sans exclure la demande, tend à en différer la poursuite. Par exemple, l'héritier, la veuve ou la femme séparée, assignée comme commune, peuvent opposer le délai que la loi accorde pour faire inventaire et délibérer; celui qui serait cité par un étranger pourrait le requérir de fournir la caution judicatum solvi, avant de passer outre. On peut considérer aussi comme exception dilatoire, la demande en sursis, afin de faire décider, par l'autorité compétente, une question préjudicielle qui s'élève dans une affaire dont le juge de paix est d'ailleurs légalement saisi, au fond. 14. Les exceptions péremptoires, du mot latin perimere, sont

celles qui tendent à éteindre, à étouffer, en quelque sorte, l'action ou seulement l'instance.

Ainsi les exceptions péremptoires sont de deux sortes : les unes, sans détruire l'action, tendent à établir qu'elle a été mal intentée : telle serait, par exemple, l'exception fondée sur la nullité de la citation à paraître devant le juge de paix. L'exception de ce genre n'aurait pour objet que de faire tomber l'instance, ce qui n'empêcherait pas de renouveler l'action; la nullité même serait couverte, si elle n'était proposée avant toute défense ou exception autre que celle d'incompétence. Sur quoi il est à observer que, dans les justices de paix, l'exception résultant d'un vice de forme doit être difficilement accueillie, attendu que la loi ne prononce aucune peine de nullité; et le Code de procédure séparant entièrement la manière de procéder devant les justices de paix, de celle établie pour les tribunaux d'arrondissement, on ne peut, par analogie, appliquer aux formes que prescrit le livre 1" de ce Code, les peines de nullité qui se trouvent dans le livre 2. Cependant il est des formalités qui tiennent à l'essence même de l'acte, et dont l'inobservation peut entraîner la nullité, de plein droit. Tel serait le défaut d'indication du demandeur, du défendeur, du juge, de l'objet de la demande, ces formalités étant indispensables pour mettre la partie à même de paraître. En cas de défaut, le juge de paix doit même vérifier s'il n'y a pas cu omission de l'une de ces formalités substantielles, cas auquel il devrait ordonner au demandeur d'assigner de nouveau; mais si le défendeur comparait, alors quelque irrégulière que soit la citation, elle a rempli son but; l'assigné, à ce qu'il nous semble, serait d'autant moins fondé à proposer la nullité, que, d'après l'article 7, les parties peuvent comparaître volontairement devant le juge de paix.

15. Quant aux exceptions péremptoires qui ne tiennent point aux formes de la procédure, elles ne tendent pas seulement à faire tomber l'instance, mais à proscrire totalement l'action. On peut ranger, dans cette classe, tous les moyens à opposer contre le fond de la demande, tels que ceux résultant du défaut de qualité du demandeur, de ce qu'il est sans titre, ou muni d'un titre nuls de ce que la dette dont il réclame le paiement aurait

été acquittée, par voie de compensation, ou de toute autre manière; de ce qu'elle est éteinte par la prescription, etc., etc. Ces exceptions, qui tiennent au fond, ne se couvrent point par la proposition d'autres moyens de défense; elles peuvent être opposées en tout état de cause.

SECTION II.

DE LA COMPÉTENCE.

SOMMAIRE.

1. Définition. Diverses sortes de compétence des juges de paix. SIer. De la compétence extrajudiciaire. —2. De la conciliation. — 3. Attributions non contentieuses, déférées aux juges de paix par les Codes. 4. Autres attributions que leur confèrent diverses lois spéciales.

§ II. De la compétence judiciaire des juges de paix en matière civile. — 5. Elle est ordinaire ou extraordinaire. — 6. Leur compétence en matière de douanes. Forme de procéder. 7. En matière d'octrois. - 8. Attributions conférées aux juges de paix, en ce qui concerne les chemins vicinaux, par la loi du 21 mai 1836. 9. Compétence de l'administration. 10. Compétence du jury d'expropriation dont le juge de paix peut être nommé directeur.11. Cas auquel c'est à lui à fixer l'indemnité.— 12. Difficultés que présente, à cet égard, l'art. 15 de la loi. Leur solution.

S III. Du déclinatoire ou de l'incompétence. -13. L'incompétence relative se couvre, dans les justices de paix, par la défense au fond. 14. Il en est autrement de l'incompétence absolue. — 15. Si la demande surpasse la somme à laquelle est bornée la compétence des juges de paix, l'incompétence est absolue.-16. Alors, le tribunal supérieur ne peut pas évoquer, quoique compétent pour statuer, comme juge de première instance. 17. Le tribunal civil ne pourrait juger une action possessoire, en premier ressort. — 18. Son incompétence à l'égard des actions personnelles attribuées aux juges de paix est-elle absolue?

S IV. De la prorogation de juridiction. - 19. Lois de la matière.-20. En matière réelle, la compétence des juges de paix ne peut être prorogée; secùs, en matière personnelle. - 21. Le consentement tacite des parties ne suffit pas, il faut une espèce de compromis; cependant le juge de paix ne statue pas comme arbitre; le jugement rendu en vertu de prorogation emporte hypothèque. -22. La prorogation du juge de paix, si elle n'est que pour le premier ressort, entraîne celle du tribunal d'appel. 25. Pour proroger, il faut avoir la libre disposition de ses droits.-24. Le juge n'est

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