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victime, & le promet aux dieux. Cependant une crife favorable rend la fanté au prince. Il apprend avec un attendriffement mêlé d'admi-ration & de douleur, le vœu de la reine, & ne peut le réfoudre à conferver fa vie au prix de celle de fon époufe. Elle ya néanmoins, à l'autel de la mort accomplir fon facrifice: l'amour abforbe en elle tout autre fentiment: elle implore les divinités infernales: Admere veut mourir à fa place; Alceste se livre au trépas. Le peuple croit avoir perdu ces deux époux, & fa douleur eft des plus vives; mais Apollon, dans un char, defcend avec eux, & les rend aux vœux de leurs fujets. Cette piece a été fort applaudie... des uns, & peu goûtée des autres.

Le 9 Mai, on joua, pour la premiere fois, fur les théâtre italien, le Mai, opéra comique en vaudevilles & profe, & en 3 actes. Un bour-. geois ridiculement entêté d'un poëte tragique d'un muficien, & d'un joli compofiteur d'ariettes, yeut donner à fa fille celui de ces trois Mef-fieurs qui lui présentera le plus beau mai, c'est-. à-dire, le meilleur ouvrage dans fon genre. La jeune perfonne, fans confulter fon bon homme de pere, & avant fa propofition, s'eft éprise pour un nommé Dorval, pourvu de tous les talens, puifqu'il a celui de plaire. Ce Dorval a un oncle qui, voulant faire réuffir le mariage de fon neveu, forme le deffein de dégoûter les · virtuofes de leurs prétentions. Il engage l'amante de Dorval à feindre auprès de fon pere qu'elle eft réfolue à fe prêter à les vues, Les trois génies paroiffent enfemble, & donnent à la fois un échantillon de leur ridicule fçavoir-faire. M. Coftume prépare pour fon mai une tragédie, l'harmoniffe un grand opéra pathétique, & le troieme des fcenas de fentiment en ariettes. L'on

ete, déguifé, fe moque de leurs fublimes talens ce qui ne les empêche pas de mettre la derniere main à leurs productions. L'on eft fur le point d'en faire l'effai, lorsque tout-à-coup s'avance du théâtre une montagne repréfentant le Parnaffe, où les mufes font placées & chantent en chœur, & où l'on voit Apollon' pinçant fa lyre au milieu des neuf fœurs. Le poëte & le muficien croient que ce font leurs talens qui ont attiré tout le Parnaffe dans le jardin du bourgeois, qui s'extafie en voyant Apollon de fi près. Ce dieu defcend avec les mufes, & déclare qu'il vient éclairer le choix que doit faire la jeune perfonne. Ne confentez-vous pas, dit il au pe-re, que celui qui pourra préfenter à votre fille la palme placée au-deffus de cette montagne, devienne fon époux ? Le bonhomme confent à tout: auffi-tôt les trois concurrens graviilent au haut du mont, & arrivent, à point nommé, à trois endroits différens, où une trape les fait difparoitre. Ce prodige confond le pere; & tandifqu'on entend les gémiflemens des trois hom-mes encagés, Apollon fe faifit de la palme & la préfente à fon amante; car c'eft Dorval, qui ne fe fait connoitre qu'après que le bourgeois a prononcé que fa fille étoit à lui. Lorfqu'il eft défabufé, il veut fe retracter; mais on l'éclaire fur la fottife des gens dont il étoit le ridicule admirateur, & il fe rend. Le fuccès de cer opéra comique a été médiocre..

On repréfenta pour la premiere fois, le 13 da même mois, fur le théâtre françois, l'Ecole des mœurs, comédie en vers & en's actes. Mylord Wilfon a ea d'un premier mariage deux fils, Charles & James. Il a épouié en fecondes nôces une femme aimable & digne de fon eftine mais la légereté de fa proprè conduite l'a

éloigné d'elle. Dulens, vieillard refpe&table, gouverneur de fes enfans, a une fille, jeune & jolie, appellée Henriette, & Mylor lui a permis de l'élever dans fa maifon. Charles, libertin déterminé, forme le projet, avec fes infames amis, d'enlever Henriette pendant la nuit : il propofe à fon frere d'être de la partie; mais James eft honnête; il aime véritablement cette jeune perfonne, dont il eft aimé, & il rejette une propofition auffi odieufe. Mylord, de fon côté, a conçu une paffion criminelle pour la fille du gouverneur, il lui en fait l'aveu; elle s'éloigne auffi-tôt, & va tout conter à fon pere. Le vertueux Dulens, non moins indigné que fa fille, annonce à Wilfon qu'il est décidé à se retirer avec elle: afin d'accommoder une affaire peu honorable pour Charles, il s'étoit engagé à payer dans le jour 100 louis; Mylord, qui a déjà ordonné à fon valet de retirer le billet du gouverneur, le charge de mettre quelque obftacle à fon départ. Le valet, fans rien dire imagine de fe fervir pour cela, du billet, qu'il n'a point encore rendu à Dulens; il va le négocier; & au moment que le vieillard s'éloigne avec fa fille, un coneftable l'arrête, &, faute d'argent, le traîne en prifon. Le geolier, attendri, fe rend garant de la dette du gouverneur, & lui procure ainfi la liberté. Charles & Wilfon ignorent l'élargiffement de Dulens : ils difposent tout, chacun de leur côté, avec leurs amis, pour enlever Henriette à l'entrée de la nuit; mais elle a le bonheur de leur échapper. Sans fe connoitre & fans fe voir, les raviffeurs des deux partis, en fe difputant leur proie, avoient pris les armes les uns contre les autres. Mylord tombe, percé d'un coup d'épée, par fon fils Charles, qui le pourfuit; mais fa bleffure n'eft pas mortelle. Ses remords fur fa cong

duite, ainfi que ceux de Charles, terminent cette comédie, qui paroit avoir révolté tous les fpec

tateurs.

GRANDE-BRETAGNE.

Le parti de la cour de Londres eft dominant dans les deux chambres du parlement britannique, où tout fe décide au gré des miniftres, qui ont réfolu de vaincre la résistance des Américains par la force des armes. Les partisans de l'oppofition ont fait jufqu'à présent de vains efforts pour éteindre le flambeau de la guerre civile qui menace les colonies de l'Amérique feptentrionale d'un embrafement général. La derniere adreffe qu'ils ont présentée au roi à ce fujet, n'a produit aucun effet. Nous l'avons annoncée dans la 2me Quinz. d'Avril, p. 67: elle. étoit conçue en ces termes :

Très-gracieux fouverain,

Nous, lord-maire, échevins & bourgeois de la cité de Londres, prenons la liberté d'approcher de votre trône & de requérir l'attention royale de V. M., pour lui expofer, avec le respect qui convient à de fideles sujets, la fenfation que nous caufent l'efprit & le but des mefures publiques que l'on a adoptées. L'état de foibleffe dans lequel le départ des troupes nationales va laiffer notre patrie, ne nous donne pas moins d'inquiét de que les dangers attachés aux derniers traités conclus pour la levée de mercenaires étrangers, & qui paroiffent préparer les moyens d'introduire une armée étrangere dans -le cœur de ce royaume.

Nous ne pouvons, Sire, envifager fans effroi le démembrement de la chofe publique, l'accroiffement de la dette nationale & des taxes exorbitantes, la perte des reffources les plus précieufes de la nation, la ruine de nos marchands & de nos manufactures, l'effufion du fang de nos concitoyens & de nos freres, la décadence du crédit public, enan toutes ces calamités effrayantes, ces convulfions qui doivent fuivre une guerre civile commencée & continuee fous de facheux aufpices, & dont en ne peut prévoir la durée,

e,.

Aucun peuple ne peut être forcé à facrifier à la pro tection & à la dépendance fes droits & fa liberté. Les colonies ont combattu avec nous, & dans la derniere guerre elles fe font furpaffées à un tel point que la Grande-Bretagne a cru jufte & néceffaire de leur accor der une compenfation annuelle. Aujourd'hui même, obligées de prendre les armes pour leur propre défense, elles confentent, au cas que leurs chartes foient invariablement affurées, à continuer de nous céder tous les avantages d'un commerce régulier & exclufif qui a fait fi longtems notre opulence & notre profpérité. Nous avons toutes les affurances que des hommes dans leur fituz. tion peuvent donner, que fi-l'on s'adreffe à eux comme à un peuple libre, leur bonne volonté ira encore plus loin. Ils donneront tous les fecours qui feront en leur pouvoir pour rétablir les finances épuifées de la nation, pourvu que leurs contributions foient appliquées à répa rer tous ces maux felon les vues d'une fage politique, & que ni leurs fecours, ni les fonds d'amortillement ne foient plus détournés de l'utilité publique & du paie-ment des dettes, objets auxquels ils avoient été deftinės avec tant de juftice dans leur premiere inflitution.

Livrez-vous feulement, très-gracieux fouverain, à l'humanité & à la bonté de votre cœur royal, & nos prie-res feront exaucées. Nous implorons pour ce continent la juftice & la compaffion que V. M s'eft déterminée à préférer à toute autre compenfation pour les dépenfes de la guerre derniere, lorfqu'elle étoit l'arbitre des conditions de la paix.

Nous fupplions humblement & inftamment V. M. de fpécifier fans ambiguité & d'une maniere claire, diftinée& folemnelle, quelles font les conditions juftes & honorables qu'elle fe propofe, de concert avec les deux chambres du parlement, d'accorder aux colonies, avant de fe déterminer à envoyer contr'elles un fi terrible armement. Toute ombre, tout foupçon d'injuftice & d'oppreffion feront alors éloignés des procédés de la métropole; & fi ces conditions juftes & honorables ne font pas acceptées, V. M. fera certainement en état de trouver dans les cœurs zélés & dans les mains d'un peuple brave, loyal & uni, les moyens d'étouffer une rébellion pour lers manifefte..

Lés tentatives faites par les partifans de l'op pofition dans le parlement d'Irlande n'ont pas a eu plus de fuccès que dans celui d'Angleterre

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