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quelquefois par de fimples jugemens de police, ou même par le feul ufage.

Enfin, l'habitude prévalut de regarder ces entraves mifes à l'induftrie, comme un droit commun.

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Le gouvernement s'accoutuma à fe faire une reffource de finance des taxes impofées fur les communautés, & de la multiplication de leurs privileges.

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Henri III donna, par fon édit de Décembre 1581, à cette inftitution, l'étendue & la forme d'une loi généra le. Il établit les arts & métiers en corps & communautés dans toutes les villes & lieux du royaume. Il affujettit à la maîtrife & à la jurande tous les artifans. L'édit d'Avril 1597 en aggrava encore les difpofitions, en affujettiffant tous les marchands à la même loi que les artifans. L'édit de Mars 1673, purement burfal, en ordonnant l'exécution des deux précédens, a ajouté, au nombre des communautés déjà exiftantes, d'autres communautés jufqu'alors inconnues.

La finance a cherché de plus en plus à étendre les reffources qu'elle trouvoit dans l'exiftence de ces corps. Indépendamment des taxes des établiffemens de communautés & de maîtrifes nouvelles, on a créé dans les communautés des offices fous différentes dénominations ; & on les a obligées de racheter ces offices au moyen d'emprunts qu'elles ont été autorifées à contracter, & dont el les ont payé les intérêts avec le produit des gages ou des droits qui leur ont été aliénés.

C'eft, fans doute, l'appât de ces moyens de finance qui a prolongé l'illufion fur le préjudice immenfe que l'exiftence des communautés caufe à l'induftrie, & fur l'atteinte qu'elle porté au droit naturel.

Cette illufion a été portée chez quelques perfonnes jufqu'au point d'avancer, que le droit de travailler étoit un droit royal, que le prince pouvoit vendre, & que les fujets devoient acheter.

Nous nous hátons de rejetter une pareille maxime.

Dieu, en donnant à l'homme des befoins, en lui rendant néceffaire la reffource du travail, a fait du droit de travailler, la propriété de tout homme; & cette propriété eft la premiere, la plus facrée & la plus imprefcripti ble de toutes.

Nous regardons comme un des premiers devoirs de notre juftice, & comme un des actes les plus dignes de notre bienfaisance, d'affranchir nos fujets de toutes les ́atteintes portées à ce droit inalienable de l'humanité :

Nous voulons en conféquence abroger ces inftitutions are bitraires, qui ne permettent pas à l'indigent de vivre de fon travail, qui repouffent un fexe à qui fa foibleffe a donné plus de befoins & moins de reffources, & femblent, en le condamnant à une mifere inévitable, seconder la féduction & la débauche; qui éloignent l'émulation & l'indufirie, & rendent inutiles les talens de ceux que les circonftances excluent de l'entrée d'une communauté; qui privent l'état & les arts de totes les lu mieres que les étrangers y apporteroient; qui retardent le progrès des arts par les difficultés multipliées que rencontrent les inventeurs, auxquels différentes communautés difputent le droit d'exécuter des découvertes qu'el les n'ont point faites; qui, par les frais immenfes que les artifans font obligés de payer pour acquérir la faculté de travailler, par les exactions de toute efpece qu'ils effuient, par les faifies multipliées pour de prétendues contraventions, par les dépenfes & diffipations de tout genre, par les procès interminables qu'occaSonnent entre toutes ces communautés leurs prétentions refpe&tives fur l'étendue de leurs privileges exclufifs, furchargent l'induftrie d'un impôt énorme onéreux aux fujets, fans aucun fruit pour l'état; qui enin, par la facilité qu'elle donne aux membres des communautés de fe liguer entre eux, de forcer les membres les plus pauvres à fubir la loi des riches, deviennent un inftrument de monopole, & favorifent des manceuvres dont l'effet eft de hauffer au deffus de leur proportion naturelle, les denrées les plus néceffaires à la fubfiftance du peuple.

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Nous ne ferons point arrêtés dans cet acte de juftice par la crainte qu'une foule d'artifans n'ufent de la liberté rendue à tous pour exercer des métiers qu'ils ignorent, & que le public ne foit inondé d'ouvrages mal fabriqués: la liberté n'a point produit ces ficheux effets dans les lieux où elle est établie depuis longtems. Les ouvriers des faubourgs & des autres lieux privilégiés ne travaillent pas moins bien que ceux de l'intérieur de Paris. Tout le monde fçait d'ailleurs combien la police des jurandes quant à ce qui concerne la perfection des ouvrages, eft illufoire & que tous les membres des communautés étant portés par l'efprit du corps à fe foutenir les uns les autres, un particulier qui fe plaint, fe voit prefque toujours condamné, & fe laffe de pourfuivre de tribunaux en tribunaux une juftice plus difpendieufe que l'objet de fa plainte.

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Ceux qui connoiffent la marche du commerce fçavent auffi que toute entreprife importante de trafic ou d'induftrie, exige le concours de deux efpeces d'hommes d'entrepreneurs qui font les avances des matieres premieres, des uftenfiles néceffaires à chaque commerce, & de fimples ouvriers qui travaillent pour le compte des premiers, moyennant un falaire convenu. Telle eft la vé ritable origine de la diftin&tion entre les entrepreneurs ou maitres, & les ouvriers ou compagnons, laquelle eft fondée fur la nature des chofes, & ne dépend point de l'inftitution arbitraire des jurandes. Certainement ceux qui emploient dans un commerce leurs capitaux, ont le plus grand intérêt à ne contier leurs matieres qu'a de bons ouvriers, & l'on ne doit pas craindre qu'ils en prennent au hafard de mauvais, qui gåteroient la marchandise & rebuteroient les acheteurs; on doit préfumer auffi que les entrepreneurs ne mettront pas leur fortune dans un commerce qu'ils ne connoitroient point affez pour être en état de choisir les bons ouvriers, & de furveiller leur travail. Nous ne craindrons donc point que la fuppreffion des apprentiffages, des compagnonages & des chefs-d'œu vre, expofe le public à être mal fervi. Nous ne craindrons pas non plis que l'affluence fubite d'une multitude d'ouvriers nouveaux ruine les anciens, & occafionne au commerce une fecuiffe dangereufe.

Dans les lieux où le commerce eft'e plus libre, le nom bre des marchands & des ouvriers de tout genre eft tou jours limité, & néceffairement proportionné aux befoins, c'est-à-dire, à la confommation. Il ne paffera point cette proportion dans les lieux où la liberté fera rendue; aucun nouvel entrepreneur ne voudroit rifquer fa fortune en facrifiam fes capitaux à un établiffèment dont le fuc cès pourroit être douteux, & où il auroit à craindre la concurrence de tous les maitres actuellement établis, & jouissant de l'avantage d'un commerce monté & achalandé.

Les maitres qui compofent actuellement les communautés, en perdant le privilege exclufif qu'ils ont comme vendeurs gagneront, comme acheteurs, à la fuppreffion du privilege exclufif de toutes autres communautés : les artifans y gagneront l'avantage de ne plus dépendre, dans la fabrication de leurs ouvrages, des maitres de plufieurs autres communautés, dont chacun réclamoit le privilege de fournir quelques pieces indifpenfables: les marchands y gagneront de pouvoir vendre tous les affort:mens accelloires à leur principal commerce. Lès uns & les aures y gagneront furtout de n'être plus dans la dépen

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dance des chefs & des officiers de leur communauté, n'avoir plus à leur payer des droits de vifite fréquens; d'être affranchis d'une foule de contributions pour des dépenfes inutiles ou nuifibles frais de cérémonie, de repas, d'affemblées & de procès auffi frivoles par leurs objet, que ruineux par leur multiplicité.

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En fupprimant ces communautés pour l'avantage géné ral de nos fujets, nous devons à ceux de leurs créanciers légitimes qui ont contracté avec elles fur la foi de leur exiftence autorifée, de pourvoir à la fureté de leurs créance.

Les dettes des communautés font de deux claffes ; les unes ont eu pour caufes les emprunts faits par les communautés dont les fonds ont été verfés en notre tréfor royal, pour l'acquifition d'offices créés qu'elles ont réumis. Les autres ont pour caufe les emprunts qu'elles ont été autorisées à faire pour fubvenir à leurs propres dépenfes de tout genre.

Les gages attribués à ces offices, & les droits que les communautés ont été autorifées à lever, ont été affectés jufqu'ici au paiement des intérêts des dettes de la premiere claffe, & même en partie au remboursement des capitaux. Il continuera d'être fait fonds des mêmes gages dans nos états, & les niémes droits, qui continueront d'être levés en notre nom, pour être affectés au paiement des intérêts & capitaux des ces dettes jufqu'à parfait rembourfement. La partie de ce revenu qui étoit employée par les communautés à leurs propres dépenfes, fe trouvant libre, fervira à augmenter les fonds d'amortissement que nous deftinerons au rembourfement des capitaux.

A l'égard des dettes de la feconde claffe, nous nous fommes affurés, par le compte que nous nous fommes fait rendre de la fituation des communautés de notre bonne ville de Paris, que les fonds qu'elles ont en caisse ou qui leur font dus, & les effets qui leur appartiennent, & que leur fuppreffion mettra dans le cas de vendre, fuffiront pour éteindre la totalité de ce qui refte à payer de ces dettes; &, s'ils ne fuffifoient pas, nous y pourvoirons.

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Nous croyons remplir par-là toute juftice envers les communautés; car nous ne penfons pas devoir rembourfer à leurs membres aduels les taxes qui ont été exigées d'elles de regne en regne, pour droit de confirmation ou de joyeux avénement. L'objet de ces taxes, qui fouvent ne font point entrées dans le tréfor de nos prédéceffeurs, a été rempli par la jouiffance qu'ont eu ces communau

tés de leur privilege pendant le regne fous lequel ces taxes ont été payées.

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Çe privilege a befoin d'être renouvellé à chaque regne; nous avons remis à nos peuples les fommes que nos pré, déceffeurs étoient dans l'ufage de percevoir à titre de joyeux avénement; mais nous n'avons pas renoncé au droit inaliénable de notre fouveraineté,de rappeller à l'examen des privileges accordés trop facilement par nos prédéceffeurs, & d'en refufer la confirmation, fi nous les jugeons nuifibles au bien de notre état, & contraires aux droits de nos autres fujets.

C'eft par ce motif que nous nous fommes déterminés à ne point confirmer, & à révoquer expreffément les privileges accordés par nos prédéceffeurs, aux communautés des marchands & artifans, & à prononcer cette révocation générale pour tout notre royaume, parce que nous devons la même juftice à tous nos fujets mais cette mê me juftice exigeant qu'au moment où la fuppreffion des communautés fera effectuée, il foit pourvu au paiement de leurs dettes, & les éclairciffemens que nous avons demandés fur la fituation de celles qui exiftent dans les différentes villes de nos provincès, ne nous étant point encore parvenus; nous nous fommes déterminés à fufpendre par un article particulier l'application de notre préfent édit aux communautés des villes de provinces, jufqu'au moment où nous aurons pris les me fures néceffaires pour pourvoir à l'acquittement de leurs dettes.

Nous fommes à regret forcés d'excepter, quant à préfent, de la libertê que nous rendrons à toute espece de commerce & d'induftrie, les communautés de BarbiersPerruquiers-Etuviftes, dont l'établiffement differe de celui des autres corporations de ce genre, en ce que les maîtrifes de ces profeffions ont été créées en titre d'office, dont les finances ont été reçues en nos parties ca fuelles avec faculté aux titulaires d'en conferver la propriété par le paiement du centieme denier. Nous fommes obligés de différer l'affranchiffement de ce genre d'induftrie jufqu'à ce que nous ayons pu prendre des arrangemens pour l'extinction de ces offices; ce que nous ferons auffi-tôt que la fituation de nos finances nous le permettra.

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Il eft quelques profeffions dont l'exercice peut donner lieu à des abus qui intéreffent ou la foi publique, ou la police de l'état, ou même la fûreté & la vie des hom mes; ces profe fhions exigent une furveillance & des précautions particulieres de la part de l'aurerité publique,

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