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polacre les Trois Freres, ayant fait voile, en Septembre, de Marfeille pour. Conftantinople, où il laiffa plufieurs marchandifes, y reçut ordre de trafporter divers articles de fon chargement à Salonique, & d'y embarquer environ 17 balles de poil de chameau, & quelques barrils d'alun qui -devoient faire partie de la cargaifon qu'on lui deftinoit dans ce dernier endroit pour fon retour en France: il devoit auffi toucher à Rodofto, & y débarquer 20 barriques de fucre. Le 30 Novembre, il mit à la voile, & arriva le jour fuivant, dans cette ville de la Romanie: il y féjourna 10 jours, & mouilla le 11 Décembre, aux Dardanelles, d'où il partit le 15, par un vent d'eft-nord-eft. Il reconnut le foir Monte-Santo; mais, tourmenté par le vent qui augmentoit, il fut contraint d'entrer dans le golfe, fans pouvoir prendre aucun mouillage. Le jour fuivant, il fe trouva fort avancé dans ce même golfe, où l'air devenu plus obfcur par la neige épaiffe qui tomboit alors, & le vent paffant du nord-eft à l'eft, avec plus de violence encore, le batiment pe rdit de vue la terre; le capitaine reconnoiffant, vers le foir, qu'il étoit ferré près de la côte de Zagara, dans la Liyadie, vira de bord plus de 20 fois, fans pouvoir éviter de tomber fur d'affreux rochers qu'il appercevoit; il mit au vent toutes fes voiles pour tâcher de monter une pointe, au-delà de laquelle il efpéroit trouver un mouillage; deux ancres furent jettées aufli inutilement; elles ne purent tenir dans les bas fonds de cette partie du golfe; & la polacre, pouffée fur les roches efcarpées, s'y brifa tontà-coup. Quatre hommes de l'équipage, fe retrouvant fur ces rochers, voulurent tenter de s'éloigner du rivage; mais ne voyant autour d'eux que de la neige, & craignant de tomber dans quelqu'abyme en s'avançant, ils fe déterminerent à attendre le jour, en fe ferrant les uns contre les autres, pour diminuer l'excès du froid qu'ils épravvoient. Seguier de Caffis, le maître de l'équipage, qui fe trouvoit parmi eux, s'étoit fauvé à la nage fans habit & fans bonnet, & il expira bientôt de froid au milieu de fes camarades. Dès que le jour parut, les trois furvivans s'avançerent le plus qu'ils purent, perdant par degrés la force & la voix; un Grec s'offrit à la vue d'un des trois mate lots qui implora fes fecours, mais qui, fe trouvant fans argent, n'en obtint que les plus durs refus; &, malgré fes efforts pour le fuivre, il eut le malheur de le perdre de vue. Songeant alors à fes deux compagnons, plus foibles que lui, & qu'il avoit laiffés en arriere, il revint fur fes pas; & ne pouvant les rencon

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trer, il imagina qu'ils avoient fuccombé à leurs maux comme le maître de l'équipage: lui-même, fe fentant prêt à périr, fe jetta fous un morceau de rocher qui formoit une efpece de voûte, où il paffa le refte du jour, & la nuit fuivante. Le lendemain, il fe vit heureufement entouré de 10 à 11 habitans du pays, qui commencerent par lui donner d'autres vêtemens, & qui, après avoir alluré du feu, lai préfenterent du pain, dont la grande foibleffe de fon eftomac ne permit pas qu'il fit ufage... Lorfqu'il fut revenu de fon engourdiffement, ils le porterent fur leurs épaules au village de Mizele, où il fut logé chez une vieille femme grecque, qui le traita avec beaucoup d'humanité. Il fut bientôt réclamé par le conful de France à Salonique, qui le fit tranfporter près de lui, où, en préfence de témoins, cet homme, nommé Jofeph Gily, natif de l'ifle de Pantalerie, marié à Marfeille, Agé de 41 ans, & mâtelot de la polacre naufragée, a déclaré juridiquement les faits qu'on vient de rapporter.

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LARNECA (le 11 Janvier.) Le capitaine Antoine Brunet, de la Ciotat, s'eft noyé, le 2 Décembre, dans cette rade, avec fon fils & 3 mâtelots, en voulant aller feccurir un fenaut anglois qu'une voie d'eau confidérable avoit mis dans le plus grand danger. Ce capitaine, digne d'une destinée plus heureuse, commandoit la corvette l'Antigone, qui étoit arrivée le 28 Novembre, de Marfeille en cette échelle.

La frégate françoife l'Engageante, après avoir relâché dans cette rade, en eft partie le 25 Décembre, pour continuer fa croifiere; elle eft aux ordres de M. Foucher, capitaine de vaiffeau.

Le capitaine Etienne Wian, de la Ciotat, commandant de la polacre le Bayard, partie de Candie, à la fin de Décembre, eft arrivé le 6 de ce mois, au mouillage de Famagoufte. Ce navire eft tellement endommagé par les coups de vent qu'il a effuyés, qu'on a été obligé de débarquer fa cargaifon, qui étoit deftinée pour Alexandrie; on défefpere de pouvoir le remettre en mer.

RUSSIE.

PETERSBOURG ( le 20 Mars.) La grande ducheffe, qui touche, au terme de fa groffeffe, ne paroit plus en public depuis quelques jours. Le prince Henri de Pruffe eft attendu ici dans les premiers jours du mois prochain; le chambellan Neleduiski est déjà parti pour aller recevoir ce prince à Riga. L'impératrice a nommé M. Kalchkin, lieutenant-général, & major de fes gardes, pour accompagner S. Á. R. pendant fon féjour en cette cour.

Le comte de Stackelberg, ambaffadeur de Russie auprès du roi & de la république de Pologne, eft fur fon départ pour retourner à Warfovie. Le comte de Lafcy, miniftre d'Efpagne va prendre les eaux de Spa, avec l'agrément de S. M. Cath.

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Le comte de Panin, miniftre d'état, qui étoit resté à Moscou pour divers arrangemens, eft de retour en cette capitale. Depuis fon arrivée, on voit ici la traduction en ruffe & en allemand du difcours que l'ambaffadeur ottoman adreffa à l'impératrice, le jour qu'il fut admis à fa premiere audience. Les préfens du grand-feigneur offerts, dans cette circonftance, à S. M. Imp. furent portés fur 36 plats d'or maffif, par les principaux officiers de l'ambaffadeur.

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On commence à diftribuer la premiere partie de l'ouvrage de M. Giorgi, contenant la defcription hiftorique des différentes nations qui habitent l'empire de Ruffie. Elle contient 25 gravures enluminées représentant des individus des deux fexes, non-feulement de chaque nation dont il y eft parlé, mais encore de chaque ordre de citoyens de chacune de ces nations. Le premier cahier a pour objet la Finlande, l'Efthonie, l'Ingermanie, les Tfcheremiffes, les

Mofchares, les Wotiakins, les Oftiakes, &c. Tous ces peuples s'habillent eux-mêmes, fabriquent les étoffes dont ils fe couvrent, font leurs inftrumens de pêche, de chaffe &. d'agriculture, conftruisent leurs huttes, & pourvoient à tous leurs befoins. Il ont auffi des objets dé luxe mais en petite quantité, & c'eft par le commerce & les échanges qu'ils fe les procurent.

SUED E.

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STOCKHOLM (le 2 Avril, ) Dix-fept officiers du corps de l'artillerie, tant capitaines que lieutenans, ayant formé la prétention d'aller dans le parc d'artillerie toutes les fois qu'ils le jugeroient à propos, fe préfenterent pour y entrer; & en ayant trouvé les portes fermées, ils les ouvrirent avec violence. Ils revinrent une feconde fois; & fur le refus qu'on leur fit de les y admettre, ils adrefferent au baron de Charpentier, général-major, leur chef, un mémoire conçu en termes très-indécens. Sur la plainte portée par cet officier fupérieur, le roi nommna un confeil de guerre, préfidé par le feldt-maréchal comte de Heffenftein. Après trois féances, ce tribunal condamna les 17 officiers à être caffés. Le roi, à qui cette fentence a été remise, a jugé à propos de l'adoucir; il a condamné 14 des coupables à remettre leurs commiffions ou brevets, à faire des excufes au baron de Charpentier, à fervir enfuite durant 4 mois, comme fimpies foldats, & à remplir exactement les devoirs de cet état, fous peine d'être dégradés pour un plus long terme. Ils conferveront leurs appointemens; & ceux d'entr'eux qui font décorés de J'ordre de l'épée, continueront d'en porter les marques jufqu'à ce que le premier chapitre en ait décidé. Les 3 autres officiers font interdits

pendant 3 mois, de toute fonction attachée à ce grade. Quoique la punition prononcée par le roi foit moins févere que celle du donfeil de guerre elle n'en eft pas moins réprimante. Il fuffit qu'el le ferve à éclairer des militaires fur leurs devoirs, & à les mettre dans le cas de ne jamais manquer aux loix de la fubordination. On conferve ainsi des citoyens à l'état, des officiers à l'armée, que l'on auroit défefpérés, & perdus fans reffource, en les caffant.

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Le duc de Sudermanie a donné dans fes appartemens, au roi & à la reine, une fête qui repréfentoit la foire St. Germain de Paris: les différentes pieces du logement du prince étoient remplies de boutiques de toute efpece; on y trouvoit des guinguettes, des cafés, une para

de,

un jeu de marionnettes. Toutes les perfonnes diftinguées de la cour & de la ville y étoient en habit de caracteres différens, & analogues aux perfonnages qu'elles étoient chargées de repréfenter. Lorfque L. M. entrerent, tout parut en action. On étoit convenu de ne point donner d'autres noms au roi & à la reine que ceux de Mylord & de Myladi, & à la ducheffe celui de marquife, pour que l'obfervation du cérémonial n'apportât aucune gêne au divertiffement. Les jeux de parades & de marionnettes étant finis on fervit 10 tabies de 8 couverts, où chacun fe plaça indiftinctement. Après le fouper, où la gaî té de la fête fe foutint, on paffa dans les petits appartemens, où un Waux-Hall offrit une autre nouveauté. La cour y refta à danfer jufqu'à 4 heures du matin, & L. M. marquerent la plus grande fatisfaction d'une fête auffi variée & auffi imprévue, dont un François attaché depuis quelques années au prince, en qualité de premier maitre d'hôtel, avoit été l'ordonnateur.

L'infcription en lettres d'or que le roi a fait

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