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regiftrer les édits, déclarations &c., auxquels on a joint l'édit concernant la caiffe de Poiffy, qui n'avoit pas été enregistré à ces deux cours. (Si l'abondance de la matiere le permet on fera connoitre plus particulierement ces deux féances. )

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On ne peut lire ces nouvelles loix, fans bénir la puiffance bienfaifante dont elles émanent. Dût- en réfulter quelques inconvé niens, elles n'en méritent pas moins toute la reconnoiffance de ceux qui fçavent que le bien général ne peut s'opérer fans nuire à quelques particuliers. Auffi le cri de la nation étouffe les clameurs contraires; il porte jufqu'aux cieux & le nom de Louis XVI, & les vœux finceres que le plus jufte amour infpire. C'est un pere qui daigne expliquer à fes enfans, les mo tifs facrés qui le guident pour travailler à leur bonheur. C'est l'aurore d'un beau fiecle qui commence à luire, & dont on jouit déjà; c'eft le fruit précoce d'une heureufe révolution qu'on n'eût ofé espérer, il y a quelques années.

Nos lecteurs en jugeront par ces, monumens de bienfaifance, que nous leur préfenterons fucceffivement. Nous commencerons par l'édit qui fupprime les corvées, parce qu'il intéreffe le propriétaire, qui profite des grandes routes, & le pauvre, qui auparavant fupportoit, feul le poids des travaux. Cette loi eft concue en ces

termes.

Louis, par la grace de dieu, roi de France & de Navarre à tous préfens & à venir, falut. L'utilité deš chemins deftinés à faciliter le tranfport des denrées, a été reconnue dans tous les tems. Nos prédéceffeurs en ont regardé la conftruction & l'entretien comme un des objets les plus dignes de leer vigilance.

Jamais ces travaux importans n'ont été fuivis avec autant d'ardeur que fous le regne du feu roi, notre trèshonoré feigneur & ayeul; plusieurs provinces en ont re»

ueilli les fruits par l'augmentation rapide de la valeur des terres.

La protection que nous devons à l'agriculture, qui eft la véritable bafe de l'abondance & de la profpérité puBlique; & la faveur que nous voulons accorder au commerce, comme au plus for encouragement de l'agriculture, nous feront chercher à lier de plus en plus, par des communications faciles, toutes les parties de notre royaume, foit entr'elles, foit avec les pays étrangers.

Defirant procurer ces avantages à nos peuples, par les voies les moins onéreufes pour eux, nous nous fommes fait rendre compte des moyens qui ont été mis en ufage pour la conftruction & l'entretien des chemins publics.

Nous avons vu avec peîne, qu'à l'exception d'un trèspetit nombre de provinces, les ouvrages de ce genre ont été, pour la plus grande partie, exécutés au moyen des corvées exigées de nos fujets, & même de la portion la plus pauvre, fans qu'il leur ait été payé aucun falaire pour le tems qu'ils y ont employé. Nous n'avons pu nous empêcher d'être frappés des inconvéniens atta chés à la nature de cette contribution.

Enlever forcément le cultivateur à fes travaux, c'eft toujours lui faire un tort réel, lors même qu'on lui paie fes journées. En vain l'on croiroit choifir, pour lui demander un travail forcé, des tems où les habitans de la campagne font meins occupés; les opérations de la culture font fi multipliées, fi variées, qu'il n'eft aucun tems entieren ent fans emploi ces tems, quand il en exifte roit, différeroient dans des lieux très-volfins, & fouvent dans le même lieu, fuivant la differente nature du fol, ou les différens genres de culture. Les adminiftrateurs les plus attentifs ne peuvent connoitro oes variétés dans tout leur détail; d'ailleurs, la néceffité des raffembler fur les atteliers un nombre fuffifant de travailleurs, exigè que les commandemens foient généraux dans un même canton. L'erreur de l'adminiftrateur peut faire perdre aux cultivateurs des journées dont aucun falaire ne pour roit les dédommager. Prendre le tems du laboureur, même en le payant, feroit l'équivalent d'un impot; prendre fon tems fans le payer, eft un double impôt ; & cet impôt eft hors de toute proportion, lorsqu'il tombe fur le fimple journalier, qui n'a, pour fubfifter, que le travail

de fes bras.

L'homme qui travaille par force & fans récompenfe wavaille avec langueur & fans intérêt, il fait dans le même tems moins d'ouvrage, & fon ouvrage eft plus mal fait. Les corvoyeurs, obligés de faire fouvent troislieues ou davantage pour-fe rendre fur l'attelier, autant pour retourner chez eux, perdent, fans fruit pour l'ouvrage, une grande partie du tems exigé d'eux. Les appels multipliés, l'embarras de tracer l'ouvrage, de le diftribuer, de le faire exécuter à une multitude d'hommes rassemblés au hafard, la plupart fans intelligence," comme fans volonté, confomme encore une partie du tems qui refte. Ainfi l'ouvrage qui fe fait, coûte au peuple & à l'état, en journées d'hommes & de voitures, deux fois, & fouvent trois fois plus qu'il ne coûteroit, s'il s'exécutoit à prix d'argent.

Ce peu d'ouvrage exécuté fi cherement, eft toujours mal fait. L'art de conftruire des chauffées d'empierrement, quoiqu'affez fimple, a cependant des principes & des regles qui déterminent la maniere de former l'encaiffement, de choifir & de pofer les bordures, de placer les pierres fuivant leur groffeur & leur dureté, fuivant la nature de leur compofition, qui les reni plus ou moins fufceptibles de réfifter au poids des voitures ou aux injures de l'air. De l'obfervation attentive de ces regles, dépend la folidité des chauffées & leur durée ; & cette attention ne peut être attendue, ni même exigée des hommes qu'on commande à la corvée, qui tous ont un métier différent, & qui ne travaillent aux chemins qu'un petit nombre de jours chaque année. Dans les trayaux payés à prix d'argent, l'on prefcrit aux entrepreneurs tous les détails qui tendent à la perfection de l'ouvrage. Les ouvriers qu'ils choififfent, qu'ils inftruifent & qu'ils furveillent, font, de la conftruction des chemins, leur métier habituel, & le fçavent. L'ouvrage eft bien fait, parce que, s'il l'étoit mal, l'entrepreneur fçait qu'on l'obligeroit à le recommencer à fes dépens. L'ou vrage fait par la corvée refte mal fait, parce qu'il feroit trop dur d'exiger des malheureux corvoyeurs une double tache pour réparer des imperfections commifes par ignorance; il en résulte que les chemins font moins folides, & plus difficiles à entretenir.

Il eft encore une autre caufe qui rend les travaux d'entretien, faits par corvée, beaucoup plus difpendieux,

Dans les lieux où les travaux fe font à prix d'argent, l'entrepreneur, chargé d'entretenir une partie de route,

veille continuellement fur les dégradations les plus lége res; il les répare à peu de frais au moment qu'elles fe forment, & avant qu'elles aient pu s'augmenter; enforte que la route eft toujours roulante, & n'exige ja'mais de réparations coûteufes.

Les routes, au contraire, qui font entretenues par corvée, ne font réparées que lorfque les dégradations font affez fenfibles pour que les 'perfonnes chargées de donner des ordres en foient averties. De-là il arrive que ces routes, formées communément de pierres groffierement caffées, étant d'abord très-rudes, les voitures y fuivent toujours la même trace, & forment des ornieres qui coupent fouvent la chauffée dans toute fa profon deur.

L'impoffibilité de multiplier à tous momens les com mandemens de corvée, fait que, dans la plus grande partie des provinces, les réparations d'entretien fe font deux fois l'année, avant & après l'hiver, & qu'aux époques de ces deux réparations, les routes fe trouvent trèsdégradées. On eft obligé de les recouvrir de nouveau de pierres dans leur totalité; ce qui, outre l'inconvénient de rendre à chaque fois la chauffée auffi rude que dans fa nouveauté, entraîne une dépenfe annuelle en journées d'hommes & de voitures, fouvent très-approchante de la premiere confiruction,

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Tour ouvrage qui exige quelqu'inftruction, quelqu'induftrie particuliere, eft impoffible à exécuter par corvée. C'est par cette raifon que dans la confection des routes entreprifes par cette méthode, l'on eft obligé de se borner à des chauffées d'empierrement groffierement conf truites, fans pouvoir y fubftituer des chauffées de pavé, Jorfque la nature des pierres l'exigeroit, ou lorfque leur rareté & l'éloignement de la carriere rendroient la conftruction en pavé incomparablement moins chere que celle des chauffées d'empierrement, qui confomment une bien plus grande quantité de pierres. Cette différence de prix, fouvent très-grande, au défavantage des chauffées d'empierrement, eft une augmentation de dépenfe réelle & de fardeau pour le peuple, qui résulte de l'ufage des cor

vées.

Il y faut ajouter une foule d'accidens; la perte des. beftiaux qui, arrivant fur les atteliers déjà excédés par une longue route fuccombent aux fatigues qu'on exige d'eux; perte même des hommes, des chefs de famille, bleffés, eftropiés, emportés par des maladies qu'occafionne l'intempérie des faifons, ou la feule fatigue; peris

fi douloureufe, quand celui qui périt, fuccombe à un rifque forcé, & qui n'a été compenfé par aucun falaire.

Il faut ajouter encore les frais, les contraintes, les amendes, les punitions de toute espece que néceffite la réfiftance à une loi trop dure pour pouvoir être exécu tée fans réclamation. Peut-être auffi les vexations fecre tes , que la plus grande vigilance des perfonnes chargées de l'exécution de nos ordres, ne peut entierement empêcher dans une adminiftration auffi étendue, auffi compliquée que celle de la corvée, où la juftice diftributive s'égare dans une multitude de détails, où l'autorité subdivisée, pour ainsi dire, à l'infini, eft répandue dans un fi grand nombre de mains, & confiée dans les dernieres branches à des employés fubalternes, qu'il eft prefqu'impoffible de choifir avec certitude, & très-difficile de fur veiller.

Nous croyons impoffible d'apprécier tout ce que la corvée coûte au peuple.

En fubftituant à un fyftême auffi onéreux dans fes effets, auffi défectueux dans fes moyens, l'ufage de faire conftruire les routes. prix d'argent, nous aurons l'avantage de fçavoir précisément la charge qui en réfultera pour nos peuples, l'avantage de tarir à la fois la fource des vexations & celle des défobéiffances, celui de n'avoir plus à punir, plus à commander pour cet objet, & d'économifer l'ufage d'autorité qu'il eft fi fâcheux d'avoir à pro diguer. Ces différens motifs fuffroient pour nous faire préférer à l'ufage des corvées, le moyen plus doux & moins difpendieux de faire faire les chemins à prix d'argent. Mais un motif plus puiffant & plus décifif encore nous détermine, c'eft l'injustice inféparable de l'ufage des corvées.

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Tout le poids de cette charge retombe, & ne peut re tomber que fur la partie la plus pauvre de nos fujets, fur ceux qui n'ont de-propriété que leurs bras & leur induftrie, fur les cultivateurs & fur les fermiers. Les propriétaires, prefque tous privilegiés, en font exempts, Qu n'y contribuent que très-peu.

Cependant c'eft aux propriétaires que les chemins pu blics font utiles, par la valeur que des communications multipliées donnent aux productions de leurs terres. Ce ne font ni les cultivateurs actuels, ni les journaliers qu'on y fait travailler qui en profiteront; les fucceffeurs des fermiers actuels paieront aux propriétaires cette augmentation de valeur, en accroiffement de loyers. La clatie des journaliers y gagnera peut-être un jour une augmen

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