- Des lettres-patentes du 26 Décembre dernier, enregistrées au parlement de Paris, le 19 Mars suivant, portent suppression des droits établis fur les étoffes en passe-de-bout à Paris. Un arrêt du grand confeil, du 13 Mars, déclare nul & attentatoire à l'autorité du roi & du confeil, un arrêt rendu par le parlement de Nancy, le 23 Février dernier, qui déclare comme non avenus les publications & enregistremens faits par le bailliage, siege présidial de Nancy, le 13 du même mois, fait défense à tous les tribunaux de son reffort de rien registrer ni publier de l'autorité du grand conseil, &c. Il est dit. dans cet arrêt du grand confeil, « que le dit parlement n'a pas assez réfléchi fur la force de ses expressions, ni fur les conféquences qui en seroient la fuite, quand il å dit dans son arrêt, que l'édit de 1772 avoit reçu sa sanction par l'enregistrement audit parlement; que ces exprefsions pourroient induire les peuples de la province de Lorraine dans une erreur dangereuse fur les loix vraiment fondamentales de la monarchie, & des principes conftitutifs du gouvernement françois, suivant lesquels le pouvoir législatif n'appartient qu'au roi seul, & la loi ne reçoit fa force, & fon autorité que de la volonté du légiflateur Ce fut le 12 du mois dernier, ainsi que nous P'avons dit, que le roi tint à Versailles son lit de justice, que l'on peut à juste titre appeller le lit de la bienfaisance. Nous allons rapporter les principaux détails de cet événement, si intéreffant pour la nation. La seance étant formée avec les cérémonies accoutumées, le roi s'étant assis, & S. M. ayant ôté & remis fon chapeau, elle a dit. Meffieurs, Je vous ai affemblés pour vous faire connoi i tre més volontes; mon garde des Sceaux va vous M. le garde des sceaux ayant pris les ordres MESSIEURS, Le roi a signalé les premiers momens de fon regne par des actes éclatans de sa juftice & de fa bonté. S. M. ne paroit avec la splendeur qui l'environne, que pour répandre des bienfaits: elle a rappellé les magiftrats à des fonctions respectables qu'ils exerceront toujours pour le bien de son service. Elle eft afsurée que vous donnerez dans tous les tems à ses sujets l'exemple d'une foumission, fondée sur l'amour de sa perYonne facrée, autant que sur le devoir. La justice est la véritable bonté des rois; le monarque eft le pere commun de tous ceux que la providence a foumis à son empire; ils doivent être tous également les objets de sa vigilance & de ses soins paternels. Les édits, déclarations, & lettres-patentes, auxquels S. M. donnera dans ce jour une fanction plus auguste par sa présence, tendent uniquement à réunir les seuls moyens qu'il foit poffible dans ce moment-ci de mettre en usage, afin de fatisfaire l'empressement du roi pour réparer les ma 'heurs passes, pour en prévenir de nouveaux, & pour foulager ceux de ses sujets auxquels le poids des charges publiques a été jusqu'a-présent le plus onéreux, quoiqu'ils fufssent moins en état de le fupporter. La confection des grandes routes est indispensable pour faciliter le transport des marchandises & des denrées, pour favorifer dans toute l'étendue du royaume une police active, de laquelle dépend la sûreté des voyageurs, pour affurer la tranquillité intérieure de l'état, & les communications nécessaires au commerce. Les ouvrages immenfes que le roi est obligé d'ordonner pour cet effet, feroient bientôt en pure perte, fi l'on n'apportoit pas le plus grand foin à leur entretien. Il n'est donc pas possible que le roi néglige un objet aussi intéressant; mais il étoit naturel que S. Maj. choisît, dans les moyens de le remplir, ceux que fa sagesse lui feroit considérer comme les plus conformes à l'esprit d'équité qui regle toutes ses actions. L'on avoit jusqu'a-présent contraint les laboureurs de . 1 fournir leurs charrois & leurs domestiques pour les tranf ports des terres & des matériaux néceffaires à la confection & à la réparation des grandes routes. On avoit aussi exigé des habitans des campagnes, qui ne fubfiftent que par le travail de leurs bras, de renoncer à une partie des salaires journaliers, sur lesquels eft fondée toute leur subsistance , pour donner gratuitement chaque année un certain nombre de jours au travail des chemins. Les propriétaires des fonds, dont la plus grande partie jouissent des exemptions attachées à la nobleffe & aux offices, ne contribuoient point à cette charge, , & cependant ce font eux qui participent le plus à l'avantage de la confection des grandes routes, par l'augmentation du produit de leurs héritages, qui est l'effet naturel des progrès du commerce, & de la confommation des denrées. La corvée de travail imposoit aux habitans de la cam pagne une espece de fervitude accablante. Il étoit de la justice & de la bonté du roi de les en délivrer par une contribution qui ne fût supportée que par ceux qui, jusqu'à ce moment, recueilloient feuls le fruit de ce travail. Telles font les vues qui ont engagé le roi à établir cette contribution, à la régler fur la répartition du vingtieme, & à donner lui-même l'exemple à tous des propriétaires de fon royaume, en ordonnant que ses domaines y feroient assujettis. S. M. a pris toutes les précautions poffibles pour que les deniers qui en proviendront, ne puissent jamais être divertis à d'autres usages; qu'ils foient toujours employés dans chacune des généralités où ils auront été levés, & que la fomme qui fera imposée, n'excede jamais la valeur des ouvrages auxquels elle sera destinée. Après avoir pourvu au foulagement des habitans des campagnes, S. M. a jetté un regard favorable sur sa bonne ville de Faris. Elle s'eft fait re représenter les anciens réglemens fur la police des grains, relativement à l'approvifionnement de cette capitale de fon royaume; elle en a examiné les dispositions, combiné les effets, & pesé mûrement les conféquences. Elle a reconnu que tous ces réglemens, qui, en apparence, sembloient avoir pour objet de rendre l'accès de Paris plus facile aux grains de toute espece, de favorifer les moyens d'en faire des magasins, enfin, d'attirer l'abondance, & de la fixer, ne fervoient, au contraire, qu'à dégoûter les négocians de ce genre de commerce, en les exposant à des recherches inquiétantes, & en les assujettissant à des formalités gênantes, & toujours contraires au bien du commerce, dont l'ame est une honnête Liberté. Le roi a résolu de révoquer entierement tous ces réglemens; & comme les facrifices ne coûtent rien à S. M., lorsqu'il s'agit da foulagement de ses sujets, elle a, par la même loi, fupprimé tous les droits qu'on percevoit à Paris, fur les grains qui servent à la fubfiftance du peuple, & s'est chargée de dédommager les prévôt des marchands & échevins de Paris, de ceux qui leur avoient été accordés, & dont ils se trouveront privés par cette fuppreffion. Les besoins de l'état avoient donné lieu, en différens tems, à l'établissement d'offices dans les halles fur les quais & fur les ports de Paris. Le roi Louis XV, de glorieuse mémoire, ayant reconnu que les fonctions attribuées à ces offices, n'étoient d'aucune utilité, & que les émolumens que l'on y avoit attachés, étoient fort onéreux au public, en avoit ordonné la fuppreffion par un édit du mois de Septembre 1759. Des circonstances imprévues avoient engagé ce monarque à différer jusqu'au rer. Janvier 1777 l'exécution de cer édit, ainfi que les remboursemens qu'il étoit indspenfable de faire à ceux qui étoient propriétaires des offices. , Le roi a jugé à propos de commencer dès-a-présent l'exécution de ce projet, mais d'une maniere_moins onéreuse pour fon tréfor royal & qui cependant assure aux propriétaires des offices dont il s'agit remboursement effectif, & conforme à la nature des effets avec lesquel lesquels eux, ou leurs auteurs, en avoient originairement payé la finance. , un Les habitans de Paris font assurés par ce moyen, d'une maniere certaine, de voir arriver le terme on les droits attribués à tous ces offices cesseront d'être perçus; & les propriétaires, de conserver les capitaux de leur finance, & d'en recevoir les intérêts jusqu'au parfait remboursement. Le roi s'eft fait rendre compte de l'établissement des différentes communautés d'arts & métiers, & des jurandes; S. M. en a mûrement examiné les avantages & les inconvéniens, & elle a reconnu que ces fortes de corporations, en favorisant un certain nombre de parti. culiers privilégiés, étoient nuisibles à la plus grande partie de ses sujets, Elle a pris la résolution de les supprimer; de rétablir tout dans l'ordre naturel, & de lais fer à chacun la liberté de faire valoir tous les talens dont la providence l'aura pourvu. A l'ombre de cette loi falutaire, les commerçans réuniront tous les genres de moyens dans lesquels leur industrie les rendra le plus capables de conferver & d'augmenter leur fortune, & d'affurer le fort de leurs enfans. Les artisans auront la faculté d'exercer toutes les professions auxquelles ils ses ront propres, fans être exposés à se voir troublés dans leurs travaux, épuisés par des conteftations ruineuses, & cruellement privés des instrumens sans le secours desquels ils ne peuvent avoir leur fubfiftance, ni pourvoir à celle de leurs femmes & de leurs enfans. L'ufage de cette heureuse liberté sera cependant modéré par de sages réglemens, afin d'éviter les abus auxquels les hommes ne font que trop sujets à se livrer. Mais comme elle fera délivrée des entraves dans lesquelles jufqu'à-présent elle avoit été resserrée & presqu'anéantie, elle étendra les différentes branches du commerce; elle favorifera les progrès & la perfect on des arts, évitera aux particuliers des dépenses aussi ruineuses que fuperflues, augmentera les profits légitimes des marchands, & proportionnera les salaires des ouvriers au prix des denrées nécessaires à la vie. Le nombre des indigens diminuera & les secours que l'humanité procure à ceux que l'age & les infirmités réduisent à l'ination, deviendront plus abondans. La modération du droit sur les fuifs, & le changement de la forme de sa perception sont encore de nouvelles preuves de l'attention que le roi apporte à tour ce qui intéresse son peuple; cette réforme est une suite naturelle de la fuppreffion de la communauté dont cette forte de marchandise formoit le trafic. Elle étoit autorifée à se rendre maitreffe de tous les suifs, & par conféquent de leur prix. Ce commerce exclufif n'exiftera plus. Le prix du suif sera proportionné à celui des bef tiaux qui le produifent; & les artisans auxquels l'usage eft le plus us nécessaire pourront l'acheter à meilleure composition. en , Tels font, Messicurs, les motifs qui ont déterminé le roi à faire enregistrer en sa présence ces loix dont vous allez entendre la lecture. S. M., qui ne veut régner que par la raison & par la justice, a bien voulu vous les expofer, & vous rendre dépositaires des sentimens de tendresse qui l'engagent à veiller fans cesse sur tous ce qui peut être avantageux à fon peuple. |