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fournir leurs charrois & leurs domeftiques pour les tran ports des terres & des matériaux néceffaires à la confection & à la réparation des grandes routes. On avoit auffi exigé des habitans des campagnes, qui ne fubfiftent que par le travail de leurs bras, de renoncer à une partie des falaires journaliers, fur lefquels eft fondée toute leur fubfiftance , pour donner gratuitement chaque année un certain nombre de jours au travail des chemins.

Les propriétaires des fonds, dont la plus grande partie jouiffent des exemptions attachées à la nobleffe & aux offices, ne contribuoient point à cette charge, & cependant ce font eux qui participent le plus à l'avanta ge de la confection des grandes routes, par l'augmentation du produit de leurs héritages, qui eft l'effet naturel des progrès du commerce, & de la confommation

des denrées.

La corvée de travail impofoit aux habitans de la cam pagne une espece de fervitude accablante. Il étoit de la juftice & de la bonté du roi de les en délivrer far une contribution qui ne fût fupportée que par ceux qui, jufqu'à ce moment, recueilloient feuls le fruit de ce travail.

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Telles font les vues qui ont engagé le roi à établir cette contribution à la régler fur la répartition du vingtieme, & à donner lui-même l'exemple à tous des propriétaires de fon royaume, en ordonnant que fes domaines y feroient affujettis.

S. M. a pris toutes les précautions poffibles pour que les deniers qui en proviendront, ne puiffent jamais -être divertis à d'autres ufages; qu'ils foient toujours employés dans chacune des généralités où ils auront été levés, & que la fomme qui fera impofée n'excede jamais la valeur des ouvrages auxquels elle fera deftinée. Après avoir pourvu au foulagement des habitans des campagnes, S. M. a jetté un regard favorable fur fa bonne ville de Faris. Elle s'eft fait repréfenter les anciens réglemens fur la police des grains, relativement à l'approvifionnement de cette capitale de fon royaume; elle en a examiné les difpofitions, combiné les effets, & pefé marement les conféquences. Elle a reconnu que tous ces réglemens qui, en apparence, fembloient avoir pour objet de rendre l'accès de Paris plus facile aux grains de toute efpece, de favorifer les moyens d'en faire des magafins, enfin, d'attirer l'abondance, & de la fixer, se fervoient, au contraire, qu'à dégoûter les

négocians de ce genre de commerce, en les expofant à des recherches inquiétantes, & en les affujettiffant à des formalités gênantes, & toujours contraires au bien du commerce, dont l'ame eft une honnête liberté.

Le roi a réfolu de révoquer entierement tous ces réglemens; & comme les facrifices ne coûtent rien à S. M., lorfqu'il s'agit du foulagement de fes fujets, elle à, par la même foi, fupprimé tous les droits qu'on percevoit à Paris, fur les grains qui fervent à la subsistance du peuple, & s'eft chargée de dédommager les prévôt des marchands & échevins de Paris, de ceux qui leur avoient été accordés, & dont ils fe trouveront privés par cette fuppreffion.

Les befoins de l'état avoient donné lieu, en différens tems, à l'établiffement d'offices dans les halles fur les quais & fur les ports de Paris. Le roi Louis XV, de glorieufe mémoire, ayant reconnu que les fontious attribuées à ces offices, n'étoient d'aucune utilité, & que les émolumens que l'on y avoit attachés, étoient fort onéreux au public, en avoit ordonné la fuppreffion par un édit du mois de Septembre 1759. Des circonftances imprévues avoient engagé ce monarque à différer jufqu'au rer. Janvier 1777 l'exécution de cet Edit, ainfi que les rembourfemens qu'il étoit indispenfable de faire à ceux qui étoient propriétaires des offices.

Le roi a jugé à propos de commencer dès-à-préfent l'exécution de ce projet, mais d'une maniere moins onéreuse pour fon tréfor royal, & qui cependant affure aux propriétaires des offices dont il s'agit, un rémboursement effectif, & conforme à la nature des effets avec lefquels eux ou leurs auteurs, en avoient originairement payé la finance.

Les habitans de Paris font affurés par ce moyen, d'une maniere certaine, de voir arriver le terme où les droits attribués à tous ces offices cefferont d'être perçus; & les propriétaires, de conferver les capitaux de leur finance, & d'en recevoir les intérêts jusqu'au parfait rembourfement.

Le roi s'eft fait rendre compte de l'établissement des différentes communautés d'arts & métiers, & des juran des; S. M. en a mûrement examiné les avantages & les inconvéniens, & elle a reconnu que ces fortes de corporations, en favorifant un certain nombre de parti. culiers privilégiés, étoient nuifibles à la plus grande partie de fes fujets, Elle a pris la résolution de les fup

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primer; de rétablir tout dans l'ordre naturel, & de lais. fer à chacun la liberté de faire valoir tous les talens dont la providence l'aura pourvu. A l'ombre de cette loi sa-, lutaire, les commerçans réuniront tous les genres de moyens dans lefquels leur induftrie les rendra le plus capables de conferver & d'augmenter leur fortune, & d'affurer le fort de leurs enfans. Les artifans auront la faculté d'exercer toutes les profeffions auxquelles ils feront propres, fans être expofés à fe voir troublés dans leurs travaux épuifés par des conteftations ruineufes, & cruellement privés des inftrumens fans le fecours defquels ils ne peuvent avoir leur fubfiftance, ni pourvoir à celle de leurs femmes & de leurs enfans. L'ufage de cette heureufe liberté fera cependant modéré par de fages réglemens, afin d'éviter les abus auxquels les hommes ne font que trop fujets à fe livrer. Mais com me elle fera délivrée des entraves dans lefquelles juf qu'à-préfent elle avoit été refferrée & prefqu'anéantie elle étendra les différentes branches du commerce; elle favorifera les progrès & la perfect on des arts, évitera aux particuliers des dépenfes auffi ruineufes que fuper. flues, augmentera les profits légitimes des marchands & proportionnera les falaires des ouvriers au prix des denrées néceffaires à la vie. Le nombre des indigens diminuera & les fecours que l'humanité procure à ceux que l'age & les infirmités réduifent à l'inaction deviendront plus abondans.

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La modération du droit fur les fuifs, & le changement de la forme de fa perception font encore de nouvelles preuves de l'attention que le roi apporte à tout ce qui intéreffe fon peuple; cette réforme eft une fuite naturelle de la fuppreffion de la communauté dont cette forté de marchandife formoit le trafic. Elle étoit autorifée à fe rendre maitreffe de tous les fuifs, & par conféquent de leur prix. Ce commerce exclufif n'exiftera plus. Le prix du fuif fera proportionné à celui des bef tiaux qui le produifent; & les artifans auxquels l'ufage en eft le plus néceffaire, pourront l'acheter à meilleure compofition.

Tels font, Meffieurs, les motifs qui ont déterminé le roi à faire enregiftrer en fa préfence ces loix dont vous allez entendre la lecture. S. M., qui ne veut régner que par la raifon & par la juftice, a bien voulu vous les expofer, & vous rendre dépofitaires des fentimens de tendreffe qui l'engagent à veiller fans ceffe fur tout ce qui peut être avantageux à fon peuple.

M. le garde des fceaux ayant ceffé de parler, M. le premier préfident, prit la parole en

ces termes.

SIRE,

En ce jour où V. M. ne déploie fon pouvoir que dans la perfuafion qu'elle fait éclater fa bonté, l'appareil dont V. M. eft environnée, l'ufage abfolu qu'elle fait de fon autorité, impriment à tous fes fujets un profonde terreur, & nous annoncent une fàcheufe contrainte. Eût-il donc été befoin de contrainte, pour exercer un acte de bienfaifance?

Le vœu de la nation entiere, le fuffrage unanime des magiftrats, n'y euffent-ils pas concouru avec le zele le plus empreffé ?

Vous liriez, Sire, dans tous les yeux, sûrs interprêtes des cœurs, la reconnoiffance & la joie.

Ce genre de fatisfaction, fi flatteur pour un bon roi, vous l'avez goûté dès les premiers momens de votre regne; & votre grande ame en a fenti tout le prix.

Pourquoi faut-il qu'aujourd'hui une morne trifteffe s'offre partout aux auguftes regards de V. M.?

Si elle daigne les jetter fur le peuple, elle verra le peuple confterné.

Si elle les porte fur la capitale, elle verra la capitale en allarmes.

Si elle les tourne vers la nobleffe, elle verra la nobleffe plongée dans l'affliction.

Dans cette affemblée même, où votre trône eft environné de ceux que le fang, les dignités & l'honneur de votre confiance attachent plus particulierement encòre que le reste de vos Sujets à votre perfonne facrée, au bien de votre fervice, aux intérêts de votre gloire, elle ne peut méconnoître l'expreffion fidelle du fentiment général dont les ames font pénétrées.

Quel plus sûr témoignage peut attefter à V. M. l'im preffion que les édits adreffés à votre parlement ont laiffée dans les efprits?

Celui concernant les corvées, accablant fi on impofe tout ce qui feroit néceffaire, infuffifant fi on ne l'impofe pas, fait envisager comme une fuite indifpenfable le défaut d'entretien des chemins & conféquemment la perte entiere du commerce.

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Cet édit, par l'introduction d'un nouveau genre d'im pofition perpétuelle & arbitraire, fur les beas-fonds, porte un préjudice effentiel aux propriétés des pauvrce,

comme des riches, & donne une nouvelle atteinte à la franchife naturelle de la -nobleffe & du clergé, dont les diftin&tions & les droits tiennent à la conftitution de la monarchie.

Qu'il nous foit permis, Sire, de fupplier votre Maj. de confidérer, que l'on ne peut reprocher à votre nobleffe & au clergé de ne pas contribuer aux befoins de l'état. Ces deux premiers ordres de votre royaume, par des octrois volontaires dans le principe, ont fourni les plus grands fecours; & toujours animés du même zele, ils contribuent directement aujourd'hui par la capitation, les vingtiemes, & indirectement par la taille que paient leurs fermiers, & par les autres droits dont font chargées les confommations de toute espece.

Enfin, cet édit ôte au royaume ce qui pourroit lui refter de reffources pour les befoins les plus preffans, en impofant en tems de paix, fans néceffité pour l'état, ́ fans avantage pour les finances, une furcharge susceptible d'accroiffemens progreffifs & arbitraires, dont le fardeau achevera d'accabler ceux-mêmes de vos fujets, qu'il eft dans l'intention de V. M, de foulager.

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La déclaration qui abroge, fans diftinction tous les réglemens de police pour l'approvifionnement de votre capitale, met en péril les fubfiftances & la falubrité des alimens d'un peuple innombrable renfermé dans fes

- murs.

L'édit de fuppreffion des jurandes rompt au même inf tant tous les liens de l'ordre établi pour les profeffions de commerçans & d'artifans.

Il laiffe fans regle & fans frein, une jeunesse turbulente & licentieuse, qui, contenue à peine par la po lice publique, par la difcipline intérieure des communautés, & par l'autorité domeftique des maitres fur leurs compagnons, eft capable de fe porter à toutes fortes d'excès, lorfqu'elle ne se verra plus furveillée d'auffi près, & qu'elle fe croira indépendante.

Cet édit & les autres qui tiennent au même systême , augmentent encore, fans néceffité, le montant de Ja dette dont les finances font chargées ; & cette maffe effrayante pourroit faire craindre à vos fujets que, contre la bonté du cœur de votre Maj. & l'efprit de juftice qui l'anime il ne vint un tems où les engagemens les plus facrés cefferoient d'être refpe&tés.

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Après s'être acquitté de l'obligation de vous faire con noître la vérité, Sire, le profond refpe&t de votre parlement le réduit au filence, dans l'inftant où V, M, commande.

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