due à Louis XVIII, qui conserve en son intégrité la puissance qu'il tient de Dieu même. La plupart toutefois, « n'oubliant point qu'il n'est pas de plus sacré et de plus urgent » devoir « que de pourvoir au salut des âmes », envoyèrent des instructions aux vicaires généraux et aux fidèles, où ils déclaraient «< consentir provisoirement, pour notre diocèse, à l'exercice des pouvoirs de celui qui se sera présenté ou se présentera muni de ceux de Notre Saint Père le Pape, dans quelques formes qu'ils lui soient ou lui aient été donnés »; en d'autres termes, ils reconnaissaient que tous pouvaient << en sûreté de conscience s'adresser, pour les choses spirituelles, à l'évêque nouvellement institué » ou concordataire'. D'ailleurs, d'après les règles canoniques, la division nouvelle des diocèses, aussitôt la bulle de circonscription publiée, enlevait à tous les évêques de France l'exercice de leur juridiction. Pie VII n'eut donc plus à insister auprès des récalcitrants. Il se contenta de la réponse adressée aux premières observations des évêques de Londres (1802); et il ne prononça point la condamnation doctrinale que proposait l'Index, seule des Congrégations romaines consultée. Après la chute de l'Empire, il lui sera plus aisé d'obten. leur soumission. L'article 10 du senatus-consulte du 6 floréal an X (26 avril 1802) les exceptait de l'amnistie accordée aux émigrés, leur interdisant par conséquent le retour en France. C'est en vain que Bonaparte réclama, de l'Angleterre, leur expulsion, après le 1. Voir les Instructions de l'évêque de Limoges, 20 février 1802 (Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 2-135), imitées bientôt par les évêques de Lombez et de Sisteron. La nomination de plusieurs constitutionnels aux évêchés fournit aux prélats l'occasion de révoquer leurs instructions. traité d'Amiens, et après sa rupture (juin 1803), de la Prusse, de l'Autriche, de l'Espagne, qui firent des réponses déférentes, mais dilatoires. Si la plupart, avec le temps, se rendirent, deux surtout persistèrent dans leur insoumission et favorisèrent par leurs mandements et leurs lettres particulières, sans peut-être se rendre bien compte des suites de leur obstination, le mouvement anti-concordataire, qui doit son origine et sa persistance à quelques prêtres réfractaires, auxquels la vie aventureuse et indépendante de la Terreur avait laissé un goût amer et dangereux, et est connu sous le nom de Petite Église. Ces deux obstinés s'étaient réfugiés en Espagne où, en 1804, Bonaparte obtint qu'ils fussent enfermés dans des couvents de l'évêché de Séville : l'un, Mer Jean de Coucy, évêque de La Rochelle (+ en 1824), fut rendu à la liberté en 1806, pour cause de santé, se cacha dans la province de Cuenca, durant l'occupation française, et se soumit en 1817, pour devenir archevêque de Reims; l'autre, l'évêque de Blois, Alexandre de Thémines, gagna, en 1810, l'Angleterre, où il s'obstina à rester après la Restauration, écrivant à Louis XVIII des lettres qui font douter de sa raison; il ne se réconcilia avec Rome qu'in extremis, en 18292. Avec lui, la Petite 1. Tout ecclésiastique, prévint Bonaparte le 10 février 1804, qui n'est point dans la communion de son évêque doit être exactement surveillé et dénoncé au grand juge. A partir de ce moment, suspense et interdit frappèrent les prêtres récalcitrants. et le gouvernement en fit déporter un certain nombre à Rimini, d'où plus tard on les transféra à Fenestrelle et au fort Urbain. Mais plus d'un des 200 ecclésiastiques dénoncés échappa aux poursuites, et mena la vie clandestine de la période révolutionnaire. 2. Il eût dû se rallier d'autant plus aisément au gouvernement de Bonaparte qu'il avait déclaré, en 1791, que tout citoyen doit jurer fidélité à la constitution temporelle », c'est-à-dire que l'Église s'accommode de tous les gouvernements (cf. Abbé Sicard, op. cit., t. I, Église perdit son dernier évêque, si tant est qu'il s'en crut jamais le chef (il repoussa toujours la qualification qu'on lui donnait « d'évêque universel »); mais elle garda quelques prêtres jusqu'en 1847. Les fidèles alors organisèrent eux-mêmes leur culte, baptisant, bénissant les mariages, priant aux sépultures. Leur principe, dès le début, avait été « qu'il valait mieux s'abstenir de fréquenter l'église et de recevoir les sacrements » que de communiquer in divinis avec des intrus institués en vertu du Concordat; « aussi frénétiques que les donatistes, il osaient se proclamer les seuls catholiques du monde, en déclarant que le Pape et le reste de l'Église étaient tombés dans l'erreur 1 Ces dissidents formèrent des îlots isolés, portant des noms divers selon les provinces: Purs en Languedoc, Illuminés et Enfarinés en Guyenne et en Gascogne, Fidèles en Provence, Louisets (partisans de Louis XVIII) en Bretagne, Blanchardistes en Normandie, Détournés et Clémentins dans le Maine et le Cher, « Chambre ardente» en Lorraine, Filochois en Touraine, Stévenistes en Belgique. On en rencontre aussi dans le Doubs, en Dauphiné, en Champagne. Le mouvement fut donc très étendu, sans être bien uni. Les groupes les plus denses se constituèrent à Lyon, où l'on chercha à obvier à l'extinction du sacerdoce en s'adressant à l'épiscopat schismatique d'Utrecht, dans les Deux-Sèvres (diocèse de Poitiers, partie relevant autrefois de La Rochelle), où le schisme qui fit des milliers d'adeptes p. 173). A l'assemblée du clergé de 1788, il avait réclamé les États généraux (Abbé Sicard, L'ancien clergé de France, p. 267). 1. Mémoires du Cardinal Pacca, édit. 1885, t. I, p. 250 et suiv., t. II, p. 187. Pacca eut l'occasion en France d'éclairer parfois ces chismatiques. Ibid., t. I, p. 251 et suiv., t. II, p. 186 et suiv. a persisté jusqu'à nos jours. Infructueux restèrent tous les efforts de Mer J.-B. Bailly, évêque de Poitiers (1802-1804), et la mission spéciale auprès des ecclésiastiques de l'Ouest (1804) d'un prélat d'ancien régime Mer de Barral, évêque de Meaux (1802-1805) et archevêque de Tours (1805-1815). Dans un hameau des Deux-Sèvres se donne toujours un enseignement dissident. En certaines localités du Vendômois (diocèse de Mer de Thémines), la Petite Église eut des adeptes jusqu'en 1870. Les conversions des dernières années font espérer l'extinction totale de la secte. Il fallut jusqu'en 1804 pour « mettre en train >> le régime concordataire 2. C'est l'année où cesse le Consulat. 1. R. de Chauvigny, Résistance au Concordat de 1801 (à Blois et à Vendôme), profils d'évêques, profils de prêtres, Paris, 1921; l'Abbé Chesneau, La Petite Eglise, dans le Vendômois, 1926. 2. Pour réorganiser le clergé parisien, le décret du 7 mai 1802 (17 floréal an X) s'inspira du travail de statistique que Bernier, aidé de Pancemont, commença en octobre 1801 et acheva le 9 avril suivant: il établissait 12 cures et 27 succursales. Neuf ou dix constitutionnels firent partie de ces 39 nominations. 77 paroisses de banlieue furent rétablies et pourvues, sauf deux, dès 1802, avec la proportion de 4 ex-constitutionnels sur 7. Cf. Pisani, op. cit., t. IV, p. 321-445. Sur la réorganisation de l'administration diocésaine et du chapitre métropolitain, voir Ibid., p. 311 et suiv. VIII RUPTURE ENTRE NAPOLÉON ET PIE VII. L'Empire (mai 1804). Bons rapports de l'empereur et du Pape : le sacre (2 décembre 1804). Commencement de tension : refus d'annuler le mariage de Jérôme Bonaparte; doctrine du SaintSiège sur l'indépendance pontificale; l'institution canonique des évêques. Rupture : annexion de Rome et excommunication de Napoléon; arrestation de Pie VII et son exil (1809). Le 18 avril 1802, le Concordat avait été solennellement promulgué à Notre-Dame. Trois semaines plus tard (10 mai), à la suite d'une délibération du Conseil d'État provoquée par le néo-monarchiste Roederer, un arrêté consulaire ordonne un plébiscite sur cette question: « Napoléon Bonaparte sera-t-il consul à vie? » 3.568.885 oui contre 8.374 non sont relevés par le Sénat qui, le 2 août suivant, proclame Napoléon Bonaparte Premier Consul à vie; et deux jours plus tard, le « sénatus-consulte organique de la Constitution du 16 thermidor an X » modifie la Constitution de l'an VIII, qui avait donné à Bonaparte un commencement de pouvoir. Au début de 1803, toute opposition a cessé; maître sans contrôle de la politique intérieure et extérieure de la République, le Premier Consul à vie est plus que roi1. 1. Voir A. Aulard, L'établissement du Consulat à vie, dans ses Études et Leçons, 2a série, 1902. |