Bonaparte, peu de temps avant sa mort et repassant les affaires religieuses de son gouvernement, affirmera qu'«< il ne s'est jamais repenti d'avoir fait le Concordat de 1801 », qu'il n'a jamais dit que cette convention « fût la plus grande faute de son règne. Les mouvements d'impatience n'ont jamais altéré ses bonnes dispositions, ni pour les principes de sa religion, ni pour ce grand œuvre qui a eu des résultats si importants1». Reichskonkortat, 1904, ouvrage qui repose sur les documents relatifs à la sécularisation des Électorats et au Concordat d'Allemagne, que conservent les Archives de la Nonciature apostolique et la section Romana du Staatsarchiv. de Vienne. 1. Voir Cte de Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène, ou journal où se trouve consigné, jour par jour, ce qu'a dit et fait Napoléon durant dix-huit mois, Bruxelles, 1822-1823 (8 vol.); E. Abell, Recollections of Napoleon during the first years of his captivity on the Island of St-Helena, 2o édit., 1843. Sur le mouvement religieux à cette époque, lire le tome IV de L. Lanzac de Laborie, Paris sous Napoléon: Consulat. VII APPLICATION DU CONCORDAT. Légation du cardinal Caprara (24 août 1801) : Régularisation des situations irrégulières dues aux troubles de la Révolution ; circonscription nouvelle des diocèses, et nomination à tous les évêchés. Les évêques constitutionnels et Rome. Les évêques légitimes et Rome : leur démission demandée, consentie par la majorité, refusée surtout par les émigrés d'Angleterre et d'Allemagne; la Petite Église. Le Concordat conclu, signé, ratifié à Rome et à Paris, transformé en loi et solennellement promulgué, avait besoin, pour produire tout son effet, d'être appliqué avec discernement et pondération. Plus d'un point délicat, qui à dessein avait été écarté du Concordat, mais était réglé par brefs spéciaux, requérait aussi une particulière sagesse, après la période troublée que venait de traverser la France. Aussi le Premier Consul, s'inspirant de précédents nombreux, depuis le xiv siècle jusqu'en 1664, avait-il demandé que Rome lui envoyât un légat. Il l'avait même désigné le cardinal Caprara. Caprara a << soixante-huit ans, avec des infirmités graves; il paraît n'avoir qu'un souffle de vie », écrit Cacault, le 28 août 1801'. Mais sa famille, Bonaparte 1. Cacault à Talleyrand, 28 août 1801. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. IV, p. 5. l'avait connue à Milan et protégée1.Son neveu, pour avoir fait partie du gouvernement révolutionnaire de Bologne, avait été jeté dans une forteresse autrichienne; et Bonaparte, sur la demande du cardinal, était intervenu. Lui-même avait su traverser la bourrasque révolutionnaire sans s'attirer l'inimitié des Français : « ce qui le faisait appeler en Italie le cardinal Jacobin2 ». Ses sentiments à l'égard de la France ne pouvaient que bénéficier de la paix religieuse rendue à notre pays. Aussi notre représentant à Rome peut-il dire : « Je crois que le Premier Consul pourra compter sur l'affection de sa part, et sur son zèle à seconder les vues du gouvernement français... Il convient parfaitement et sous tous les rapports à la légation de France. » Nonce à Vienne, auprès de Joseph II, sa souplesse et son effacement devant l'autorité impériale lui avaient attiré la disgrâce de Pie VI, qui le tint à l'écart de toutes les affaires et l'exila, en 1798, dans le minuscule évêché d'lesi (marche d'Ancône). Ce genre de caractère convenait au dictateur corse qui eût brisé un plus résistant, et dont les colères eussent empêché la réalisation des bienfaits concordataires. « Le cardinal Caprara a l'esprit éclairé, note notre représentant à Rome. C'est le légat a latere le plus propre, le plus capable d'éteindre jusqu'aux semences 1. Consalvi à Caprara, 12 août 1801. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. III, p. 363 et n. 1. 2. Cacault à Talleyrand, 26 août 1801. Boulay de la Meurthe, op, cit., t. IV, p. 2. 3. Lettres citées de Cacault des 26 et 28 août 1801. 4. Cf. Rinieri, op. cit., p. 352 et suiv. L'ambassadeur autrichien à Paris, Ph. de Cobenzl, l'avait connu à Vienne et comptait tirer « de ses anciennes relations avec le cardinal » quelques avantages pour son empereur. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. III, p. 489. 5. Cacault à Talleyrand, 9 septembre et 2 décembre 1801. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. IV, p. 30, 344. Cf. Ibid., p. 139, 545. de divisions ecclésiastiques, répandues en France depuis l'époque du Jansénisme... C'est le cardinal qui convient le mieux à Paris. » « Sa grande souplesse, écrira Cobenzl', continue à rendre Caprara agréable au Premier Consul, qui le voit souvent en particulier. » C'est uniquement à son défaut absolu que Bonaparte avait désigné en seconde ligne un ancien nonce en France, le cardinal Joseph Doria2. Pie VII, pour le satisfaire, propose sans retard à Caprara la légation de France (12 août 1801)3. Aussitôt (14 août), le cardinal accepte, malgré une santé chancelante « que compromettra totalement le voyage de Paris » ; il part pour Rome le 20 août, y est nommé légat dans le consistoire du 24, et trois jours plus tard reçoit la croix; le 30 août, il dîne « avec grande compagnie et le corps diplomatique », chez notre représentant à Rome; et, après de rapides préparatifs, il prend, le 5 septembre, le chemin de Paris, où il arrive le 4 octobre. Six jours plus tard (10 octobre), le Premier Consul, tout à la joie de la paix générale, écrit à Pie VII: « J'ai vu avec plaisir le cardinal Caprara, légat de Votre Sainteté. La paix avec l'Angleterre, le Portugal, la Russie et la Porte Ottomane a été signée ... » « Je veux que le gouvernement reçoive le légat et le traite avec le plus grand éclat », avait dit à 1. Ph. Coblenzl à Colloredo, 9 janvier 1802. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. IV, p. 545. 2. Cobenzl à l'empereur,8 août 1801. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. III, p. 450. 3. Consalvi à Caprara, 12 août 1801. Ibid., t. III, p. 362 et suiv. 4. Caprara à Consalvi, 14 août 1801. lbid., t. III, p. 364. 5. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. IV, p. 2-5, 27 et suiv., 30, 130, 221; t. VI, p. 134. Voir la nomination de Caprara, 24 août, et ses facultés de légat, 24 août-4 septembre 1801, Ibid., t. IV, p. 14-27. 6. Ibid., t. IV, p. 146. Spina le Premier Consul, dans l'audience du 31 août'. Son trésor obéré ne permettait pas au Saint-Siège de donner à Caprara une suite nombreuse, ni « la magnificence qu'il déployait en pareilles occasions dans des temps plus heureux », bien que « le Pape si appauvri et misérable dans ses dépenses personnelles, fit les choses très noblement en tout ce qui concernait la France3 ». Bonaparte y pourvut en partie par les honneurs qu'il fit rendre au légat en Cisalpine, puis en France. « Mon intention est qu'on lui donne des escortes », avait-il fait dire à Murat et à Pétiet. Postes et douanes avaient reçu l'ordre de le traiter comme ambassadeur extraordinaire; et jusqu'à Paris une garde d'honneur l'accompagna*. Là logement et équipages furent mis à sa disposition 5. Quoique Caprara vit de suite le Premier Consul et commença sans retard à exercer ses facultés de légat, il fallut attendre le vote du Concordat (8 avril 1802), plus de six mois, pour qu'eût lieu sa réception officielle, en grand gala (9 avril), et l'autorisation formelle de ses facultés, qui jusqu'ici n'avait été que tacite. D'ailleurs le serment que l'on exigeait de 1. Spina à Consalvi, 5 septembre 1801. Ibid., t. III, p. 491. 2. Ghislieri à Cobenzl, Rome, 5 septembre 1801. Ibid., t. IV, p. 27. 3. Cacault à Talleyrand, 9 septembre 1801. Ibid., t. IV, p. 30. 4. Le Premier Consul à Chaptal et au ministre des Finances, 30 août. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. III, p. 485 et suiv. Cf. Ibid., t. IV, p. 8, 47 et suiv., 56, 106, 130. 5. Ibid., t. IV, p. 114, 131, 133, 265. Tandis qu'il chargeait le ministre de l'Intérieur, Chaptal, de trouver une maison pour le cardinal Caprara », Bonaparte écrivit à Talleyrand (30 septembre 1804. Ibid., t. IV, p.114, n. 1): Désirant que le citoyen Bernier puisse traiter le cardinal Caprara d'une manière convenable, je vous prie de lui donner 24.000 francs sur les fonds secrets de votre département. On loua 15.000 fr., pour le légat, l'hôtel de Montmorin, ministère actuel des Colonies (rue Oudinot), qui fut, jusqu'à la loi sur les Assoations, la maison mère des Frères des Écoles chrétiennes. des. L'arrêté autorisant le légat à exercer ses facultés, préparé en no D |