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la doctrine qui y est contenue; et les évêques adresseront une expédition en forme de cette soumission au conseiller d'État chargé de toutes les affaires concernant les cultes'. » « On ne doit jamais confondre la religion avec l'État », dit Portalis dans son rapport sur les Articles organiques (4 avril 1802)2. « Ceux d'entre les ecclésiastiques qui seraient assez aveugles pour croire que le pontife romain, ou tout autre pontife, peut se mêler, en quelque manière que ce soit, du gouvernement des peuples, inspireraient de justes alarmes et offenseraient l'ordre social. » L'article 1er reproduisait exactement la motion gallicano-janséniste du concile constitutionnel de 18013 « Aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat provision, signature servant de provision, ni autres expéditions de la cour de Rome, même ne concernant que les particuliers, ne pourront être reçus, publiés, imprimés ni autrement mis en exécution sans l'autorisation du gouvernement. >>

A côté de quelques articles utiles, comme ceux qui autorisaient de nouveau le port de l'habit ecclésiastique et le son des cloches (art. 43, 48), qui rendaient aux curés leur presbytère, aux évêques leur évêché et à tous leur église (art. 72, 75), qui établissait des fabriques (art. 76) ou organisait les paroisses (60); à côté d'articles jamais appliqués ou peu utiles, tel le 6o, dû à Portalis, sur les appels comme d'abus au Conseil d'État, de la part des ecclésiastiques 1,

Ou

1. Pie VII, lors de son voyage pour le sacre, tenta mais en vain de faire rapporter cet article, qui en 1804 fut étendu à l'Italie; supprimé pour ce pays en 1806, le sénatus-consulte du 17 février 1810 le rétablit, et pour l'Empire tout entier : Les quatre propositions de l'Église gallicane sont déclarées communes à toutes les églises catholiques de l'Empire. >

2. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 298.

3. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. III, p. 470, 4°. Cf. plus haut.

4. Cf. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 313, n. 1, p. 314 et n. 3.

tel le 12° : « Il sera libre aux archevêques et évêques d'ajouter à leur nom le titre de citoyen ou de monsieur »; à côté de ces articles, il y en avait plusieurs intervenant directement dans la discipline de l'Église, comme pour les mariages 2, violant au besoin sa constitution. Portalis, dans son rapport 3, ne s'en cachait pas : « Les Articles organiques entrent dans quelques détails sur la discipline ecclésiastique. » Ils définissaient les devoirs pastoraux des évêques et dés curés, comme si d'eux datait l'Église. Toute une jurisprudence est sortie de ces articles, auxquels ne manquèrent ni additions, ni interprétations. Depuis le cimetière jusqu'au tabernacle, protestait Mer Parisis au temps de Louis-Philippe, depuis le budget de la fabrique et la caisse du trésorier jusqu'à la prédication et à la prière publique, depuis l'enfant de choeur et le sacristain jusqu'aux pasteurs de premier ordre, il n'y a pas, dans la discipline de l'Eglise, une chose ou une personne qui n'ait été atteinte par les décrets, lois, ordonnances, arrêts, décisions, circulaires 1. »>

1. Monseigneur, forme amplifiée de Monsieur, qui, venue d'Italie, s'acclimata en France à partir de Richelieu seulement, n'était employée, avant 1789, ni par le roi, ni par les ministres, ni par les évêques parlant d'un de leurs collègues. Le roi disait : Monsieur l'évêque; les ministres, Monsieur; les évêques, M. l'archevêque de Sens. (Cf. Abbé Sicard, L'ancien clergé de France, p. 46-53). Avec le titre de Monseigneur, le Consulat supprima la particule qui, sous l'Empire, reparut triomphante.

2. Article 54: ils ne donneront la bénédiction nuptiale qu'à ceux qui justifieront, en bonne et due forme, avoir contracté mariage devant l'officier civil. Dans le premier projet, on ajoutait ! « Ils ne pourront être contraints de bénir les mariages des époux divorcés », comme dans l'article 7 du Titre III de la loi organique du clergé Cisalpin (Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 61). Gf. le rapport de Portalis, Ibid., p. 301 et suiv.

Le décret du 28 octobre 1810 supprimera certains Articles organiques.

3. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 303.

4. Voir E. Sevestre, L'histoire, le texte et la destinée du Concordat,

A la joie causée à Rome par le Concordat, les Articles organiques devaient mêler quelque amertume. Bien que résignée à tolérer en fait des règlements semblables, dans l'ancienne France, dans les autres pays catholiques, et récemment encore en Cisalpine, la cour romaine ne pouvait être insensible à l'incorporation de ces articles à la loi sur le Concordat, et surtout au sens de certains d'entre eux : « La nouvelle que les Articles organiques, faits par la seule autorité de Bonaparte, ont été convertis en loi comme faisant partie du Concordat, et à l'insu de la cour apostolique, n'a pu qu'augmenter son déplaisir 2. » Le Pape, écrit Cacault le 12 mai 1802 à Portalis 3, « m'a parlé des Articles organiques. Il est très affecté de ce que leur publication, coïncidant avec celle du Concordat, a fait croire au public qu'il avait concouru à cet autre travail . Il les examine en ce moment et il désire

chap. I de la 2e partie, qui étudie les Articles organiques (2e édit., p. 302 et suiv.); Boulay de la Meurthe, Le rétablissement du culte catholique, p. 147 et suiv., 175 et suiv. M. Aulard, dans son Histoire politique de la Révolution, dit que l'État, par les Articles organiques, ‹ se méle de tout le culte, de tout le dogme, comme de toute la discipline ..

1. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 59 et suiv.

2. Lebzeltern à Colloredo, Rome, 1er mai 1802. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 580. Cf. lettre du même au même, 24 avril 1802, Ibid., p. 579; lettres de Consalvi à Caprara, du 21 avril et du 5 mai 1802, Ibid., p. 577 et 581.

3. Boulay de la Meurthe, op. cit, t. V, p. 583.

4. Le 13 avril (Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 583, n. 1), Cacault avait écrit à Talleyrand : Quant aux lois organiques, j'ai été obligé d'expliquer qu'elles n'étaient point publiées comme concertées avec le Pape; qu'elles étaient l'ouvrage du gouvernement, qui a le droit de les faire et qui en use ainsi l'égard de nos lois. »

L'erreur venait du légat Caprara, qui rectifia ensuite sa méprise : Les Articles organiques sont présentés comme faits le jour même où fut signé à Paris le Concordat. » (Caprara à Consalvi, Paris, 10 avril 1802. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 476.) Cette réflexion confirma Pie VII dans le trouble que lui avait causé la lecture des journaux, où les Articles organiques étaient publiés comme fai

avec ardeur, comme il me l'a répété, que ces Articles ne soient pas en opposition avec les lois de l'Église catholique. » Une Congrégation de cardinaux fut chargée en effet d'étudier les Articles organiques et de voir jusqu'où pouvait aller la tolérance pontificale'. A la suite de cet examen, Pie VII, dans son allocution consistoriale du 24 mai, après s'être réjoui de la publication en France du Concordat, déclara qu'il réclamerait « les modifications et les changements nécessaires à certains articles promulgués à notre insu 2 >>. Et bien que ce passage du discours ne plût guère à Paris3, le Pape ne cessa de réclamer l'abrogation ou le changement des Articles organiques. Son légat, Caprara, en 1803, insiste sur ce changement: s'il élimine le mémoire qu'il a demandé à l'abbé Brulley de la Brunière (évêque de Mende, 1822-1848), comme plus propre à irriter Bonaparte et Portalis qu'à en obtenir quelque chose, il adopte et fait sien celui de Bernier, qui, tout en ménageant les opinions gallicanes, se met au point de vue

sant partie de la convention concordataire. (Consalvi à Caprara, 5 mai 1802. Ibid., t. V, p. 581 et suiv.) Le gouvernement français rectifia l'erreur; et Portalis, dans son mémoire de septembre 1803, revenant sur ce point, dit nettement : « Le Concordat est un traité, les Articles organiques sont une loi : il est impossible de confondre des objets qui ne se ressemblent pas. › Cf. Boulay de la Meurthe, Histoire du rétablissement du culte, p. 318.

1. Consalvi à Caprara et aux nonces, 5 et 8 mai 1802. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 581 et t. VI, p. 184.

2. Boulay de la Meurthe, op. cit., t. V, p. 589. Cf. du même, Histoire du rétablissement du culte, p. 215 et suiv., 220 et suiv., 224 et suiv. 3. Portalis écrivit à Cacault que dans des imprimés de cette nature, le Pape ne doit jamais se permettre de blâmer publiquement des choses qui peuvent porter du trouble, surtout dans une église naissante. Et le Moniteur du 8 juin, qui publia la traduction de l'allocution papale, ajouta cette note inspirée de Bonaparte au passage ci-dessus cité : Ceci a rapport à la discussion qui existe depuis saint Louis, c'est-à-dire depuis six cents ans, sur les libertés de l'église gallicane, que les Papes n'ont jamais voulu formellement reconnaître les lois organiques rappellent lesdites dispositions.

romain et «< compte sur la bienveillance du gouvernement et sur son attachement sincère aux vrais principes de la religion », pour l'amendement de certains articles; « ne vaut-il pas mieux, disait-il par exemple au sujet de la Déclaration de 1682, que les directeurs des séminaires s'engagent à enseigner une morale sainte, plutôt qu'une déclaration qui fut et sera toujours une source de division entre la France et le Saint-Siège?» En 1804, Pie VII obtint de vagues promesses qui le décidèrent à faire le voyage de Paris, pour sacrer l'empereur; le mémoire qu'il lui remit alors débutait par une réclamation fort vive contre les Articles organiques, rédigée par les théologiens romains Fontana et Bertazzoli; elle ne fut supprimée que sur les instances pressantes du cardinal Fesch qui en prédisait le désastreux effet. En 1817, le nouveau Concordat stipula qu'ils seraient abolis en ce qu'ils avaient de contraire aux lois de l'Église. Tout cela ne fut qu'espérances frustrées. Et bien qu'il fût question de leur suppression à la Constituante de 1848, et lors des projets de sacre de Napoléon III, en 18532, les Articles organiques, greffés comme une plante parasite vivace sur le Concordat, ne disparurent qu'avec lui, en 1905 3.

3

1. Cf. Boulay de la Meurthe, Histoire du rétablissement du culte, p. 308 et suiv.

2. Napoléon III eût voulu, comme Bonaparte, se faire sacrer à Notre-Dame par le Pape. Les pourparlers durèrent de 1852 à 1854; et ce fut le refus d'abolir les Articles organiques qui causa finalement leur échec.

3. Pie IX, dans sa lettre du 30 décembre 1860 à l'archevêque de Chambéry, Mr Billiet, lors de l'application du Concordat aux diocèses de Savoie et de Nice, rappelle que le Saint-Siège n'a jamais cessé de réclamer et de protester contre ces articles. A l'occasion des affaires épiscopales de Dijon et de Laval, Mgr Mery del Val, le 26 juillet 1904, dit également que « le Concordat est bien distinct des Articles organiques, qui sont un acte unilatéral du gouvernement français contre lequel le Saint-Siège n'a jamais cessé de protester. » En son discours du 16 avril 1844, Montalembert s'était écrié à la tribune de

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