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ves, qui sont encore la matière première dont on referait l'esclavage, si les théories du Contrat social recevaient leur application, poursuivre de leurs vociférations et de leurs sarcasmes les ministres du Dieu libérateur des esclaves, et décerner les honneurs du Panthéon à ceux qui avaient érigé l'esclavage en principe!!!

En dernière analyse, comment une société barbare perd-elle ce caractère? Quels sont les faits politiques dont la conséquence est l'abandon du procédé industriel qui lui est propre, et l'adoption de celui qui caractérise la phase supérieure? A cette question notre réponse est, qu'une société barbare reste à tout jamais dans sa barbarie, à moins que le Christianisme ne l'en tire; or voici les preuves que nous en donnons: En fait, quelle est la nation non chrétienne qui ait franchi la phase de barbarie, et qu'on puisse avec fondement considérer comme civilisée ? Il n'y en a point; par la raison positive que cette transition est moralement impossible, tant que les rapports de maître à esclave, et réciproquement, seront ce que leur

origine les a faits, des rapports haineux. Quel est donc l'accident politique qui pourrait les rendre amiables? Sera-ce la révolte? En admettant que celle-ci soit victorieuse, il en résultera seulement qu'à une action violente succédera une réaction non moins violente; les personnes changeront de place; mais la situation restera toujours la même. Espère-t-on que l'action du temps usera un ressort aussi inhumain, et que la chaîne de l'esclavage se détendra peu à peu? Nous répondrons à cela que le temps n'est pas une cause par lui-même. Il est seulement vrai, qu'une très faible cause peut, à l'aide d'un long espace de temps, produire un très grand effet; mais là où la cause libératrice n'existe pas, bien plus là où la cause contraire agit seule, le temps, loin de diminuer l'intensité de l'esclavage, ne fait que l'augmenter. C'est le temps qui a enfanté l'esprit de caste, en vertu duquel les fers de l'esclave sont rivés à tout jamais; car en voyant le même état de choses se perpétuer de génération en génération, les hommes ont été naturellement

portés à conclure du fait au droit, de même que nous affirmons avec assurance que le soleil qui s'est couché ce soir, se lèvera demain, parce qu'une suite d'observations aussi longue que la mémoire des hommes peut l'embrasser, a prouvé que ces deux phénomènes se succédaient toujours sans interruption. Ainsi la barbarie a ses époques de décadence qu'il faut bien se garder de prendre pour une entrée en civilisation; quand bien même le premier de ces deux régimes emprunterait à l'autre toute son organisation matérielle, moins le sentiment de la fraternité humaine, il ne serait pas pour cela beaucoup plus avancé.

En résumé, il est clair que les peuples musulmans engagés aujourd'hui dans des réformes sans base morale, qui ne peuvent être pour eux que des causes d'affaiblissement, en présence de la vraie civilisation, y perdront avant peu leur nationalité, à moins que, par une de ces révolutions sociales que la Providence peut susciter à l'heure où elles parais

sent encore éloignées, ils ne sortent de leur barbarie par la seule issue possible, le Christianisme.

Cependant, dès que le flambeau de l'Evangile vient à éclairer un peuple barbare, il cesse par cela même de l'être, non que le procédé industriel change subitement, mais parce que l'esclavage, d'immuable qu'il était, devient progressible. Or il devient tel par la raison que le maître chrétien ne peut plus regarder son esclave comme une vile chair qui lui appartient, mais plutôt comme une âme qui appartient à Dieu, et que, d'un autre côté, l'esclave, loin d'être exclu du bénéfice de la morale, est en meilleure position que le maître lui-même, pour s'orner des vertus chrétiennes. On lui a dit que ces vertus recevraient leur récompense dans le ciel, et voilà qu'elles la reçoivent même sur la terre, car dès qu'il s'est rendu digne de la liberté, il est apte à la recevoir efficacement; il la recevra tôt ou tard, de manière ou d'autre; et quand il l'aura reçue, elle sera en bon

nes mains pour la garder; tandis que d'un homme sans vertu on peut bien faire un esclave révolté, mais non pas un homme libre. Du reste, il est superflu de faire observer que nous personnifions ici l'esclavage, pour la facilité du raisonnement; nous ne voulons pas dire que tout individu esclave qui sera digne de la liberté la recevra immanquablement, mais bien que la classe asservie étant désormais relevée de son abjection par la culture morale, est habile à devenir libre et le deviendra, non sans doute par une libération soudaine et entière, mais par diverses transformations successives qui la rapprochent peu à peu de l'état de liberté : l'histoire confirme cette assertion. Ainsi, la différence entre la barbarie et la civilisation ne consiste pas précisément dans l'emploi de l'esclavage direct par l'une, et son exclusion par l'autre; la société cesse d'être barbare, dès qu'en face de la puissance matérielle qui a fondé l'esclavage de fait, s'élève une autorité morale qui le condamne en droit; or, quelque faible que l'on suppose une cause de

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