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ture de leur contrat : 1° l'ouvrier payé en raison de son temps fait peu d'ouvrage ; 2° celui payé à la tâche en expédie de mauvais, toutes les fois qu'il peut le faire impunément ; 3° quand il a intérêt à exécuter loyalement son marché, il s'excède, ruine sa santé et abrége son existence. Il est vrai que, si nous faisons abstraction de toute sympathie humaine et envisageons le prolétaire comme un simple instrument de production, d'autant plus lucratif qu'il chôme moins, nous reconnaîtrons qu'il y a bénéfice pour la richesse publique, à ce qu'un ouvrier charpentier, par exemple, ne subsiste en vigueur et en santé que huit ans : c'est comme un mouvement rapide de capitaux, qui par cela même n'en est que plus profitable. En pareil cas, on doit être satisfait.

Cependant l'économie politique n'a pas pris, chez tous les écrivains qui l'ont professée, ce caractère d'optimisme inhumain qu'elle a dans les écrits d'Adam Smith, J.-B. Say, Destutt de Tracy et autres; il s'est formé ultérieurement une autre école animée d'un esprit bien diffé

rent, et à la tête de laquelle on remarque Malthus, Mill et Sismondi ; ceux-ci, en adhérant aux faits signalés par les premiers économistes, ont senti leur cœur se déchirer. Mais leur révolte sentimentale contre les affirmations de l'économie politique n'a eu qu'une valeur de critique, sans amener aucune solution de la question sociale; du moins ne pouvons-nous pas considérer comme telles leurs sympathiques doléances, ni même les légers palliatifs qu'ils indiquent de temps à autre pour conjurer le mal.

Au surplus, la loi dont nous venons de voir la démonstration et en vertu de laquelle le salaire de l'ouvrier est à peu près fixé au taux nécessaire pour le faire subsister, ne s'applique qu'au simple manouvrier, dont les travaux simples et grossiers exigent seulement qu'il soit en vie et en santé ; mais s'agit-il de l'ouvrier, ou de l'artisan, dont le métier exige un apprentissage et quelques avances de fonds, son salaire se composera: 1° de la somme nécessaire à sa subsistance; 2o de la rentrée, avec un léger bénéfice, de ce qu'il en a coûté à lui, ou à

ses parens, pour faire son éducation professionnelle; 3° de l'intérêt du petit capital, quelquefois nécessaire, pour le mettre à même d'exercer sa profession, soit instrumens de travail, échoppe, matières premières, etc. Du reste, ces modiques conditions étant, sinon à la portée de tout le monde, du moins d'un fort grand nombre, ne peuvent jamais donner lieu à des profits de monopole susceptibles d'élever la condition de l'artisan de bas étage beaucoup au-dessus de celle du simple journalier; aussi Smith et Say reconnaissent-ils que les travailleurs de cette classe gagnent, en général, peu de chose au-delà de leur subsistance, jointe à la rentrée de leurs frais d'apprentissage, et à l'intérêt auquel ils ont droit, en raison de leurs modiques avances de fonds.

Ainsi, nous pouvons comprendre dans la catégorie des hommes de peine, non seulement les simples manouvriers, mais toute cette classe d'ouvriers et d'artisans dont les métiers ne sont pas très difficiles à apprendre, et dont les frais d'établissement sont à peu près nuls; or, nous

s'il n'est

pas

à craindre que leur

savons que, salaire s'élève long-temps au-dessus du taux rigoureusement indispensable pour qu'ils puissent vivre et exercer leurs professions, d'un autre côté il est heureusement impossible qu'il descende au-dessous ; d'où nous sommes fondés à conclure que l'observation du dimanche, en admettant même qu'elle diminuât d'un septième le produit du travail, ne peut pas avoir pour effet de diminuer les moyens d'existence de l'ouvrier, pourvu toutefois que le même chômage soit obligatoire pour tous les gens d'un même métier. On voit par là que l'Église, qui, dans tous ses actes, se propose une double fin, fit preuve de sollicitude pour le bienêtre matériel du pauvre, quand, au jour de sa légitime autorité, elle en usa dans le même but que les officiers anglais dont parle Adam Smith, et multiplia les fêtes solennelles pendant lesquelles le forçat de la civilisation échappait à sa peine. Combien donc étaient myopes ceux qui croyaient que ce chômage était préjudiciable aux intérêts de l'ouvrier! Il est à peine conce

vable qu'un fait aussi simple ait pu échapper à l'intelligence d'une foule d'écrivains d'ailleurs judicieux. Il n'est pas jusqu'au bon Lafontaine qui ne fasse raisonner son savetier comme un philosophe du dix-huitième siècle; il est vrai que de leur côté, quand leur tour fut venu, les philosophes du dix-huitième siècle raisonnèrent comme des savetiers, ce qui fait compensation.

Si monsieur le curé

De quelque nouveau saint toujours charge son prône,

tant mieux pour toi, pauvre hère! rends-en grâces à M. le curé, au lieu de t'en plaindre; ta peine en sera désormais moindre et ton salaire restera toujours le même, soit que tu travailles cinq jours par semaine, ou six, ou même sept. Et si le travail est interdit à toi et à tes confrères pendant un jour sur six, il y aura place au soleil pour un savetier de plus, sur six.

Cependant, si cette disposition de l'autorité ecclésiastique était favorable à l'humanité,

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