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Des billets appuyés fur l'hypothèque fpéciale des biens da Domaine & du Clergé, des biens qui vont être défignés expreffément & affranchis de tout fervice public, peuvent ils, fans danger, être mis en circulation? L'intérêt attaché à ces Affignats peut-il ôter l'inconvénient reconnu à toute monnoie fictive? Voilà la question applicable à la circonftance. Le Premier Miniftre des Finances commence par l'intéreffante comparaifon des billets dont nous venons de vous parler, avec ceux de la Caiffe d'Efcompte. Il trouve aux uns & aux autres des avantages & des inconvéniens. A ceux-là, l'avantage de l'hypothèque; à ceux-ci, la faveur de l'habitude. Au refte, il les croit également propres à faire les fonctions de papier circulant.

Mais eft il poffible d'accroître, fans danger, la fomme des papiers en circulation, fous quelque forme qu'on les admette? Eft-il une proportion confirmée par l'expérience à cet égard? M. Necker pofe nettement ces questions; mais fes réponses partent de la fuppofition qu'il faudroit, pour fortir d'embarras, porter l'émiffion des billets jufqu'à la fomme de deux ou trois cents millions au-delà de celle qui exifte déja en billets de caiffe. Si donc nous arrivions penfer autrement que M. Necker fur le fond de la quef tion, nous pourrions attribuer cette différence d'opinions à la feule différence de nos données. Plufieurs des resources qu'il propofe étant certaines & admiffibles, il ne faut plus chercher la fomme entière de 294 millions, mais feulement celle de 132,000,000 liv. Et fi la Caiffe d'Efcompte n'a effectivement que pour 1 60 millions de billets en circulation, elle n'aura pas une une plus forte fomme d'affignats à employer pour retirer fes billets. Or, les deux fommes réunies ne compofent qu'un total de 292 millions. Ainfi l'excès d'émiffion des billets, qui auroit frappé M. Necker dans la fuppofition de 460 millions, ne le frapperoit peut-être plus lui-même, lorfqu'il la verroir réduite à 292 millions. Nous nous croyons fondés à lui obferver, à cet égard, égard, que dans fon Mémoire du 14 Novembre dernier, il propofoit d'éle

verà 240 millions l'émiffion des billets de la caiffe, quoique ces billetsn'euffent pas alors le gage impofant que leur donne aujourd'hui, tant pour le capital que pour les intérêts, l'abandon d'une partie confidérable des biens du Domaine & du Clergé. Nous lui obferverons encore, d'après fon Mémoire actuel, que la circulation des billets doit être infiniment facilitée par une forme nouvelle & par la faveur d'un intérêt, nous en conclurons du moins, avec quelque vraisemblance, que ce que le Premier Miniftre des Finances espéroit au mois de Novembre, avec une émiffion de 240 millions de billets de caiffe fans intérêts, nous pouvons l'ef. pérer de même avec celle de 292 millions en affignats portant intérêts & bien hypothéqués.

S'il étoit queftion d'admettre, pour la première fois, une monnoie fictive, & de lui faire prendre la place des fonds réels qui nous manqueroient, il y auroit fans doute plufieurs confidérations importantes à balancer, avant de s'y décider; mais le cas eft bien différent : il exifte des billets, il en exifte un grand nombre; ce n'eft plus une question abftraite qu'il s'agit de juger. C'eft entre des inconvéniens que vous devez choifir & prononcer; fi d'un côté l'inconvénient des billets de la caiffe eft inévitable, fi fur-tout, comme il faut bien le préfumer d'après le Mémoire de M. Necker, l'efpoir de les voir circuler librement au mois de Juillet, peut être douteux; fi au contraire il faut encore en accroître le nombre, comme le Miniftre le demande, il ne s'agit donc plus que d'examiner lequel eft préférable ou d'un papier, ou de l'autre, & la queftion fe réduit aux termes les plus fimples; ce n'eft donc que fous ce rapport que nous allons l'examiner.

Il y aura encore au mois de Juillet pour 160 millions de billets de caiffe en circulation; il faudra, pour rem plir ce que defire M. Necker, y en ajouter pour 40 millions, total 200; & fi vous vous rappellez, Meffieurs, le projet d'opérations dont je vous ai rendu compte dans la première partie de ce mémoire, il auroit fallu encore

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60 millions en anticipations, 30 millions en emprunt direct, 150 millions en effets conftitués ou à terme, pour épargner, 50 millions au Tréfor, & 30 millions en man3° dats fur 1791, ce qui compofe un emprunt total de 270 millions. Ainfi, Meffieurs, la queftion actuelle n'est pas de favoir lequel vaut le mieux, d'avoir ou de n'avoir pas du papier circulant. La réponse feroit facile, & nous vous dirions, fans héliter, qu'il vaut mieux n'en pas avoir; mais il s'agit de décider s'il vaut mieux fe borner à établir une circulation de 300 millions d'un papier évidemment bon, évidemment folide, plutôt que d'en conferver pour 200 millions d'un autre qui ne tient plus ce qu'il promet, qui ne peut plus fubfifter que par autorité qui, non acquitté, paffé le premier de Juillet, préfenteroit une infraction formelle à vos Décrets, & qui ne nous difpenferoit pas d'emprunter, dans le cours de cette année, 270 millions, au rifque de nous foumettre aux plus grands facrifices, d'échouer peut-être dans cette entreprise, & de perpétuer du moins les embarras qui nous tourmentent. Puifqu'une circulation de papier eft inévitable, acquérons du moins, à un intérêt modique, la certitude de faire face à tout, & de fortir enfin de cette défolante inquiétude qui, tous les deux mois, vient mêler fa peine à tant d'autres, & nous enlever jusqu'aux confolations de l'avenir.

Votre Comité, après avoir balancé toutes ces diverses confidérations, a penfé que, fans bleffer des principes inapplicables à la circonftance actuelle, & même fans manquer aux ménagemens convenables pour d'anciens préjugés, on pouvoit & l'on devoit prendre un parti qui dégageât à-la-fois & la Caiffe d'Efcompte, & le Tréfor public; il a penfé que les affignats fur les biens du Domaine & du Clergé pouvoient feuls rendre cet éminent fervice, & qu'il falloit tout difpofer pour les y rendre propres. Votre Comité fonde fon opinion fur celle de M. Necker lui-même, qui juge les affignats auffi propres Rapp. de M. de Montefquiou.

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à tenir lieu de monnoie, que les billets de la Caiffe, & qui croit que l'intérêt accordé aux billets doit en rendre la circulation plus facile.

Enfin, nous pourrions citer encore le vœu qui vous a été porté avant-hier par la Commune de Paris, vœu dicté par le patriotifme, qui fans doute aura des imitateurs, & dont l'exécution rendroit bien fimple & bien facile toute l'opération qui peut vous libérer.

L'opinion de votre Comité eft donc, 1°. qu'il faut rembourfer les 170 millions dus à la Caiffe d'Efcompte, par une fomme pareille en affignats fur la Caiffe de l'Extraordinaire, tels que vous les avez décrétés au mois de Décembre, & portant intérêt à 4 ou às pour cent, à dater du jour qu'ils feroient délivrés en payement (1); 2°. qu'il faut accorder à ces affignats la faculté de tenir, dans la circulation, la place qu'y occupent à préfent les billets de la Caiffe d'Efcompte, & d'être reçus dans toutes les caisses, tant publiques que particulières; 3°. que la Caiffe de l'Extraordinaire fera tenue en même-temps de verfer au Tréfor public une fomme de 132 millions en affignats pareils, pour être employés à tous les payemens néceffaires au fervice de l'année 1790.

Mais, en même-temps que votre Comité adopte cet avis, il ne fe diffimule pas qu'il feroit dangereux de laiffer au hafard le fuccès d'une fi grande entreprife. Vos affignats, Meffieurs, peuvent opérer le falut de l'Etat; mais il faut que vous le vouliez abfolument, & que vous ne laiffiez aucun doute à cet égard. Il faut que les immeubles qui représenteront ces affignats, foient évidemment libres de charges, d'hypothèques, enfin de tout ce qui pour

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(1) La Caiffe d'Efcompte ne mettroit en circulation que fomme d'affignats néceffaires au retrait de fes billets, & à cet égard on peut tout attendre du zèle de fes Adminiftrateurs & de fes Actionnaires.

roit inquiéter chaque porteur d'affignat fur fa portion de propriété.

Quand il fera démontré que la Nation a entre les mains ce dont elle a befoin pour fubvenir aux dépenfes du culte, à l'entretien des Miniftres, aux penfions des Religieux au foulagement des Pauvrés & aux Créanciers du Clergé, fans toucher aux immeubles confacrés à fervir de gages aux affignats, dès çet inftant même ils auront non-feule ment une valeur d'opinion, mais une valeur numérique. Ils feront effectivement & non fictivement une monnoie, & une monnoie avantageufe à recevoir, toujours échangeable en monnoie réelle, & toujours utile à tous les objets du commerce. Voilà, Meffieurs, ce que vous pouvez faire, mais ce qui ne fera pas, tant que vous laifferez en retard plufieurs opérations préliminaires. It en eft de bien importantes à déterminer, de bien preffantes, de bien néceffaires. Elles feules peuvent mettre en valeur ce grand moyen de falut. Tout dépend de la manièrè dont vous allez affurer les principaux befoins du culte, & c'est alors que certains d'une immenfe latitude, vous pourrez marcher à grands pas vers l'entreprife de l'extinction de la dette & du fontagement du Peuple.

L'avis que votre Comité vient de vous foumettre, eft fubordonné à ces précautions qu'il follicite de votre fageffe. Il penfe que fans elles vos affignats n'auroient qu'une valeur d'opinion variable comme elle, & c'eft avec regret qu'il vous verroit mettre au hafard ce qu'il vous eft fi aifé d'élever dans un inftant au-deffus de tous les efforts. des ennemis de la Patrie & de la Révolution.

TROISIÈME

PARTI E.

Du Comité de Trésorerie.

Le premier Miniftre des finances a fenti les difficultés de tout genre que préfentent les circonftances. Il femble que

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