Page images
PDF
EPUB

DOCUMENTS ÉPISCOPAUX.

AVERTISSEMENT.

Le 1er Janvier 1865, M. le Ministre de la Justice et des Cultes écrivait en ces termes aux évêques de France:

Monseigneur,

Le conseil d'Etat est saisi de l'examen d'un projet de décret tendant à autoriser la publication dans l'Empire, de la partie de l'Encyclique du 8 décembre dernier, qui accorde un jubilé pour 1865, et promulgue de nouveau la lettre apostolique du 20 novembre 1846, précédemment publiée en vertu de l'ordonnance du 31 décembre suivant.

[ocr errors]

Quant à la première partie de l'Encyclique et au document qui y est annexé sous le titre de « Syllabus complectens præcipuos nostræ ætatis errores, etc. » Votre Grandeur comprendra que la réception et la publication de ces actes qui contiennent des propositions contraires aux principes sur lesquels repose la constitution de l'Empire ne sauraient être autorisées. Ils ne peuvent donc être imprimés dans les instructions que vous croiriez devoir adresser aux fidèles pour le jubilé ou à toute autre occasion.

Vous jugerez sans doute convenable, Monseigneur, de transmettre au clergé de votre diocèse les recommandations nécessaires, pour qu'il s'abstienne en cette circonstance, de tout discours qui prêterait à des interprétations regrettables. Agréez, Monseigneur, l'assurance de ma haute considération.

Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Cultes,

[blocks in formation]

Comment interdire la défense

quand on a permis l'attaque ?

L'Encyclique n'est pas contraire

à la constitution de l'Empire.

La plupart des évêques répondirent à cette lettre. Nous produisons ici, par ordre de date, les réponses qui nous sont connues :

I. — Mer PIE, évêque de Poitiers, à M. le ministre des Cultes.

Monsieur le Ministre,

Poitiers, le 2 janvier 1865.

Je viens de lire avec un douloureux étonnement la lettre que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser à la date d'hier.

Que, conformément à une légalité qui n'a pas été explicitement abrogée, le gouvernement impérial imitant la façon d'agir du premier Empire, eût interdit à tout imprimeur et à tout journaliste de publier l'Encyclique du 8 décembre avec son annexe, la mesure aurait donné lieu aux observations et aux réclamations respectueuses de l'épiscopat, mais du moins la situation aurait été nette et logique.

Mais après que la presse a pu impunément divulguer, commenter, dénaturer, couvrir d'injures et de dérisions cette Lettre apostolique, qu'il soit défendu aux seuls évèques, c'està-dire aux promulgateurs naturels et officiels de tout écrit doctrinal du Vicaire de Jésus-Christ, de faire imprimer cet écrit et de l'adresser aux fidèles de leur diocèse, en rétablissant le vrai sens, la portée exacte et précise de l'enseignement qu'il contient, ce serait là, Monsieur le Ministre, un procédé aussi contraire aux lois de la logique qu'à celles de l'équité naturelle.

Quoi! après avoir laissé libre carrière aux accusateurs ignorants ou passionnés de la parole pontificale, l'interdit serait jeté à ses interprètes et défenseurs ! Je ne puis croire que le gouvernement de l'Empereur persiste dans une pareille détermination.

Il n'entre pas dans ma pensée d'aborder en ce moment le fond de la question. Quelques mots seulement.

Votre Excellence affirme que l'Encyclique et son annexe <«< contiennent des propositions contraires aux principes sur lesquels repose la constitution de l'Empire. » Je ne le crois pas; à moins que ce que la constitution du second Empire appelle « les principes de 89 » ne soit la teneur même de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen: dogmatisme trop décrié, trop contestable, et, dans tous les cas, trop spéculatif, pour que des hommes sérieux et pratiques en aient voulu faire la base d'un établissement politique.

Le fût-elle, le

publier.

Mais, en fût-il ainsi, j'oserai dire à Votre Excellence que, dans le domaine absolu des doctrines, cette contradiction de l'Eglise devrait encore être supportée à double titre par un gouverne- gouvernement ment qui veut être à la fois chrétien et libéral. Le protestan- devait la laisser tisme de l'Eglise établie est incontestablement la base de la constitution anglaise, et je ne sache pas qu'il soit défendu à l'épiscopat catholique d'Angleterre de publier les constitutions pontificales qui contiennent des propositions contraires à la doctrine protestante.

Pour ce qui est des conclusions pratiques, Votre Excellence sera la première à reconnaître que pas un mot, dans les deux pièces dont il s'agit, n'est de nature à porter les fidèles à la désobéissance et à la rébellion envers le pouvoir établi.

Dans tout ce qui précède, Monsieur le Ministre, j'ai fait abstraction d'une foule de considérations plus hautes et plus décisives, et j'ai voulu me poser principalement au point de vue du gouvernement lui-même. Voulez-vous qu'il soit dit qu'à l'heure où tous les efforts réunis tendent à faire prévaloir la maxime de l'Eglise libre dans l'Etat libre, le gouvernement français dispute à l'Eglise la liberté d'émettre des propositions qui contrarient les théories de l'Etat ?

L'Eglise libre dans l'Etat libre.

Quel avantage peut résulter de la défense

du

Ma parole, je le sais trop, Monsieur le Ministre, ne peut avoir la prétention d'être entendue comme une parole amie et bienveillante. Cependant ma conscience me dit que mon langage est autant celui du loyal français que de l'évêque catholique, et je ne prévois aucun avantage ni pour le pays, ni pour le gouvernement. gouvernement et la dynastie de l'Empereur, dans les conséquences de la mesure qui fait l'objet de ma légitime et respectueuse représentation. Aussi n'hesité-je point à vous prier de mettre cette lettre sous les yeux de Sa Majesté avec l'expression de mon respect

Agréez, etc.

II. Me Doney, évêque de Montauban, à M. le ministre

des Cultes.

Monsieur le Ministre,

Montauban, le 2 janvier 1865

J'ai reçu la lettre par laquelle, sous la date du 1er Janvier, époque à laquelle on a coutume de ne faire guère que des choses agréables, vous informez les évêques qu'ils aient à s'abstenir de publier la dernière Encyclique du souverain pontife, attendu qu'elle renferme des propositions contraires aux principes sur lesquels repose la constitution de l'Empire. Je conviens, Monsieur le Ministre, que plusieurs des doc

Plusieurs doctrines modernes opposées à la Bulle.

La défense du

ne les

sauve pas.

trines qu'on professe en ce moment et qu'on regarde de bonne foi, sans doute, comme un fondement assuré pour les gouvernements modernes, sont en opposition directe avec celles que l'Eglise catholique a toujours professées, et que Pie IX vient encore de proclamer avec une franchise, une netteté et un courage qui annoncent bien une certaine grandeur d'âme. Il semble être à deux doigts de sa perte, et il parle comme les Boniface VIII et les saint Grégoire VII.

Mais la cause de l'Eglise ne tient pas à ce que la Bulle gouvernement dont il s'agit soit publiée en ce moment par l'autorité épiscopale dans tous les diocèses de France. Les doctrines qu'elle renferme sont connues suffisamment de tous ceux qu'elles intéressent et qui ont charge de les faire valoir. Nous attendrons donc de meilleurs temps, des temps semblables aux dix ou douze années qui viennent de s'écouler, et qui n'ont pas laissé d'être glorieuses pour l'Empire, malgré la liberté dont ont joui les évêques pendant cet intervalle. Nous avons en effet le temps pour nous; mais je regrette cette mesure que le gouvernement a cru devoir prendre. Dans tous les cas, a le elle n'est pas née de l'esprit de progrès; c'est, au contraire, gouvernement le retour vers un passé que nous avions le droit de croire entièrement oublié et mis de côté. Jusqu'ici, ce passé n'avait profité à personne (l'histoire en fait foi), et le nouvel Empire ne s'était pas mal trouvé d'y avoir renoncé. Pourquoi faut-il qu'il change sa ligne de conduite au moment même où toutes les forces morales réunies ne sont pas de trop pour sauver la société, menacée par la Franc-Maçonnerie, l'esprit révolutionnaire et la démagogie !

Quel intérêt

de changer

sa ligne

de conduite?

Agréez, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma haute considération.

III. -Mer Régnier, archevêque de Cambrai, à M. le ministre des Cultes.

Monsieur le Ministre,

Cambrai, le 3 janvier 1865.

J'ai reçu la lettre que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser, à la date du 1er de ce mois, pour m'informer que la première partie de l'Encyclique du 8 décembre et le document qui y est annexé sous le titre de Syllabus complectens præcipuos nostræ ætatis errores, etc, ne peuvent être imprimés dans les instructions que je croirais devoir adresser aux fidèles pour le jubilé ou à toute autre occasion.

Je ne puis, Monsieur le Ministre, que répéter ici ce que, dans

« PreviousContinue »