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Mais les besoins actuels! mais la force publique paralysée ! mais, pour cette année et pour la suivante, cent soixante millions d'extraordinaire ! . . . Le Premier Ministre des Finances nous a proposé comme moyen principal pour cet effort, qui peut décider du salut de la monarchie, une contribution relative au revenu de chaque citoyen.

Pressés entre la nécessité de pourvoir sans délai aux besoins publics, et l'impossibilité d'approfondir en peu d'instants le plan qui nous était offert, nous avons craint de nous livrer à des discussions longues et douteuses; et, ne voyant dans les propositions du Ministre rien de contraire à nos devoirs, nous avons suivi le sentiment de la confiance, en préjugeant qu'il serait le vôtre. L'attachement universel de la nation pour l'auteur de ce plan nous a paru le gage de sa réussite; et nous avons embrassé sa longue expérience comme un guide plus sûr que de nouvelles spéculations.

L'évaluation des revenus est laissée à la conscience des citoyens: ainsi l'effet de cette mesure dépend de leur patriotisme. Il nous est donc permis, il nous est ordonné de ne pas douter de son succès.

Quand la nation s'élance du néant de la servitude vers la création de la liberté; quand la politique va concourir avec la nature au déploiement immense de ses hautes destinées, de viles passions s'opposeraient à sa grandeur ! l'égoïsme l'arrêterait dans son essor! le salut de l'État peserait moins qu'une contribution personnelle !

Non, un tel égarement n'est pas dans la nature; les passions mêmes ne cèdent pas à des calculs si trompeurs. Si la Révolution, qui nous a donné une patrie, pouvait laisser indifférents quelques Français, la tranquillité du royaume, gage unique de leur sûreté particulière, serait du moins un intérêt pour eux. Non, ce n'est point au sein du bouleversement universel, dans la dégradation de l'autorité tutélaire, lorsqu'une foule de citoyens indigents, repoussés de tous les ateliers des travaux, harceleront une impuissante pitié; lorsque les troupes se dissoudront en bandes errantes,

armées de glaives, et provoquées par la faim; lorsque toutes les propriétés seront insultées, l'existence de tous les individus menacée, la terreur ou la douleur aux portes de toutes les familles : ce n'est point dans ce renversement que des barbares égoïstes jouiront en paix de leurs coupables refus à la patrie : l'unique distinction de leur sort dans les peines communes serait aux yeux de tous un juste opprobre; au fond de leur âme un inutile remords.

Eh! que de preuves récentes n'avons-nous pas de l'esprit public, qui rend tous les succès si faciles! Avec quelle rapidité se sont formées ces milices nationales, ces légions de citoyens armés pour la défense de l'État, le maintien de la paix, la conservation des lois1! Une généreuse émulation se manifeste de toutes parts. Villes, communautés, provinces, ont regardé leurs privilèges comme des distinctions odieuses; elles ont brigué l'honneur de s'en dépouiller pour en enrichir la patrie. Vous le savez, on n'avait pas le loisir de rédiger en arrêtés les sacrifices qu'un sentiment vraiment pur et vraiment civique dictait à toutes les classes de citoyens, pour rendre à la grande famille tout ce qui dotait quelques individus au préjudice des autres 2.

Surtout depuis la crise de nos finances, les dons patriotiques se sont multipliés. C'est du trône, dont un prince bienfaisant relève la majesté par ses vertus, que sont partis les plus grands exemples. Ô vous si justement aimé de vos peuples! Roi, honnête homme et bon citoyen! vous avez jeté un coup-d'œil sur la magnificence qui vous environne; vous avez voulu, et des métaux d'ostentation sont devenus des ressources nationales; vous avez frappé sur des objets de luxe, mais votre dignité suprême en a reçu un nouvel éclat; et pendant que l'amour des Français pour votre personne sacrée murmure de vos privations, leur sensibilité applaudit à votre noble courage, et leur générosité vous

1 On the formation of the National Guards, see Stephens' History of the French Revolution, vol. i. pp. 180, 181.

2 Further reference to the 4 August.

rendra vos bienfaits comme vous désirez qu'on vous les rende, en imitant vos vertus, et en vous donnant la joie d'avoir guidé toute votre nation dans la carrière du bien public 1.

Que de richesses dont un luxe de parade et de vanité a fait sa proie peuvent reproduire des moyens actifs de prospérité ! Combien la sage économie des individus peut concourir avec les plus grandes vues pour la restauration du royaume! Que de trésors accumulés par la piété de nos pères pour le service des autels n'auront point changé leur religieuse destination en sortant de l'obscurité pour le service de la patrie! Voilà les réserves que j'ai recueillies dans des temps prospères,' dit la religion sainte; 'je les rapporte à la masse commune dans des temps de calamités. Ce n'était pas pour moi; un éclat emprunté n'ajoute rien à ma grandeur: c'était pour vous, pour l'État que j'ai levé cet honorable tribut sur les vertus de vos pères.'

Oh! qui se refuserait à de si touchants exemples? Quel moment pour déployer nos ressources, et pour invoquer les secours de toutes les parties de l'empire! Prévenez l'opprobre qu'imprimerait à la liberté naissante la violation des engagements les plus sacrés. Prévenez ces secousses terribles qui, en bouleversant les établissements les plus solides, ébranleraient au loin toutes les fortunes, et ne présenteraient bientôt dans la France entière que les tristes débris d'un honteux naufrage. Combien ils s'abusent, ceux qui, à une certaine distance de la capitale, n'envisagent la foi publique, ni dans ses immenses rapports avec la prospérité nationale, ni comme la première condition du contrat qui nous lie! Ceux qui osent prononcer l'infâme mot de banqueroute veulent-ils donc une société d'animaux féroces, et non d'hommes justes et libres? Quel est le Français qui oserait envisager un de ses concitoyens malheureux, quand il pourrait se dire à soi-même : J'ai contribué, pour ma part,

On the patriotic gifts including the royal plate, see Stephens' History of the French Revolution, vol. i. p. 353.

à empoisonner l'existence de plusieurs millions de mes semblables? Serions-nous cette nation à qui ses ennemis mêmes accordent la fierté de l'honneur, si les étrangers pouvaient nous flétrir du titre de NATION BANQUEROUTIÈRE, et nous accuser de n'avoir repris notre liberté et nos forces que pour commettre des attentats dont le despotisme avait horreur?

Peu importerait de protester que nous n'avons jamais prémédité ce forfait exécrable. Ah! les cris des victimes dont nous aurions rempli l'Europe protesteraient plus haut contre nous! Il faut agir, il faut des mesures promptes, efficaces, certaines. Qu'il disparaisse enfin ce nuage trop longtemps suspendu sur nos têtes, qui, d'une extrémité de l'Europe à l'autre, jette l'effroi parmi les créanciers de la France, et peut devenir plus funeste à nos ressources nationales que les fléaux terribles qui ont ravagé nos campagnes !

Que de courage vous nous rendrez pour les fonctions que vous nous avez confiées! Comment travaillerions-nous avec sécurité à la constitution d'un État dont l'existence est compromise? Nous nous étions promis, nous avions juré de sauver la patrie: jugez de nos angoisses, quand nous craignons de la voir périr dans nos mains. Il ne faut qu'un sacrifice d'un moment, offert véritablement au bien public, et non pas aux déprédations de la cupidité. Eh bien ! cette légère expiation pour les erreurs et les fautes d'un temps marqué par notre servitude politique, est-elle donc au-dessus de notre courage? Songeons au prix qu'a coûté la liberté à tous les peuples qui s'en sont montrés dignes: des flots de sang ont coulé pour elle; de longs malheurs, d'affreuses guerres civiles ont partout marqué sa naissance! . . . Elle ne nous demande que les sacrifices d'argent; et cette offrande vulgaire n'est pas un don qui nous appauvrisse: elle revient nous enrichir, et retombe sur nos cités, sur nos campagnes, pour en augmenter la gloire et la prospérité.

VI.

ON THE MOTION THAT NO MEMBER OF THE ASSEMBLY BE ALLOWED TO ENTER THE MINISTRY (7 November 1789).

THE great aim of Mirabeau during the latter months of 1789, after the King and the Assembly had removed from Versailles to Paris in October, was the formation of a strong ministry selected from the leaders of the Constituent Assembly. With his usual political wisdom he saw that the continued separation of the executive and legislative powers of the government would bring about a state of anarchy. In the first of those admirable state papers which he drew up for the guidance of the Court, and which remain as the chief evidence to his genius, he pointed out that the only way in which the King could hope to direct the further progress of the revolutionary movement was by appointing a responsible ministry after the English fashion from the ablest and most influential deputies in the Assembly 1. This state paper was drawn up early in October at the request of the Comte de la Marck, and was followed by two schemes of ministries 2. It is a remarkable proof of his self-abnegation that Mirabeau does not mention any office for himself; on the contrary, with an indirect allusion to those faults of his youth, which he so bitterly regretted, he recommends that the Comte de Mirabeau should have a seat in the council of ministers without a department 'because the government must show clearly that its first assistants shall have good principles, character, and talent.' The report that the formation of a new ministry, consisting of deputies and including Mirabeau, soon got abroad, and spread consternation among the more timid members, who declared that the Court was trying to bribe their leaders by giving them office. Lanjuinais, deputy for Rennes, made himself the mouthpiece of these deputies, and moved on 7 November that no deputy should be allowed to take office while he held his seat in the Assembly or for three years after his resignation, to which Blin, deputy for Nantes, moved

1 Correspondance entre Mirabeau et La Marck, ed. de Bacourt, vol. i. pp. 254-264.

2 Ibid. pp. 280, 281.

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