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et

jusqu'à Manrèse, à trois lieues de extrémité, il résolut de ne prendre Montferrat. Il s'y retira dans l'hô- aucune nourriture qu'il n'eût rétapital, en attendant qu'il pût aller bli la paix de son ame. Il passa s'embarquer à Barcelonne, pour faire sept jours entiers sans boire ni manson voyage de la Terre-Sainte; là, | ger, et, qui plus est, sans rien reil eut tout le temps qu'il désiroit lacher de ses exercices accoutumés; pour faire pénitence sans être connu. et sans doute auroit-il été plus loin, Il jeûna toute la semaine au pain et à si sou confesseur ne lui eût ordonné l'eau, excepté le dimanche, qu'il de prendre quelque nourriture. » mangeoit un peu d'herbes cuites. Il Dès que le calme eut été rétabli dans se serra les reins d'une chaîne de son esprit, il partit pour la Terrefer, prit un rude cilice sous son Sainte, où il arriva en 1523. De habit de toile, macéroit sou corps retour en Europe, il étudia, quoitrois fois le jour, couchoit sur la que âgé de 33 ans, dans les univerterre, et dormoit peu. Outre cela, sités d'Espagne. Mais les traverses il alloit demander du pain de porte que son génie ardent lui occasionna, en porte, affectant toutes les ma- et la confusion que les études de la nières d'un mendiant de profession: langue latine, de l'éloquence, de la la négligence absolue de toute pro- métaphysique, de la physique, et preté rendit sa figure affreuse et sur-tout de la théologie scolastique, ridicule. Aussi, quand il paroissoit, jetèrent dans sa tête, le déteriniles enfans le montroient au doigt, nèrent de passer à Paris en 1528. lui jetoient des pierres, et le sui- I recommença ses humanités au voient par les rues avec de grandes college de Montaigu, mendiant de huées. Cependant le bruit ayant porte en porte pour subsister, couru dans Manrèse qu'il pouvoit montrant un esprit plus singulier bien être un homme de qualité qui que solide et pénétrant. Il fit ensuite faisoit pénitence, il alla se cacher sa philosophie au collège de Saintedans une caverne sous une mon- Barbe, et sa théologie aux dominitague déserte, à un quart de lieue cains. Ce fut à Sainte-Barbe qu'il de la ville. Les mortifications exces- s'associa, pour l'établissement d'un sives qu'il y pratiqua affoiblirent nouvel ordre de religieux, François extrêmement sa santé, et lui cau- Xavier, Pierre Lefèvre, Jacques sèrent des foiblesses continuelles. Lainez, Alfonse Salmeron, NicolasQuelques personnes qui avoient dé- Alfonse Bobadilla, Simon Rodricouvert sa retraite l'y trouvèrent guez. Les premiers membres de la évanoui, le firent revenir de sa de- société se lièrent par des vœux, en faillance, et le ramenèrent, malgré 1534, dans l'église de Montmartre. lui, à l'hôpital de Manrèse, où il Ils passèrent ensuite à Rome, et de fut tenté de quitter le genre de vie là à Venise, où ils furent ordonnés qu'il menoit, et de s'en retourner prêtres. Ils prêchoient dans la place chez lui. Il se retira cependant chez publique. « Comme ils avoient la les religieux dominicains de Man-mine étrangère, dit le P. Fabre rèse; mais, loin d'y trouver du après le P. Bouhours, et qu'ils parsoulagement, il se sentit encore plus loient mal italien, le peuple, qui tourmenté qu'à l'hôpital: il y tomba les prenoit pour des tabarins et des dans une noire mélancolie; et étant saltimbanques venus des pays éloiun jour dans sa cellule, il eut la gnés, s'assembloit en foule autour pensée de se jeter par la fenêtre pour d'eux. Mais quelquefois ceux qui finir ses maux. Il revint néanmoins ne s'étoient arrêtés que pour rire de cet état. Mais passant à une autre s'en retournoient pleurant leurs pé

chés.... » Ignace retourna à Rome | de la croix de J. C., obéir au souveen 1537, et présenta au pape Paul III rain pontife, son vicaire en terre, le projet de son institut. Le fonda- après les vœux solenuels de chasteur en espéroit de si grands avan- teté, de pauvreté et d'obéissance; tages pour l'Eglise, qu'il ne voulut se persuader qu'ils deviennent memjamais entrer dans l'ordre des théa- bres d'une société qui n'est établie tins, quelques instances que lui fit que pour la défense et la propagale cardinal Cajetan. Le pape fit d'a- tion de la foi, pour l'avancement bord quelques difficultés d'approu- des ames dans la vie chrétienne, ver son ordre; mais Ignace ayant pour prêcher et instruire en public ajouté aux trois vœux, de pauvreté, et remplir tous les exercices spiride chasteté et d'obéissance, un qua- tuels; pour enseigner les élémeus trième vœu d'obéissance absolue au de la religion aux enfaus et aux pontife romain, Paul III confirma peuples; écouter les fidèles en couson institut en 1540, sous le titre fession, leur administrer les sacrede Compagnie de Jésus. Ignace mens; consoler les affligés, reconavoit donné ce nom à sa nouvelle cilier ceux qui sont divisés; visiter milice pour marquer que son des- les prisonniers et les pauvres dans sein étoit de combattre les infidèles les hôpitaux, et exercer toutes les sous la bannière de J. C. Ses enfans œuvres de charité qui concourent à prirent ensuite le nom de Jésuites, la gloire de Dieu et au bien public, du nom de l'Eglise de Jésus qu'on en faisant tout gratuitement et sans leur donna à Rome. Ignace, élu, le recevoir aucune récompense. » Mal22 avril 1541, général de la famille gré ces éloges, le nouvel institut dont il étoit le père, eut la satis- essuya en France de grandes trafaction de la voir se répandre en Es- verses. Le parlement de Paris, la pagne, en Portugal, en Allemagne, Sorbonne, l'université, alarmés de dans les Pays-Bas, dans le Japon, la singularité de ses priviléges et de dans la Chine, en Amérique. Fran- ses constitutions, s'élevèrent conçois Xavier, et quelques autres mis- tre lui. La Sorbonne donna un désionnaires sortis de sa société, por- cret en 1554, par lequel elle le jugea tèrent son nom jusqu'aux extrémi- plutôt né pour la ruine que pour tés de la terre. Sa compagnie, qui l'édification des fidèles. Ce décret n'avoit pas encore pu pénétrer en ayant été envoyé à Rome, les France, y eut un établissement en principaux jésuites voulurent ré1550, l'année même que Jules III pondre dans les formes, pour donna une nouvelle bulle de con- faire connoître aux docteurs qu'ils firmation. Le pape dit dans cette jugeoient mal leur société. Ignace, bulle, datée du 21 juillet, « qu'ayant plus prudent que ses confrères, crut appris par Paul III, son prédéces- que la meilleure réponse étoit un proseur, le grand avantage qu'Ignace fond silence. «Dans certaines causes de Loyola et ses compaguons pro- disoit-il à ces Pères, il vaut mieux se curoient à l'Eglise par leurs préditaire que de parler; et l'on n'a pas becations, leur vie exemplaire, leur soin de se venger ou de se défendre par charité, et leur dévouement entier | la plume, quand la vérité se venge aux successeurs de saint Pierre, il et se défend elle-même. Quelque confirme leur institut, et avertit grande que soit l'autorité des théoque tous ceux qui voudront entrer logiens qui nous condamnent, elle dans cette compagnie, à laquelle il ne doit point nous faire peur : Dieu donne le nom de Société de Jésus, est notre défense mettons notre doivent y combattre sous l'étendard cause entre ses mains et nous triom

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pherons de la calomnie. » Ou ajoute |
qu'il les assura que, malgré tous ces
obstacles, la société seroit reçue en
France, et que le collége qu'elle au-
roit à Paris seroit un des plus cé-
lèbres de l'Europe. Il fut prophete.
La patience et la politique dissipè-
rent peu
peu ces orages. Le par-
lement de Paris consentit enfin à
l'établissement des jésuites en France,
parce qu'ils lui parurent propres à
combattre les protestans. Le fonda-
teur mourut le 31 juillet 1556. Il
avoit vu l'accomplissement des trois
choses qu'il désiroit le plus son
livre des Exercices spirituels ap-
prouvé par le saint-siége, la société
confirmée, et ses Constitutions ren-
dues publiques. Sa compagnie avoit
déjà douze provinces, qui avoient
au moins cent colléges, saus les mai-
sons professes. On comptoit au com-
mencement du 17° siècle environ
vingt mille jésuites, tous soumis à
un général perpétuel et absolu; mais
leur nombre diminua depuis qu'ils
eurent été supprimés par le pape
Clément XIV. Pie VII, par sa bulle
du 7 mars 1801, dérogeant à la
constitution de ce pontife du 21
juillet 1773, a rétabli la compagnie
de Jésus dans l'empire de la Russie.
supérieure, nommant pour général
François Kareu, en lui enjoignant
néanmoins de ne point former d'é-
tablissemens ailleurs. Ce fut dans
le temps de la suppression des jé-
suites que Pasquin dit : Et divites
dimisit inanes. En effet, ces reli-
gieux avoient joui jusqu'alors de l'é-
clat le plus brillant, et des plus
grandes richesses, ou du moins de
la réputation d'être très-riches. On
les a vus gouverner dans les cours
de l'Europe, se faire un grand nom
par leurs études et par l'éducation
qu'ils ont donnée à la jeunesse ; aller
réformer les sciences à la Chine,
rendre pour un temps le Japon chré-
tien, et donner des lois aux peuples
du Paraguay. Le zèle a fait entre-

prendre à la société des choses éton-
nantes. Il est glorieux pour elle d'a-
voir été la première qui ait porté dans
les contrées de l'Amérique l'idée de
la religion, jointe à celle de l'hu-
manité. Il seroit à souhaiter que la
reconnoissance que lui devoit le genre
humain, pour avoir tiré des hom-
mes sauvages des bois et les avoir
civilisés, n'eût pas été affoiblie par la
cupidité et la passion de dominer
qui animèrent quelques-uns de ses
membres. Cet esprit d'intrigue et
d'intérêt n'étoit point celui du fon-
dateur. Si sa jeunesse eut des dé-
fauts et des singularités, sa vieil-
lesse fut un modèle de toutes les
vertus. On peut en voir le tableau
plus détaillé dans les Vies de ce
fondateur, par Maffei et par Bou-
hours, deux de ses enfans. Ils lui
ont attribué à la vérité des visions
des extases et des miracles; mais il
faut pardonner quelque chose à la ten-
dresse filiale. Les louanges que Bou-
hours donne à son patriarche (voy.
BOUHOURS), sont très-modérées, en
comparaison de celles qui lui furent
prodiguées en Espagne dans le temps
de sa beatification. Le jésuite Sollier
a donné la traduction de trois dis-
cours prêchés alors, dans lesquels
on trouve, « 1° qu'Ignace, avec son
nom écrit sur un billet, avoit opéré
plus de miracles que Moyse n'en
avoit fait au nom de Dieu avec sa
baguette; 2o que la sainteté d'Ignace
étoit si relevée, même à l'égard des
bienheureux et des intelligences cé-.
lestes, qu'il n'y avoit que les papes
comme S. Pierre, les impératrices,
comme la mère de Dieu, quelques
monarques, comme Dieu le père et
son Fils, qui eussent l'avantage d'a-
voir la préminence sur lui; 3° que les
autres fondateurs religieux avoient
été sans doute envoyés en faveur de
l'Eglise ; mais que Dieu nous a parlé
en ces derniers temps par son fils
Ignace, qu'il a établi héritier de
toutes choses; 4° enfin, qu'Ignace

affectionnoit particulièrement le pape | y est ramené à l'autorité d'un seul, et à l'avantage d'une puissance étrangère. Voyez LAINEZ, n° I. EsTAMPES, n° 1, et Ricci, n° V.

de Rome, le regardant comme le légalime successeur de J. C. et son vicaire sur la terre.» (Voyez aussi CAJETAN.) Ignace laissa à ses disciples, I. Les Exercices spirituels, au Louvre, 1644, in-fol. Ils ont été traduits en français par l'abbé Maupertuis, et dans presque toutes les langues de l'Europe. On prétend que cet ouvrage n'est qu'une copie de celui que le P. Cisueros, abbé du Mont-Serrat, mort en 1510, avoit publié, en 1500, pour les cénobites de cette montagne. Ceux qui ont vu le livre original, imprimé au MontSerrat même, ne doutent point de ce plagiat. II. Des Constitutions. Plusieurs écrivains les attribuent à Lainez, second général des jésuites. Il s'y trouve, selon eux, trop de pénétration, de force d'esprit, de fine politique, pour qu'elles puissent être de S. Ignace, qui, selon les mêmes auteurs, n'avoit pas autant d'étendue de génie que Lainez. Mais il est vraisemblable que S. Ignace, 'en rédigeant les Constitutions, consulta les premiers membres de la société. Quoi qu'il en soit, ces Constitutions parurent pour la première fois en 5 parties, à Rome, en 1558 et 1559, in-8°. La dernière édition est de Prague, 1757, 2 vol. petit in-folio. Il y a sur le même objet Regulæ societatis Jesu, 1582, in12, et le Ratio studiorum, 1586, in-8°, rare. Ce dernier a été imprimé avec des changemens, en 1591, in-8° Le bénédictin Constantin Cajetan, le même qui avoit revendiqué avec raison les Exercices spirituels, comme un ouvrage de Garcias Cisneros son confrère, prétend, dans son Vindex benedictinorum, que S. Ignace avoit pris sa règle sur celle de S. Benoît, et qu'elle avoit été composée au Mont-Cassin par quatre bénédictins. C'est une fable. Les intérêts des particuliers sont peu ménagés dans cette règle, tout

V. IGNACE, etc. DE GRAVESON. Voy. GRAVESON.

VI. IGNACE-JOSEPH DE JESUS MARIA. Voy. SANSON (Jacques).

*

IGOLINO DE MONTECATINI, né vers l'an 1348, professa la médecine dans l'université de Pise pendant près de 25 ans, et écrivit le premier sur les bains de Pise, vers l'an 1410. Cette ville! étant passée sous la domination de Jean Galeazzo, duc de Milan, il se démit de ses emplois et se transporta à Lucques, où il fut accueilli par Paul Guinigi. De là, Igolino passa peu de temps après au service de Malatesta, seigueur de Pesaro, avec une pension de 500 florins d'or. On a de ce savant, outre un Traité sur les bains de la Toscane, un autre ou➡ vrage plus étendu, sous le titre de Balneorum Italiæ proprietatibus ac virtutibus, qui fut remis en un latin plus pur, et adressé au duc de Ferrare, Bosco d'Est; on le trouve dans la collection des auteurs de Balneis, imprimée en 1553, Venise, par les Giunti. D'après l'inscription sépulcrale qui étoit à Sta Maria Novella de Florence, il paroit qu'lgolino termina ses jours en 1425.

IGOR, souverain de Russie, succéda à son père Rourik dans le gouvernement de ce vaste empire. Après avoir fait long-temps la guerre aux peuples voisins, il partit avec dix mille barques et quatre cent mille combattans, pour aller ravager l'Orient. Il inonda de sang le Pont, la Paphlagonie et la Bithynie. Les Grecs ne purent s'en délivrer qu'à l'aide du feu grégeois qu'ils lancèrent sur la flotte russe. Igor

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par Jean Gerson, qui prétendit qu'elle n'étoit pas orthodoxe. On a encore de lui un gros volume imprimé à Venise en 1485, sous le titre de Arbor vitæ Crucifixi.

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+ II. ILIA. Voy. RHÉA-Sylvia. * ILIVE ( Jacob ), imprimeur anglais, et fondeur de caractères, mort en 1768, a donné quelécrits très singuliers, tels qu'une prétendue Traduction du livre de Jasher, ou Discours dans lequel on prouve que ce monde est un enfer, que les hommes sont les anges déchus, et que le feu qui les détruira à la fin du monde sera immatériel.

* IHRE (Jean), savant suédois, connu par un grand nombre d'ouvrages sur la langue et les antiquités de sa patrie, mort vers 1770, dans un âge assez avancé. On a de lui, 1. Glossarium Sueco-gothicum, Upsal, 1769, 2 vol. in fol. II. Evangelia gothica versionis Ulphilance, Upsal, 1763 in-4°. III. Analecta Ulphilana, duabus comprehensa dissertationibus; prima de codice argenteo, et litteraturá gothicá; altera de Moso-Gothorum nominibus. Upsal, 1769, in-4°. IV. Scripta versionem Ulphilanam, et linguam Moso-gothicam illustran-siastique et historien espagnol, qui

tia, Berlin, 1773, in-4°. Cet ouvrage fut publié par les soins d'Antoine Frider Büsching.

* ILLESCAS (Gonsalve), écclé

mourut en 1580, a écrit en espaguol l'Histoire du pontificat catholique, contenant les vies des papes, 2 vol. in--fol. 1570. Cet ouvrage a été continué par Louis de

Guadalaxara, religieux de l'ordre des carmes y a ajouté un volume.

+ ILDEFONSE, ou HILDEPHONSE, disciple de St. Isidore de Sé-Babia, jusqu'en 1605; et Marc de ville, d'abord abbé d'Agali, ensuite archevêque de Tolède, mourut le 23 février 667, à 82 ans, laissant plusieurs ouvrages dont les seuls qui nous restent sont un Traité de la virginité perpétuelle de Marie, et un autre De cognitione baptismi, sauvé des ruines du temps par luze.

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ILLHARAT DE LA CHAMBRE. Voy. CHAMBRE, no III.

famille distinguée, qui descendoit † ILLIERS ( Milon d'), né d'une en ligne directe des anciens comtes de Vendôme, fut évêque de Chartres depuis 1459 jusqu'en 1480. C'étoit un prélat ingénieux et qui avoit la repartie prompte. Louis XI l'ayant rencontré sur une mule maguifiquement enharnachée : « Ce n'est pas en cet équipage, lui dit le prince, que marchoient les évêques des temps passés.

Cela est

vrai, sire, répondit d'Illiers, mais en ces temps aussi, les rois avoient la houlette et gardoient les troupeaux..... » Le même prince reprochant à ce prélat sa passion pour les procès, et voulant qu'il y renoncât : « Ah! sire, lui répondit-il, je vous

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