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que, n'est point étrangère à notre sujet (l'éloge des lettres), est la lettre par laquelle le Cardinal fait don de sa riche collection au Doge (Christ. Moro) et au Sénat de Venise. Cette lettre prouve la passion du Cardinal pour les livres, et la pureté de son goût dans l'éloge qu'il en fait. Nous ne pouvons nous refuser au plaisir d'en rapporter une partie.

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(1) Dès ma plus tendre enfance, dit-il, tous

(1) « Equidem semper à tenerâ ferè puerilique ætate omnem meum laborem, omnemque operam, studium, curamque adhibui, ut quoscunque libros in omni disciplinarum genere compa rarem. Propter quod non modo plerosque et puer et adolescens manu meâ conscripsi; sed quidquid pecuniola seponere interim parca frugalitas potuit, in his coëmendis absumpsi. Nullam enim magis diguam atque præclaram suppellectilem, nullum utiliorem præstantioremque thesaurum parare mihi posse existimabam.

« Vocibus pleni, pleni antiquitatis exemplis, pleni moribus, pleni legibus, pleni religione, vivunt, conversantur, loquunturque nobiscum. Docent nos, instituunt, consolantur: resque à memoriâ nostrâ remotissimas, quasi præsentes nobis exhibent et ante oculos ponunt, Tanta est eorum potestas, tanta dignitas, tanta majestas, tantum denique numen, ut nisi libri forent, rudes omnes essemus atque indocti; nullam ferè præteritarum rerum memoriam, nullum exemplum, nullam deuique nec humanarum nec divinarum rerum cognitionem haberemus; eadem urna quæ hominum corpora contegit, etiam nomina obrueret.

«Quamvis autem huic rei toto animo semper incubuerim, ardentiori tamen studio, post Græciæ excidium et detestandam Byzantii captivitatem, in perquirendis libris græcis omnes meas vires, omnem curam, omnemque operam, facultatem industriamque consumpsi. Verebar enim et vehementissime formidabam ne cum cæteris rebus tot excellentissimi viri, tot summorum virorum sudores atque vigi

mes goûts, toutes mes pensées, tous mes soins n'ont eu d'autre but que de me procurer des livres pour en former une bibliothèque assortie. Aussi dès mon jeune âge, non seulement j'en copiois beaucoup, mais toutes les petites épargues que je pouvois mettre de côté par une grande économie, je les employois sur-le-champ à acheter des livres ; et en effet, je croyois ne pouvoir acquérir ni d'ameublement plus beau, plus digne de moi, ni de trésor plus utile et plus précieux. Ces livres dépositaires des langues, pleins des modèles de l'antiquité, consacrés aux mœurs, aux lois, à la Religion, sont toujours avec nous, nous entretiennent et nous parlent; ils nous instruisent, nous forment, nous consolent; ils nous rappellent les choses les plus éloignées de notre mémoire, nous les rendent présentes, les met

liæ, tot lumina orbis terræ brevi tempore periclitarentur atque perirent. Quemadmodum etiam superiori tempore tantam jacturam fecimus, ut ex ducentis viginti millibus librorum, quæ Plutarchus refert in bibliotheca Apamæorum fuisse, vix mille ætate nostrâ supersint. Conati autem sumus, quantùm in nobis fuit, non tam multos quam optimos libros colligere, et singulorum operum singula volumina; sicque cuncta ferè sapientium græcorum opera, præsertim quæ rara erant inventuque difficilia coegimus.

« Cæterum quum hæc sæpè mente repeterem, parum desiderio meo satisfecisse videbar, nisi pariter providerem, ut libri, quos tanto labore et studio coëgerim, me vivo ita collocarentur, ut etiam defuncto dissipari alienarique non possent, sed in loco aliquo tuto simul ac commodo ad communem hominum tam græcorum quam latinorum utilitatem servarentur..... etc., etc. »

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XXXIV

les avoir complets. Ainsi j'ai rassemblé parmi les productions des sages de la Grèce tout ce qu'il y avoit de plus rare et de plus difficile à trouver.

« Mais réfléchissant souvent sur cet objet, il m'a semblé que mon but ne seroit pas entièrement rempli, si je ne prenois des précautions pour qu'un trésor amassé avec tant de soins et à si grands frais, ne fùt ni vendu ni dispersé après ma mort, mais qu'il fût placé, pendant que j'existe encore, dans quelque lieu sûr et commode, et conservé précieusement pour l'utilité commune des amis des lettres grecques et latines, Le reste de cette lettre complimens pour le Doge et le Sénat de Venise à qui il fait don de sa bibliothèque. La souscription porte : « Viterbi, 1v non. maias (4 mai 1468). BESSARIO cardinalis, patriarcha Constantinopolitanus, Basilica Beati Marci Venetiis dicavit. >> Bessarion mourut en 1472.

ne

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etc. >>

renferme que

des

On voit par cette lettre quelle étoit la passion de ce Cardinal pour les livres. Avant lui, Richard de Buri, évêque de Durham, mort en 1345, ne s'étoit pas rendu moins célèbre par cette noble passion. On connoît son Philobiblion ou Traité de l'amour et du choix des livres, qui parut d'abord à Cologne, en 1473, in-4°; puis à Spire, en 1483, aussi in-4°. Fabricius attribue cet ouvrage au dominicain Holkot ; quoi qu'il en soit, on y

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