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contredit, l'Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine, par C.-A. Walcknaer, membre de l'Institut. Paris, A. Nepveu, 1820, 1 vol. in-8.o, X- 534 pages, ou 1821, 2 vol. in-18, fig. On y voit combien peu est fondée l'opinion qui s'est accréditée, que La Fontaine a été méconnu de son siècle. Peu d'hommes ont été plus répandus que lui dans la société, et plus recherchés sous le rapport du talent, mais non sous le rapport des usages du monde. M. Walcknaer a relevé beaucoup de vieilles erreurs relatives à la vie et aux ouvrages de notre fabuliste. Cette biographie se lit et se lira toujours avec un vrai plaisir, quoiqu'elle paroisse, au premier abord, un peu volumineuse. Mais peut-on jamais craindre d'ennuyer, quand on parle du bon La Fontaine, surtout quand on le fait avec autant d'esprit, autant de goût et autant de vérité?

Nous terminerons l'article de La Fontaine, par quelques réflexions sur un passage de M. Dussault, rendant compte de l'ouvrage assez foible, intitulé: Études sur La Fontaine, par feu M. Gaillard, 1812, in-8.° , que nous avons cité plus haut. Voici ce passage: «Quelque respect, dit M. Dussault, que j'aie pour l'érudition, je ne puis m'empêcher de la trouver un peu ridicule et cruellement ennuyeuse, lorsqu'elle se pique de rechercher curieusement les sources où La Fontaine a puisé ses sujets, et lorsqu'elle environne ce nom chéri des grâces et de la gloire, d'une foule de noms plus obscurs, plus barbares et plus baroques les uns que les autres. Le nou

veau commentateur (Gaillard), reproche à M. l'abbé Guillon-Pastel de n'avoir fait mention dans son livre intitulé: La Fontaine et tous les Fabulistes, ni de Philibert Hégémon, ni de Habert Corrozet, ni de Targa, ni de Verdizotti, ni de plusieurs autres génies aussi célèbres; M. l'abbé Guillon doit peut-être se reprocher de n'avoir dressé qu'une liste incomplète; mais j'avoue que je sais bien peu de gré au nouveau commentateur, de sa sévère exactitude et je lui pardonnerois volontiers de ne pas citer à côté du recueil des Fables de La Fontaine, les recueils de Nevelet et de Camerarius. Les vraies sources dans lesquelles notre fabuliste a puisé, sont : Pilpay, Esope, Phèdre, Plutarque, Rabelais, et son propre génie : où va-t-on chercher Camerarius? Il est à présumer que La Fontaine connoissoit peu ces noms en us. » Nous permettra-t-on de n'être pas tout-à-fait de l'avis de M. Dussault? L'abus de l'érudition est certainement toujours blâmable; mais y a-t-il abus à rechercher les sources où La Fontaine a puisé? Nous ne le pensons pas. Ne seroit-ce qu'un motif de curiosité, il seroit peut-être excusable; mais il y a quelque chose de plus dans l'examen de l'art avec lequel il a converti en or pur et si délicatement travaillé, un métal grossier tiré d'une mine obscure: nous ne parlons ni d'Esope ni de Phèdre; on est bien aise de juger de la distance du point de départ, au point où le génie est arrivé. Nous avouerons que cela n'est pas d'une nécessité absolue; mais c'est un objet qui ne nous paroît point dépour

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vu d'intérêt, surtout quand il est question d'un auteur aussi célèbre que La Fontaine, et qui semble, par son originalité, avoir plutôt créé ses sujets que les avoir imités. Ce qui nous confirme encore dans notre opinion, c'est que nous savons qu'un homme de goût, M. G..... de B...., s'occupe depuis longtemps des recherches que blâme M. Dussault; et si elles étoient aussi fastidieuses et aussi inutiles que celui-ci le prétend, M. G..... ne les continueroit pas avec autant d'ardeur.

CLAUDE LANCELOT, savant de Port-Royal, (n. 1616-m. 1695), dit, dans la Préface de la Nouvelle méthode pour apprendre la langue latine, Paris, 1667, in-8.o, p. 16 17, que pour faire un choix des bons auteurs latins, ceux sur lesquels on doit établir la véritable connoissance de la langue latine dans sa plus grande pureté, non-seulement pour l'entendre, mais pour la parler et pour l'écrire, sont TÉRENCE, CICERON, CÉSAR, VIRGILE et HoRACE, dont le latin, en retranchant quelques phrases purement poétiques de ces deux derniers, se peut allier ensemble parfaitement. Parmi les autres auteurs latins, ceux qui tiennent le premier rang après les cinq que nous venons de citer, sont QUINTE-CURCE, SALLUSTE et TITE-LIVE. « Ils se doivent lire avec soin en leur rang, et peuvent servir beaucoup pour former l'esprit et le jugement, mais non pas le style; si l'on en excepte quelques phrases élégantes et pleines de grâce, dont le choix

est d'autant plus difficile qu'il suppose une grande connoissance de la véritable pureté de la langue

qu'on doit avoir puisée dans les cinq premiers mentionnés ci-dessus. >>

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Claude Lancelot, Antoine Arnauld, et Pierre Nicole (n. 1623 m. 1695), ont eu part aux excellentes méthodes pour apprendre les langues grecque et latine, qui sont connues sous le nom de Métho des de Port-Royal. Ils ont aussi publié de bonnes grammaires italienne, générale (1), française, et beaucoup d'autres livres utiles.

Le père Lami, de l'Oratoire (n. 1645-m. 1715), est parfaitement de l'avis de MM. de Port-Royal, pour les ouvrages de choix qui doivent former le goût : « Je ne veux point, dit-il, (4.o entretien sur les sciences) vous accabler par une diversité de lec tures; faites choix d'un petit nombre d'auteurs. Dans le latin, je ne vous marque que TERENCE, CÉSAR, SALLUSTE, CICERON, VIRGILE et HORACE, avec lesquels vous conversiez si familièrement, que sans y penser vous preniez toutes leurs manières. » Un peu plus bas, il dit : « TITE-LIVE est clair, et on peut le prendre pour modèle d'un style facile et coulant. TACITE renferme en peu de mots des ré

(1) M. PETITOT, secrétaire général du Conseil royal de l'instruction publique, a donné une très bonne édition de la Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal, précédée d'un Essai sur l'origine et les progrès de la langue française, et suivie des Commentaires de Duclos, à laquelle on a ajouté des notes. Paris, 1803, in-8.o. Nouvelle édition augmentée. Paris, 1809, in-8.o

flexions judicieuses. Imitez cette briéveté autant qu'elle est compatible avec la pureté et la netteté du style. C'est une excellente qualité d'être concis sans obscurité. » L'abbé Duguet, dans une lettre anonyme insérée parmi les Entretiens sur les sciences, pense comme le père Lami, sur la plupart des auteurs que nous venons de nommer; cependant il y a quelques petites restrictions qui ne paroîtront peut-être pas sans fondement aux personnes de goût. « Pour le style des mémoires ou d'une histoire peu étendue, dit-il, on ne peut rien avoir de plus parfait que les Commentaires de CÉSAR, et l'Histoire de SALLUSTE. Il faut les lire souvent; et comme tout le monde convient que le premier parloit le mieux des Romains, et que le second est le premier des historiens, il ne il ne faut pas appréhender de se mouler sur eux, et de former son jugement sur le leur. Il faut cependant avouer que le style de CÉSAR et de SALLUSTE n'est pas assez plein et assez majestueux pour une histoire étendue. Celui de TITE-LIVE est grand et digne de la majesté de l'empire romain, mais il est moins pur et moins exact. A TITE-LIVE, il faut joindre QUINTE-CURCE, TACITE et JUSTIN, pour se faire une idée du style historique, quoique le dernier soit déjà un peu barbare.»

Puisqu'il est ici question des historiens latins, nous croyons devoir entrer dans quelques détails sur César et sur SALLUSTE ; nous ne dirons rien de TITE-LIVE, de TACITE, etc., parce que nous avons

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