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breux pour que l'on éprouve quelqu'incertitude dans le triage des meilleurs. D'ailleurs, peut-on faire un bon choix si l'on n'est versé dans la science bibliographique?

La solution de ces différentes questions, qui est le principal objet que nous nous sommes proposé dans cet ouvrage, ne nous paroît offrir aucune difficulté. D'abord, pour former le plan dont nous parlons, il est inutile de recourir à ces systêmes bibliographiques qui n'ont été imaginés que pour faciliter la classification dans ces immenses dépôts, vastes cimetières de l'esprit humain, comme les appelle M. de Bonald, où dorment tant de morts que l'on n'évoquera plus, et où il seroit impossible de se reconnoître sans un grand nombre de divisions et de sousdivisions, dont la plupart, pour suivre l'idée de M. de Bonald, renferment plus d'épitaphes que d'indications de domicile. Non, il n'est point ici question d'une bibliothèque universelle qui embrasse toutes les connoissances humaines, et qui, tapissant de longues galeries, effraie plus l'imagination qu'elle ne promet de jouissances réelles à l'esprit ; mais il s'agit d'un choix des meilleurs ouvrages considérés sous le rapport moral, littéraire et instructif; de ces ouvrages dont la réputation est solidement établie ; de ces ouvrages que l'on appelle classiques dans chaque langue, parce qu'ils sont les modèles du goût, et qu'ils ont fixé les principes de l'art d'écrire chez les différens peuples; de ces ouvrages qui, mêlant au plus haut degré l'utile dulci, sont la source des jouis

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tarque; puis de César, de Salluste, de Tite-Live, de Tacite ; 3.o l'ÉLOQUENCE, qui nous fournit Démosthène, Eschine, Isocrate, Lysias; puis Cicéron, Quintilien et Pline le jeune; enfin, 4.o la PHILOSOPHIE MORALE, où se sont distingués Xénophon, Platon, Aristote, Théophraste, Epictète, Plutarque, Lucien; puis Cicéron, Sénèque et Pline l'ancien, qui n'est pas moins moraliste que naturaliste.

La littérature du moyen âge, qui est bien éloignée de rivaliser d'éclat avec la précédente, nous offre plus de philosophes moraux et plus de théologiens, surtout dans la scolastique, que d'hommes de lettres; on ne pourroit guère la comprendre dans l'histoire littéraire remarquable, si elle ne nous fournissoit les écrits de plusieurs SS. Pères qui, appartenant aux III., IV., v. et même v1.e siècles, brillent de la plus mâle éloquence, et si le Dante, Pétrarque et Boccace, florissant dans le xiv., n'appartenoient encore à cet âge. Au reste, on peut dire que toute la philosophie de ce temps et même toute la théologie scolastique se retrouvent à peu près dans les ouvrages de Saint Thomas (1), comme toute la science ecclésiastique et toute l'éloquence

(1) Saint Thomas d'Aquin étoit sans contredit l'homme le plus universel, le plus extraordinaire et la plus forte tête de son temps. Combien de gens et peut-être de littérateurs modernes on surprendroit, si on leur disoit que ce saint étoit un très grand philosophe, et si on le leur prouvoit en leur démontrant que les plus beaux passages de morale, d'éducation et de politique dans l'Esprit des lois, dans l'Emile et dans le Contrat social, sem. blent traduits littéralement de saint Thomas.

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ques satires de Regnier, et quelques strophes de Malherbe. Les noms de Balzac (1) et de Voiture ne sont plus mentionnés que dans les fastes du bel esprit. Enfin, nous arrivons au siècle de Louis XIV : Pascal et Corneille ouvrent la carrière du génie, et une foule d'illustres émules dans tous les genres se précipitent sur leurs pas. Voyez avec quelle grandeur, quelle dignité s'avancent dans le sanctuaire des lettres un Bossuet, un Bourdaloue, un Fénélon, un Larochefoucauld, un Labruyère, un Boileau, un La Fontaine, un Racine, un Molière, une Sévigné, un Fléchier, un Regnard, puis ensuite un Massillon, un J.-B. Rousseau, un Rollin et un Crébillon, qui lient le grand siècle au siècle suivant. Celui-ci place au premier rang Voltaire, Montesquieu, J.-J. Rousseau et Buffon. On peut encore citer, quoique dans un rang inférieur, l'aimable Bernardin de SaintPierre, le savant Barthelemy, et l'abbé Delille, dernier anneau de cette chaîne brillante dont malheureusement l'or de quelques chaînons est mêlé d'un funeste alliage.

Voilà donc dans toute la littérature à peu près une soixantaine d'écrivains distingués, qui offrent, non pas tous dans leurs œuvres complettes, mais dans un choix de leurs productions, des chefs-d'œuvre en

(1) Il faut cependant convenir que Balzac, malgré son enflure et ses phrases ambitieuses, fut le fondateur de l'harmonie de la prose, comme Malherbe le fut de celle des vers. Nous ne parlons ici que de l'harmonie, et non pas de la force, de la correction et du génie de la langue, car alors nous aurions cité Pascal.

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