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aussi ce que la cour d'appel de Turin a jugé par un arrêt du 20 avril 1808. (1)

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Ainsi, poursuivait l'appelant, quand on voudrait écarter pour un instant la profession de cultivatrice qu'exerçait véritablement la dame Dupont lorsqu'elle a souscrit l'effet dont il s'agit, que résulterait-il de l'omission dont elle paraît se prévaloir avec tant de confiance ? Il en résulterait que sa lettre de change ne forme pas seule et par elle-même une preuve complète qu'elle a reçu la somme énoncée dans l'obligation; mais au moins elle formera un commencement de preuve par écrit; et si à cela viennent se joindre des présomptions graves, précises et concordantes, ou tout autre genre de preuve, il restera bien démontré pour la justice que l'obligation est sincère, que la signataire a reçu bien réellement la somme portée dans le billet, et que par conséquent elle doit être condamnée à la payer. Eh bien, c'est précisément ce qui se rencontre ici. J'ai articulé en première instance des faits précis, tendant à établir que la somme avait été réellement prêtée à la dame Dupont, qu'elle avait servi à acquitter sa dette envers une personne désignée. Ces faits, qui n'ont pas été expressément méconnnus, constituaient des présomptions graves de paiement, présomptions qui, jointes à la signature de l'adversaire, formaient une démonstration complète qui devait nécessairement amener la condamnation de la dame Dupont.

Dira-t-on que je n'ai pas insisté sur la preuve de ces faits ? Mais pourquoi ? Parce qu'ils n'étaient pas expressément déniés. Le sont-ils aujourd'hui ? La cour ne refusera pas sans doute d'en admettre la preuve.

L'art. 1326 du cod. civ., répondait l'intimée, veut que le souscripteur du billet écrive, outre sa signature, un approuvé portant en toutes lettres la somme pour laquelle il entend s'obliger. Et quel est le but de cette disposition? C'est de prévenir la surprise et la fraude. Il y a donc présomption de fraude toutes les fois que l'approbation exigée ne se rencontre pas dans le billet; et cette présomption est absolue, elle produit de droit la nullité de l'engagement. S'il en était au

(1) Voy. nouv. édit., tom, 9, pag. 252, et ancienne collect., tom. 2 de 1809, pag. 362.

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trement, si on pouvait suppléer au défaut d'approbation par une preuve testimoniale, le but de la loi serait manqué, puisqu'on pourrait la violer impunément, et le remède serait pire que le mal, puisque la loi nous rejetterait dans tous les inconvénients des preuves par témoins, et qu'elle serait en contradiction avec elle-même, en accordant à un genre de preuve dont elle se défie plus de confiancé qu'à la signature du souscripteur. Il faut donc reconnaître que, si l'art. 1326 du code n'est pas conçu dans les mêmes termes que la déclaration de 1733, il a été rédigé dans le même esprit, parce qu'en effet le seul moyen d'obliger les parties à se conformer à ses dispositions est de rendre sans effet l'obligation ou le billet dénué de l'approbation prescrite. Il y a plus, car on remarque que le code est à cet égard plus rigoureux que la déclaration: celle-ci autorisait au moins le créancier à exiger le serment du souscripteur, et c'est ce que l'art. 1326 ne permet pas. Au surplus, l'adversaire convient lui-même qu'une présomption legale de surprise s'attache aux billets dépourvus de l'ap-P probation exigée. Eh bien, pourrait-on, sans une contradiction choquante, attribuer l'effet d'un commencement de preuve par écrit à un acte que le législateur réprouve comme suspect. L'acte authentique, l'acte sous seing privé même, est déclaré nul, s'il n'est point revêtu des formalités essentiellesà sa confection, et le billet unilatéral, dont la loi a déterminé les formes par une disposition précise, sera affranchi de la règle générale! Et malgré son irrégularité, malgré le soupçon de fraude dont il est entaché, il pourra former un commencement de preuve par écrit! Impossible d'admettre un pareil système. Aussi la cour d'appel de Paris l'a-t-elle formellement rejeté par un arrêt du 5 décembre 1816 (1); et, sans doute, cette jurisprudence va bientôt compter un monument de plus.

(1) Attendu, porte l'arrêt de Paris, qu'il est contre toute règle qu'un acte réprouvé par la loi comme suspect soit présenté comme formant un commencement de preuve par écrit, et qu'un tel principe, qui tendrait à admettre la preuve par témoins dans toutes les affaires de cette nature, serait d'une dangereuse conséquence. (Voyeż tom. 1er de 1817, pag. 3 .397, ancienne collect., et tome 20 de la nouv. édit., pag. 348, où se trouve l'arrêt de cassation du 22 avril 1818, qui a rejeté le pourvoi.)

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Du 8 avril 1825, ARRÊT de la cour d'appel de Caen, 2o chambre, M. Sauvage président, MM. Bayeux fils et Binard avocats, par lequel :

<< LA COUR, Sur les conclusions de M. Pigeon de Saint-Pair, avocat-général; · Considérant que l'art. 1326 du cod. civ., moins rigoureux que la déclaration de 1733, en ordonnant que le billet sous seing privé soit écrit en entier de la main du débiteur, ou au moins revêtu d'un bon pour ou approuvé en toutes lettres de la somme portée au billet, n'anéantit pas tellement l'obligation, que les magistrats, malgré leur conviction que le montant de l'obligation est légitimement dû, soient obligés d'en décharger de plano le débiteur, au préjudice du légitime créancier; que cette disposition législative, faite pour parer aux fraudes qui seraient commises en faisant signer des obligations qui ne seraient pas sincères, ne doit pas devenir pour le débiteur un moyen de sanctionner sa mauvaise foi, et que, d'après les faits et les circonstances, ces sortes de billets peuvent former un commencement de preuve par écrit qui donne passage à la preuve testimoniale et aux présomptions graves, précises et concordantes qui pourraient résulter des faits;

<< Attendu que, dans l'espèce actuelle, la dame Dupont ne reconnaît pas avoir souscrit le billet dont il s'agit, et l'avoir souscrit pour la somme y énoncée; qu'en première instance, Bayeux a soutenu que le billet avait été écrit par le sieur Letellier, agent d'affaires, en présence de la femme Dupont, qui l'a souscrit ; que les fonds ont été comptés et remis en sa pré sence à une dame Léon, créancière de la femme Dupont, qui a été ainsi libérée envers cette dame de la somme portée au billet; que Bayeux, en articulant ce fait, a déclaré devant le premier tribunal que, s'il était méconnu, il en ferait la preuve, et que, s'il ne s'est point fait appointer à la preuve de ce fait par le premier tribunal, c'est que ce fait n'avait pas été

formellement méconnu devant lui;

« Attendu que,

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dans ces circonstances, la signature et le bon pour en chifapposés parl a femme Dupont au billet dont il s'agit, forment un commencement de preuve par écrit ; que le montant du billet est réellement et légitimement dû à Bayeux; · Vu, relativement aux faits articulés par Bayeux pour établir la qualité de laboureur et cultivatrice dans la personne de la femme Dupont, que ces faits sont de nature à ne pouvoir être bien appréciés que d'après les détails que pourront fournir les dépositions des témoins, et qu'il n'y a pas d'inconvénient à en ordonner la preuve, sauf cependant à y avoir tel égard que de raison.........; — RÉFORME. »

Nota. L'approbation exigée par l'art. 1326 du cod. civ. est-elle une formalité essentielle et dont l'omission entraîne la nullité de la promesse ? N'est-elle au contraire qu'une formalité extrinsèque, dont l'absence ne produit qu'une simple présomption de surprise, présomption qui peut être détruite par des présomptions contraires, pourvu qu'elles soient gra

ves, précises et concordantes, ou par la preuve testimoniale? Telle est la question que plus d'une fois on a sérieusement agitée devant les tribunaux, depuis que la déclaration de 1733 a été remplacée par une disposition du code conçue dans des termes tout-à-fait différents. Elle a été, comme on vient de le voir, diversement jugée. La cour de Turin a décidé, , par un arrêt du 20 avril 1808, que le billet dépourvu de l'approbation de la somme n'est pas nul pour cela, et qu'il doit être considéré comme un commencement de preuve par écrit, suffisant pour autoriser le créancier à offrir la preuve testimoniale. Au contraire, la cour royale de Paris a jugé, par arrêt du 5 décembre 1816, que le billet signé de la partie, mais sans énonciation ni approuvé de la somme y contenue, était nul; que par conséquent il ne pouvait être présenté comme formant un commencement de preuve par écrit ; et ce qu'il faut remarquer, c'est que le pourvoi dirigé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la cour suprême du 22 avril 1818. Tel était l'état flottant de la jurisprudence, lorsque le professeur Toullier publia son huitième volume du Droit civil français. Ce jurisconsulte, après y avoir combattu, avec cette force de raisonnement qui lui est propre, les divers motifs qui ont déterminé la cour de Paris, s'est attaché à démontrer qu'un billet dont la signature n'est pas précédée de l'approbation de la somme en toutes lettres n'est pas nul pour cela; qu'il forme un commencement de preuve qui, étant soutenu par des présomptions graves, précises et concordantes, ou par la preuve testimoniale supplétivement admise, suffit pour opérer une preuve complète et pour faire condamner le signataire on ses héritiers à payer la somme (1). Cette opinion a été suivie par M. Duranton, tom. 4, nos 1282 et 1283, et consacrée depuis par divers arrêts, notamment par un arrêt de la cour de cassation du 2 juin 1823 (2), qui décide en termes formels que tout ce qui résulte de l'art. 1326 du cod., c'est que billets non munis de l'approbation exigée ne font pas foi par eux-mêmes, et ne peuvent seuls autoriser une condam

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(1) C'est dans l'ouvrage même qu'il faut lire la discussion à laquelle l'auteur s'est livré sur cette matière. Voyez le tome 8, depuis la page 412 jusqu'à la page 435.

(2) Voy. le tome 3 de 1823, page 529.

nation; mais que cet article ne leur refuse pas le mérite de pouvoir faire un commencement de preuve par écrit, lorsque, comme le dit l'art. 1347, ils rendent vraisemblable le fait allégué: en sorte que cette cour, abjurant sa première jurisprudence, s'est rendue à l'opinion de M. Toullier; et aujourd'hui les jurisconsultes semblent se rallier à ce sentiment, qu'un billet non approuvé n'est pas absolument nul, et qu'il doit au moins former un commencement de preuve par écrit (1).

COUR DE CASSATION.

B.

L'exception opposée par l'héritier bénéficiaire à un créancier de la succession, QU'IL A RENDU SON COMPTE ET PAYÉ LE RELIQUAT, est-elle une contestation sur le fond méme du droit du créancier, dans le sens de l'art. 1700 du cod. civ., et l'héritier est-il fondé à exercer le retrait à l'égard du cessionnaire de cette créance? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 1699 et 1700.

DEMOISELLES ROSSET, C. RAPHAEL.

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En 1782, le curé Rosset institue pour son héritier Jacques Rosset son frère. En 1785, il souscrit un billet de 3,000 fr. au profit de Marie Peschoux, sa servante, pour le montant de ses gages. En 1788, décès du curé Rosset, et accepta-, tion de sa succession sous bénéfice d'inventaire par Jacques Rosset son frère. Lors de la clôture de l'inventaire, l'héritier fait des réserves expresses d'attaquer le billet souscrit à la fille Peschoux, comme frauduleux et nul. Celle-ci, tour, déclare s'opposer à la clôture de l'inventaire; mais un jugement du 15 mai 1788 prononce que l'inventaire est régulier, et ordonne la vente des meubles. Cette vente produit une somme de 1,396 fr., qui est distribuée en totalité en 1790. La fille Peschoux participe à la distribution pour une somme de 13 fr.

à son

En l'an 8, les époux Gentelet, comme étant aux droits de Marie Peschoux, reprennent l'instance relative au bénéfice d'inventaire devant le tribunal de Saint-Claude, lieu du domicile de Jacques Rosset. Le tribunal se déclare incompé

(1) Ainsi il ne faut plus avoir égard à l'arrêt du 28 avril 1818, rapporté dans la nouvelle édit., tom. 20, pag. 352, non plus qu'aux observations qui le précédent.

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