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dans l'ancienne jurisprudence, il était de principe constant que toute donation faite entre époux par contrat de mariage, lors même qu'elle était qualifiée entre vifs, était toujours subordonnée à la condition du décès; qu'à la vérité ces sortes de donations étaient regardées comme irrévocables, mais seulement en ce sens que le donateur ne pouvait en disposer à titre gratuit; qu'il n'y avait d'exception à ce principe que lorsqu'il résultait clairement du contrat que le donateur s'était dépouillé irrévocablement de la propriété; que, dans l'espèce, loin de se dépouiller de la propriété du jour même du contrat, M. de Blangermont avait expressément stipule que les 8,000 fr. donnés seraient pris par son épouse, après son décès, sur tous ses biens: d'où suit qu'il ne faisait que préférer son épouse à ses héritiers, mais qu'il ne la préférait pas à lui-même; qu'en affectant spécialement à la garantie les immeubles situés à Amiens, ce n'était là qu'une disposition accessoire, qui ne pouvait changer en rien le caractère de la donation; qu'il en est de même de la clause où il est dit que la donation sera insinuée; que cette formalité, inutile pour les donations à cause de mort, n'a été prescrite par le trat que parce que le même contrat se servait des expressions de donation entre vifs; que l'on ne doit pas examiner quelles sont les expressions dont on s'est servi, mais quelle est la nature de la disposition en elle-même; que d'ailleurs cette question, soumise aux anciens parlements, avait toujours éte décidée dans un sens favorable au défendeur; qu'en effet Denizart, au mot Donation, cite plusieurs arrêts rendus dans des espèces parfaitement semblables; que Merlin, dans son Répertoire de jurisprudence, Chabot, dans ses transitoires, professent la même doctrine ».

Appel de la part des enfants Guillard.

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Questions

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Les contrats de mariage, ont dit les appelants, sont susceptibles de toutes sortes de conventions; les époux y peuvent se donner entre vifs, comme ils peuvent s'y faire des donations à cause de mort : la loi leur laisse à cet égard la plus grande latitude, la plus grande liberté. C'est donc une grave erreur que de prétendre, comme l'ont fait les premiers juges, qu'une donation entre époux faite par contrat de mariage, lors même qu'elle est qualifiée entre vifs, est toujours subor donnée à la condition du décès, et par conséquent une do

nation à cause de mort. Le principe contraire est consacré par l'ancienne et la nouvelle jurisprudence. C'est donc l'intention du donateur qu'il faut rechercher, et cette intention doit particulièrement se manifester par les termes dont il s'est servi. Ici les expressions de l'acte sont énergiques. Le sieur de Blangermont y déclare disposer par donation entre vifs, pure, simple et irrévocable. La somme de 8,000 fr. n'est à prendre, il est vrai, qu'après le décès du donateur et sur tous ses biens; mais, pour ne laisser aucun doute sur sa volonté de saisir à l'instant même la donataire, et de ne pas assigner limitativement l'exécution de sa libéralité sur les biens existant au décès, le donateur affecte spécialement ses biens présents, et particulièrement ceux situés dans le bailliage d'Amiens, qu'il en grève, charge et hypothèque, et déclare en outre se démettre et se dessaisir, jusqu'à concurrence du montant de la présente donation. Où peut-on rencontrer des caractères plus prononcés et plus propres à signaler une donation entre vifs? Sans doute une disposition qui est limitée aux biens que le donateur laissera au jour de sa mort ne peut être considérée comme une donation entre vifs valable. Mais pourquoi? parce que le donateur reste maître de disposer pendant sa vie ; qu'il lui est libre de vendre, l'engager, comme s'il n'avait pas donné. Mais telle n'est pas 'hypothèse. Le sieur de Blangermont donne indéfiniment sur cous ses biens; il fait plus, il affecte dès à présent ceux qu'il ›ossède dans telle contrée; il saisit à l'instant même la donaaire; il n'y a de différé que le paiement, en sorte que la lonataire peut se venger non seulement sur les biens de la uccession, mais encore sur ceux qui lui ont été spécialement ypothéqués, lors même que le donateur les aurait aliénés de on vivant. Voilà le vrai caractère de la donation entre vifs. Qu'importe, après cela, que l'exécution soit ajournée au lécès. Consultez les auteurs anciens et modernes : tous yous diront qu'on peut donner entre vifs, et renvoyer cepenlant après la mort l'exécution de la donation; qu'il suffit Dour sa validité que le droit du donataire soit assuré sur des piens existant au moment du contrat, parce qu'il a pu prendre des précautions, et qu'alors il y a droit acquis (1). L'opi

(1) On citait Ricard, Grenier, Chabot et autres.

nion de Dumoulin est aussi qu'il ne faut pas confondre la disposition et l'exécution; que la donation peut être valable, quoique l'exécution ait trait à la mort. In donatione sunt duo: dispositio et executio. Dispositio verò statim ligat nec suspenditur, et ab ed fit denominatio. Ergò non annullatur, licet executio habeat tractum ad mortem.

L'intimé a persisté à soutenir avec le premier juge qu'il ne fallait voir dans la disposition dont il s'agit qu'une donation limitativement assignée sur les biens que laisserait le donateur à son décès, dont le sort par conséquent était subordonné à la survie du donataire, et qui avait manqué son effet par le prédécès de ce dernier; qu'en vain on opposait l'hypothèque constituée par le sieur de Blangermont sur ses biens de Picardie, parce que cette hypothèque ne pouvait pas changer le droit du donataire ni le caractère de la donation.

Du 9 décembre 1825, ARRÊT de la cour d'appel de Rouen, deuxième chambre, M. Carrel président, MM. Decorde et Cheron avocats, par lequel:

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« LA COUR, - Sur les conclusions de M. Lévesque, avocat-général; considérant que les donations entre vifs ont des caractères particuliers et distincts des donations à cause de mort; qu'il faut s'attacher à la disposition a contenue dans l'acte et ne pas confondre la disposition avec l'exécution; 200 « Considérant que le sieur de Blangermont, par son contrat de mariage du 26 janvier 1782, a disposé en faveur de la dame veuve Guillard, sa fu ture, d'une somme de 8,000 francs à prendre sur tous ses biens et après le décès dudit sieur de Blangermont; que, par ce même acte, le sieur de Blangermont a spécialement grevé, chargé et hypothéqué les biens qu'il possédait en la coutume du bailliage d'Amiens, et qu'en outre ledit act porte que ledit sieur de Blangermont s'est démis et dessa isi desdits biens du bailliage d'Amiens, pour l'exécution et jusqu'à concurrence de l'objet it de la présente donation; — Considérant que la donatrice, présente à l'acte, a accepté ladite donation, laquelle était pure et simple; -- Que, si l'on remarque dans cette donation que la future ne peut en réclamer l'effet qu'après le décès du donateur, cette énonciation est seulement pour indiquer l'époque où la dame veuve Guillard pourrait réclamer la somme de 8,000 francs à elle donnée ;-Que c'est un mode d'exécution qui ne contrarie pas l'intertion du donateur, manifestée très formellement par les diverses expres sions contenues dans ledit acte; qu'il s'est à l'instant même dessaisi de la propriété des biens situés dans le ressort d'Amiens, et s'est interdit la faculté d'en disposer d'une manière quelconque au préjudice de la donation; << Considérant enfin que la donation dont il s'agit a le principal carac tère distinctif de la donation entre vifs proprement dite, puisque l'acte

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contient l'irrévocabilité du don, le dessaisissement actuel de l'objet par le donateur, et l'acceptation de la part de la donataire....;

REFORME. D

B.

COUR D'APPEL DE CAEN.

Un billet qui n'est point écrit par le signataire, ni revétu de l'approbation exigée par l'art. 1326 du cod. civ., formet-il un commencement de preuve par écrit, suffisant pour autoriser la preuve par témoins de la sincérité de la dette? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1326 et 1347.

BAYEUX, C. LA FEMME DUPONT.

Le sieur Bayeux était porteur d'une lettre de change qui avait été souscrite par une demoiselle Bouillet, devenue depuis femme Dupont.

Cet effet n'ayant pas été payé à l'échéance, le porteur fit assigner la dame Dupont devant le tribunal civil de Vire. Celle-ci a répondu que la lettre de change dont le paiement ui était demandé était nulle, sans effet et valeur, à son égard, aute de contenir l'approbation exigée par l'art. 1326 du cod. civ.

Mais le sieur Bayeux soutient à son tour et offre de prou'er que la dame Dupont était cultivatrice à l'époque où elle vait signé l'effet dont il s'agit; que par conséquent elle se rouvait dans l'un des cas d'exception mentionnés dans la ernière partie de l'art. 1326. Le sieur Bayeux va plus loin: our dissiper tous les doutes sur la sincérité de l'obligation, il ite le lieu et l'époque où les fonds furent remis, du consenement et de l'ordre de la dame Dupont, à une dame Léon a créancière, envers laquelle elle fut ainsi libérée. Il ajoute qu'en cas de dénégation, il prouvera le fait articulé.

Le 28 juillet 1823, jugement qui déclare la preuve offerte nadmissible, et l'obligation résultant de la lettre de change ulle et sans valeur.

Appel de la part du sieur Bayeux.

Et d'abord, disait l'appelant, le tribunal civil a mal jugé n refusant de m'admettre à la preuve que la dame Dupont tait fermière à l'époque de la souscription de la traite, et que ar conséquent elle se trouvait dans l'un des cas d'exception

précisés par la loi, car il s'agissait ici d'un fait qui par sa nature est susceptible d'être prouvé par témoins, et qui le plus souvent ne peut l'être que de cette manière.

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En second lieu, le tribunal de Vire a mal saisi le sens de l'art. 1326 du code lorsqu'il a conclu de ses expressions qu'un billet était nul et absolument sans effet par cela seul qu'il ne contenait point de la part du signataire l'approbation en toutes lettres de la somme portée dans l'effet. On aurait pu tirer cette conséquence de la déclaration de 1753, qui déclare effectivement que les billets seront nuls, de nul effet et valeur, si la somme n'est reconnue par une approbation écrite en toutes lettres de la main du signataire. Mais ce n'est point ainsi que s'exprime l'art. 1326 du code. En voulant, et il ne veut rien autre chose, en voulant que le billet soit écrit en entier de la main de celui qui le souscrit, ou que du moins il contienne un approuvé portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose, le légis lateur a seulement entendu prévenir toute surprise, et prist ver le billet qui ne contiendrait pas l'une ou l'autre forma- e lité de l'effet attaché à une obligation complète. Mais il ne a prononce point la peine de nullité contre l'omission de l'ap-n probation en toutes lettres, qu'il ne regarde au contraire que comme une formalité extrinsèque. L'article 1326 n'est qu'une exception à l'art. 1522, qui pose la règle géné-c rale que les actes sous seing privé, quand ils sont recon- d ont entre les parties contractantes la même foi que les actes authentiques. Ainsi, la signature du souscrivant, iso-M lée de l'approbation qu'exige l'art. 1326, ne fera pas seule une preuve complète de la convention, parce que l'omission de la formalité prescrite élève contre elle un soupçon surprise qu'il faut avant tout dissiper. Mais elle forme un commencement de preuve par écrit, parce qu'elle émane de celui contre lequel la demande est formée, qu'elle rend le fait allégué vraisemblable, et que l'art. 1347 n'en demande pas davantage. Ensuite, et si ce commencement de preuve par écrit est soutenu de présomptions graves et précises, ou d'une preuve par témoins concluante, il suffira pour opérer une preuve complète de la dette, et pour faire condamner le signataire à payer la somme portée au billet. Voilà ce que nous disent la loi, le bon sens et l'équité; c'est

nus,

de

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