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cable à l'espèce.

-

Le légataire qui devait recueillir le legs du sieur Lepine était parfaitement connu de lui, et il n'a pas laissé à la volonté du sieur Legrand-Masse le soin de le désigner: « pour par lui en disposer selon mes volontés à lui connues. » Or le sieur Legrand-Masse ne demande qu'à sui-, vre exactement ces volontés. Il n'y a donc là rien d'incertain. - Quant à l'objection que l'on parviendrait ainsi à éluder les lois prohibitives des substitutions, elle est sans force, attendu que c'est aux héritiers à prouver les vices de pareilles dispositions. -Jusque là elles subsistent. D'ailleurs, les art. 900 et 911 du Cod. civ. attestent que la nullité des legs secrets n'entraîne pas la nullité du legs principal.

Enfin, l'arrêt du 29 mars 1826 avait, suivant le demandeur, violé les art. 1353 et 1356 du Cod. civ.-Les héritiers Lepine n'avaient connu l'existence des 50,000 fr. que par l'aveu du sieur Legrand-Masse. Cet aveu devait être pris dans son entier et sans division. Or qu'avait-il pour objet d'établir? Que le sieur Legrand-Masse avait été constitué par le sieur Lepine dépositaire de sommes appartenant aux religieux de SaintAcheul, auxquels il avait mission spéciale de les rendre. — En décidant le contraire, en divisant cet aveu en deux parties, dont l'une serait admise comme vraie, et l'autre rejetée comme fausse, l'arrêt avait donc manifestement violé les articles ci-dessus, et consacré, sans preuves, un titre de créance sur la tête des héritiers Lepine, pour une somme supérieure à 150 fr.

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L'arrêt avait violé encore, et par un autre motif, le même art. 1356. —Il avait, en même temps, fait une fausse application des art. 931 et 937 du Cod. civ.-En repoussant comme fausse l'allégation du dépôt, il devait reconnaître du moins, comme conséquence nécessaire, que Lepine restait propriétaire de la somme. Dès lors, Lepine en avait disposé valable- ' ment, à titre de don manuel, au profit des religieux de SaintAcheul. Quant à l'objection que ces religieux ne pouvaient, aux termes de l'art. 937 du Cod. civ., accepter ce don sans y être autorisés, elle n'est pas fondée. L'autorisation dont il s'agit ne saurait s'appliquer aux dons manuels, genre de libéralité régi par les seuls principes du droit naturel, car ces libéralités peuvent être exercées même envers des personnes frappées d'incapacité absolue.

Du 8 août 1826, ARRÊT de la cour de cassation, section des requêtes, M. Botton de Castellamonte faisant fonctions de président, M. Dunoyer rapporteur, M. Guillemin avocat, par lequel:

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<< LA COUR, Sur les conclusions de M. Lebeau, avocat-général; En ce qui concerne l'arrêt du 1er juin 1824, — Attendų 1o le demanque deur n'a produit ni l'expédition ni la copie de cet arrêt, qu'ainsi son recours n'est pas régulièrement formé; - Attendu 2o que cet arrêt a reçu son exécution, puisque le demandeur a subi sans réclamation ni protestation l'interrogatoire sur faits et articles qu'il prescrivait, ce qui rendrait sa demande non recevable, quand elle serait admissible en la forme; —Attendu 3o qu'en admettant l'interrogatoire sur faits et articles, le même arrêt s'est conformé aux dispositions des art. 324 et 325 du Cod. de proc., d'après lesquels les parties peuvent en toute matière et en tout état de cause se faire interroger sur faits et articles pertinents: - D'où il résulte que la demande est aussi mal fondée que non recevable et irrégulière dans la forme;

- « Sur l'arrêt du 23 novembre 1824, attendu qu'il est constaté par cet arrêt que Legrand-Masse n'était pas réellement légataire du testateur, mais seulement exécuteur testamentaire, chargé par lui de recouvrer et recevoir sa fortune, pour l'employer conformément à des instructions secrètes, et que cette déclaration en fait est fondée non seulement sur les réponses de Legrand-Masse lorsqu'il a été interrogé sur faits et articles, mais encore sur l'appréciation faite par la cour royale des clauses du testament, laquelle appréciation ne peut être attaquée devant la cour de cassation;

« Et, en droit, attendu que les lois romaines avaient proclamé le principe testamentorum jura ipsa per se firma esse oportere, non ex alieno arbitrio pendere, et qu'il est de principe dans la législation actuelle, d'après l'ordonnance des testaments de 1735, et les art. 895 et 967 du Cod. civ., que toute disposition au profit d'une personne incertaine et laissée à la volonté d'un tiers ne peut produire aucun effet;

<«< Attendu, au surplus, et toujours sur le même arrêt, qu'en relevant les héritiers Lepine de l'acquiescement par eux donné audit testament, 1 -la cour de Douai non seulemement n'a violé aucune loi, mais s'y est au contraire très exactement conformée, la violation des lois qui tiennent à l'ordre public ne pouvant être couverte par des acquiescements et par une volonté particulière contraire à celle de la loi, et au moyen de laquelle l'on parviendrait ou à transmettre la succession à un incapable, ou à faire renaître des substitutions prohibées par les lois dans l'intérêt général de la société;

« Et enfin, sur l'arrêt du 29 mars 1826, attendu que deux faits bien distincts et indépendants l'un de l'autre résultaient des réponses aux interrogatoires sur faits et articles, savoir: 1o qu'après la mort de Lepine, l'on avait trouvé une somme dans sa succession; 2° qu'il ne l'avait reçue qu'à

pre

titre de dépôt, et que la cour royale, en reconnaissant la vérité dú mier de ces faits, a pu rejeter le second, comme contraire à la vérité, sans violer le principe de l'indivisibilité établi par l'art. 1356 du Code, alors surtout que la cour royale se fondait, pour rejeter la deuxième allégation, non seulement sur les propres réponses du demandeur, mais encore sur les pièces produites, et sur les circonstances de la cause; - Par ces motifs, JOINT les différentes demandes en cassation, et y faisant droit, REJETTE.>> A. M. C,

COUR DE CASSATION.

Dans l'ancienne jurisprudence, et particulièrement en Normandie, l'acquéreur, troublé dans sa possession par un donataire du vendeur, avait-il qualité pour quereller la donation? (Rés. aff.) Stat. norm., art. 425.

l'art. 431

Les dons entre concubins étaient-ils autorisés par de la Coutume de Normandie? (Rés. nég.) Des présomptions graves, précises et concordantes, suffisent-elles pour établir le concubinage? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 154, 1353.

COTTUN, C. LES HÉRITIERS GOUSSEAUME.

Le 9 avril 1788, le marquis de Briqueville constitue bénévolement, et par forme de donation, une rente viagère de 1,500 liv. au profit de la demoiselle Lepelley, qui habitait avec lui. Il affecte au service de cette rente tous ses biens présents et avenir.

En 1790, le marquis de Briqueville vend au sieur Gousseaume divers immeubles, notamment la terre Dellon: il paraît que l'acquéreur n'a fait aucune démarche pour purger l'hypothèque de la demoiselle Lepelley.

Le 6 juin 1809, la rente dont il s'agit est cédée au sieur Cottun, qui fait d'abord signifier son transport au débiteur, et ensuite saisir la terre Dellon, pour avoir paiement des arrérages.

Les enfants du sieur Gousseaume, lors décédé, forment opposition aux poursuites, et demandent la nullité de la donation de 1788, comme faite à une concubine.

Le 3 mars 1824, jugement du tribunal civil de Caen qui annule effectivement la donation.

Appel. Et, le 7 mại 1825, arrêt de la cour royale qui Tome Ier de 1827.

Feuille 22.

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mœurs,

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confirme, Attendu que, si la Coutume de Normandie ne
contenait pas une prohibition formelle et explicite des dona-
tions entre concubinaires, et si l'ordonnance de 1629 n'avait
pas été enregistrée au parlement de cette province, il résulte
néanmoins, d'une manière incontestable, et de l'opinion des
auteurs et de la jurisprudence des arrêts, que ce principe,
qui s'accorde d'ailleurs avec l'esprit de la Coutume, y a été
généralement suivi; — Que l'intérêt de la conservation des
et la crainte des dangers d'une affection trop vive,
qui avaient dicté les art. 437 et 410 de la Coutume de Nor-
mandie (1), ont dû, à plus forte raison, porter à refuser à
ane concubine le fruit de sa prostitution, ou s'opposer à l'in-
fluence d'autant plus dangereuse qu'elle pouvait exercer, que
les soins assidus étaient le seul moyen qu'elle eût de conser-
ver l'affection de son complice, et que l'intérêt était l'unique
indemnité de son déshonneur; - Que, le concubinage étant
une espèce de délit que l'ancienne législation punissait par
les tiers,
l'anéantissement des libéralités dont il était la cause,
qui pouvaient rarement s'en procurer un commencement de
preuve par écrit, doivent être admis à en prouver l'existence
tant par des présomptions que par la notoriété publique, ou
même par témoins, en cas d'insuffisance; - Que cette doc-
trine, professée par Pothier, dans son Traité des donations,
par Roupuel, dans ses notes sur Pesnelle, et confirmée par
M. Merlin, dans son nouveau volume d'Additions, ne permet
plus d'élever de doutes; - Qu'il n'en pourrait exister encore
que dans le cas où ce serait le donateur qui viendrait de-'
mander la nullité; et qu'alors même le magistrat, apprécia
teur des circonstances, pourrait confirmer ou anéantir la do-
nation; que le motif qui pourrait faire repousser le donateur
lui serait personnel, tiendrait à la défaveur de sa position,
mais n'a pu être transmis à son acquéreur, qui ne le repré-
sente que quant à la chose même qui lui a été transmise et
aux droits réels qui y sont attachés, mais qui n'est nullement
l'ayant-cause de sa personne; Qu'il s'agit ici d'une nullité
radicale, que toute personne qui y a intérêt doit être admise

(1) Ces articles prohibent les donations entre époux et au profit des enfants naturels.

à proposer; - Qu'on doit d'autant plus le décider ainsi, dans 'espèce, qu'il existe un concert frauduleux entre le vendeur, sa concubine, donataire, et le cessionnaire de celle-ci, pour dépouiller injustement l'acquéreur; que cette intelligence. coupable doit laisser à ceux que l'on veut ainsi dépouiller le moyen de démasquer la fraude et de démontrer le vice du titre en vertu duquel on les poursuit ; -- Qu'outre la notoriété publique, qui est incontestable, et que les auteurs les plus difficiles sur l'admission de la preuve du concubinage ont assimilée au commencement de preuve par écrit, les présomptions qui résultent de l'habitation commune et non interrompue des parties depuis leur jeunesse, de la différence de leur condition; du titre équivoque auquel la fille Lepelley était chez le marquis de Briqueville, quand il est prouvé que, d'après son aisance et sa position sociale, elle ne pouvait être sa domestique; du libertinage notoire du marquis de Briqueville, de l'absence de toute autre cause expriméc ou probable de la donation de 1788; du soin qu'avaient pris les parties de venir à Caen passer le contrat fait au profit de la fille Lepelley, pour en dérober la connaissance à la famille du donateur, ainsi qu'il l'avance lui-même dans son interrogatoire; de l'affectation de déclarer dans ce contrat qu'ils ne vivaient point ensemble, quand le contraire résulte de ce même interrogatoire; de l'inexécution de cet acte penlant vingt ans, et des manœuvres employées pour le faire revivre ; Que tout enfin porte la démonstration du concuinage à un tel degré d'évidence, qu'une preuve ultérieure erait aggravante pour les parties, sans rien ajouter à la conviction des magistrats....

Pourvoi en cassation de la part du sieur Cottun. Trois noyens sont proposés au nom du demandeur :

1o L'arrêt attaqué violait ouvertement l'art. 425 du Statut formand, et, par contre-coup, l'art. 921 du Cod. civ. La réuction ou la nullité d'une donation ne peut, aux termes de ces articles, être provoquée que par les héritiers du donateur. Les nfants Gousseaume n'étaient point héritiers du marquis de Briqueville, mais bien des tiers détenteurs, étrangers à la fanille: donc ils étaient sans qualité pour attaquer la donation 1788; ils ne pouvaient pas même argumenter du prétexte que la donation ait été faite en fraude de leurs droits,

anal

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