Page images
PDF
EPUB

n'en caractérisent pas moins un jugement susceptible d'exécution, puisqu'il est rendu à l'audience du tribunal, qu'il peut devenir définitif, qu'il le devient en effet si l'enchère de l'adjudication provisoire n'est pas couverte lors de l'adjudication définitive; qu'en ce cas le saisi se trouve définitivement exproprié, et qu'il est tenu de laisser l'immeuble à l'adjudicataire provisoire, ce qui est évidemment une condamnation judiciaire, qui deviendrait irrévocable, si la loi ne permettait pas au saisi de l'attaquer par la voie de l'appel, ou s'il négligeait de le faire dans le délai de quinzaine, fixé par l'art. 734, à partir du jour de la signification; qu'en outre le jugement est définitif, en ce qu'à compter du jour de l'adjudication préparatoire, le saisi ne peut plus user de la faculté qui lui est accordée par l'art. 693 de valider les aliénations par lui faites, nonobstant la saisie;

<< Considérant d'ailleurs que des vices de forme et autres peuvent infecter et rendre nulle l'adjudication préparatoire et la fixation du jour de l'adjudication définitive, comme si, par exemple, l'adjudication préparatoire n'était pas prononcée à l'audience publique, ou si l'adjudication définitive était fixée à un jour trop prochain ou trop éloigné; que, dans ces divers cas, et dans tous autres semblables, où le saisi peut signaler quelque imperfection du jugement, il serait impossible de procéder régulièrement à l'adjudication définitive; que dès lors il peut devenir nécessaire d'annuler l'adjudication préparatoire ; mais qu'il est évident que, pour obtenir cette annulation, le saisi n'a que la voie de l'appel, et qu'il ne peut être tenu de l'employer à peine de déchéance qu'après la signification de l'adjudication préparatoire et l'expiration du délai de quinzaine;

<< Considérant enfin qu'on ne peut, sans choquer la nature des choses, assimiler l'adjudication préparatoire et la fixation du jour de l'adjudication définitive soit à un jugement de remise de cause d'une audience à l'autre, soit à un jugement préparatoire et de simple instruction, soit à un acte de procédure du ministère d'un huissier ou d'un avoué; que par conséquent on ne saurait appliquer à la cause les dispositions du Cod. de proc. qui prohibent l'appel des jugements susdits, ou qui ne le permettent qu'après le jugement définitif et avec l'appel de ce jugement, ni les autres dispositions qui veulent qu'aucun exploit ou acte de procédure ne puisse être déclaré nul, si la nullité n'en est pas formellement prononcée par la loi :

« De tout quoi il résulte que la Cour royale de Caen a violé les art. 147, 733 et 734 du Cod. de proc. civ., en jugeant que la prononciation de l'adjudication préparatoire et la fixation du jour de l'adjudication de finitive (lorsque le tribunal, comme dans l'espèce, ne rejette pas en même temps des nullités proposées contre la saisie immobilière), ne sont pas un jugement, mais un simple acte, dont on ne peut pas appeler et dont la signification à avoué n'est pas prescrite à peine de nullité des actes ultérieurs de la poursuite et de l'adjudication définitive; Par ces motifs, CASSE. » A. M. C.

COUR DE CASSATION.

En matière de conscription, lorsque le remplaçant admis et incorporé dans un régiment meurt au service, sa réforme, prononcée par erreur postérieurement à son décès, rend-elle nul le contrat de remplacement? (Rés. nég.)

VEUVE BECQUEBOIS, C. VINOIS.

Le 6 mars 1813, le sieur Becquebois s'engage, par acte notarié, à remplacer le sieur Vinois fils, appelé pour la conscription.-Visité et admis par le conseil de recrutement du département du Nord, Becquebois est dirigé sur le 7o régiment d'artillerie à pied, alors à Mayence. Il y est incorporé le 24 avril 1813. Le 6 octobre même année, près de six mois après son entrée au service, Becquebois décède dans l'hospice de Mayence. Une lettre du quartier-maître de son régiment, produite au procès, constate « que Becquebois est arrivé au régiment le 24 avril 1813; que ce remplaçant a été sur-lechamp signalé, par le chirurgien-major du régiment, comme étant atteint d'affection asthmatique et mauvaise denture; que, le 16 août suivant, présenté à la revue de l'inspecteur général, il fut jugé tel par les officiers de santé de l'hôpital militaire; enfin que, le 14 octobre, le directeur général de la conscription militaire prononça définitivement sa réforme, et que, le 20 du même mois, il partit pour se rendre dans ses foyers».

[ocr errors]

Les autorités administratives du département du Nord, averties de la réforme de Beequebois, notifient à Vinois fils l'ordre de rejoindre en personne, si mieux il n'aime fournir un nouveau remplaçant. Vinois se présente pour servir en personne, et il est incorporé le 4 décembre 1813 dans la 11 compagnie d'ouvriers d'artillerie de Douai, où il fait son service jusqu'au 14 août, époque à laquelle il obtient son congé de réforme.

Cependant, le 5 juillet 1816, la veuve Becquebois, comme tutrice de sa fille mineure, fait commandement à Vinois père de lui payer une portion échue du prix du remplacement de son fils. Opposition de la part de Vinois père, et assigua

ار

[ocr errors]

tion devant le tribunal de Douai pour voir déclarer nul le commandement.

[ocr errors]

Après un silence de cinq années, et le 17 octobre 1821, la veuve Becquebois, ès noms, et un sieur Lebel, se disant cessionnaire de la dame Becquebois quant au prix du remplacement de Vinois fils, font un nouveau commandement à Vinois père de leur payer la somme de 3,757 fr. 50 C. montant du principal et des intérêts de ce prix. Nouvelle opposition de Vinois, et assignation devant le tribunal de Douai. L'instance engagée, la défense de Vinois consiste à dire que l'acte de remplacement de son fils a été annulé, faute par son remplaçant d'avoir rempli les conditions voulues la loi ; par Qu'en effet, celui-ci a été réformé comme incapable de suppléer son fils, pour infirmités antérieures à son incorporation ; Qu'en conséquence, son fils a été obligé de servir en personne: d'où il suit que l'engagement dont il s'agit ne peut avoir aucun effet.

[ocr errors]
[ocr errors]

La veuve Becquebois et Lebel répondent que, Becquebois ayant été admis au corps le 20 avril 1813 et étant décédé le 6 octobre suivant, sa réforme, prononcée le 20 octobre, quatorze jours après ce décès, est de toute nullité, comme s'appliquant à un individu mort ; —Que dès lors Becquebois est décédé dans le plein exercice de militaire remplaçant, et que l'engagement pris à raison de ce remplacement doit recevoir son exécution.

Jugement du 1er décembre 1821, ainsi conçu :

« Première question. Le sieur Vinois avait-il été obligé d'entrer au service militaire aux lieu et place de Philibert Becquebois son remplaçant?

* « Deuxième question. Dans le cas de l'affirmative, le contrat de remplacement doit-il être déclaré résolu et sans effet?

« Le tribunal, Considérant, sur la première question, que Becquebois a été réformé pour infirmités existantes avant son entrée au service, ce qui est prouvé par les lettres de M. le préfet, du 13 novembre 1815, et de M. le sous-préfet du 15 du même mois, lesquelles portent, en termes formels, que le nommé Becquebois, suppléant du sieur Vinois, est réformé pour infirmités existantes avant son entrée au ser vice; - Que cette vérité est encore prouvée par l'extrait des

registres matricules du régiment dudit Becquebois, déposés au burcau de la guerre, dans lequel extrait on voit que ledit Becquebois a été réformé pour être remplacé par son suppléé, obligation qui n'aurait point pu être imposée à Vinois si son suppléant n'eût pas été réformé pour infirmités existantes avant son entrée au service, et reconnues dans les trois mois de son admission; - Qu'ainsi l'erreur de date du 24 août, au lieu du 24 avril, en l'admettant comme réelle, serait ici indifférente; Qu'il suffit que la réforme ait eu lieu dans les six mois de son entrée au service, et que c'est le 20 octobre 1815 qu'elle a été opérée, ainsi trois jours avant l'expiration des six mois, même à partir du 24 avril, ce qui suffit, aux termes de l'instruction du 1er novembre 1811;

« Considérant que Vinois fils, par suite de cette réforme, a été contraint de marcher, ce qui résulte des lettres susrappelées, dont la première recommande au sous-préfet de notifier audit Vinois de rejoindre dans les quinze jours, ou de faire un nouveau suppléant ; et dont la seconde contient les mêmes injonctions au maire de Douai, qui les a transmises audit Vinois; que, conformément aux ordres qu'il venait de recevoir, il fit, dans le délai, ses diligences pour entrer au service; Que, le 1er décembre suivant, il fut reçu dans la 11o compagnie d'ouvriers de l'arsenal de Donai, ce qui est prouvé par l'acte de réception, délivré alors par le capitaine commandant, ainsi que par l'autorisation du général Lahure, de même date, 1er décembre 1815; par sa feuille de route, délivrée le 4 du même mois, certifiée par le prefet du département, par le capitaine de recrutement, et suivie d'une reconnaissance de réception au corps, donnée par le commandant du dépôt; - Enfin, que le congé de réforme accordé audit Vinois, le 16 août 1814, ne laisse aucun doute sur le service effectif qu'il a été obligé de faire pour son compte personnel, à défaut de Becquebois son suppléant;

« Sur la deuxième question, le tribunal, considérant qu'aux termes de la convention passée le 6 mars 1815 entre Becquebois et Vinois père, ledit Becquebois s'est engagé de servir pour Vinois fils tant et aussi long-temps que l'exigerait son entière libération; — Qu'aux termes des dispositions des art. 54 et 58 du décret du 8 fructidor an 15, si, pendant les trois premiers mois de l'arrivée d'un suppléant aux drapeaux,

il est reconnu incapable de servir, pour raison d'infirmités existantes lors de son admission, ou qu'il soit réformé pour des causes non provenant du service, les engagements contractés avec lui par le remplacé daivent être déclarés comme non avenus; Par tous ces motifs, le tribunal déclare résolue et sans effet la convention passée le 6 mars 1813 entre Vinois père et Becquebois.

[ocr errors]
[ocr errors]

Appel de la part de la veuve Becquebois et de Lebel. Et, le 18 décembre 1822, arrêt de la cour royale de Douai qui confirme, en adoptant les motifs des premiers juges.

Vinois se pourvoit en cassation, 1o pour violation de l'art. 13, tit. 2, de la loi du 24 août 1790, et de la loi du 16 fruetidor an 3, relatives à la division des pouvoirs judiciaire et administratif;-20 Pour violation du décret du 8 fructidor an 13, et fausse application des art. 54 et 58 du même décret.

[ocr errors]

1

-

L'acte de décès du remplaçant ayant été produit dans la cause, disait le demandeur, la cour royale de Douai ne pou vait douter que M. le directeur général de la conscription n'eût réformé un homme mort. - Or 1o la question relative à l'effet légal de cette réforme ressortait entièrement de l'autorité administrative : il y avait donc là empiètement de juridiction. 2o En admettant que l'autorité judiciaire fût compétente, l'arrêt de la cour royale n'en devait pas moins être cassé. En effet, Becquebois avait été admis comme remplaçant de Vinois, et incorporé dans un régiment. — Il était mort quelques mois après. — Il avait ainsi rempli tous ses engagements, et avait notamment, aux termes de l'art. 57 du décret du 8 fructidor an 13, procuré au sieur Vinois sa libération. Qu'importait la réforme prononcée quatorze jours après son décès ? Cet acte restait évidemment dépourvu de tous ses effets, comme s'appliquant à un homme mort. Au surplus, cette réforme aurait été prononcée d'une manière contraire aux termes mêmes de l'art. 54 du décret précité, qui veut qu'elle soit prononcée, non par le directeur général de la conscription, mais par le ministre de la guerre. - C'est ce qu'a déjà décidé un arrêt de la cour de cassation du 10 mars 1824. (V. tom. 2 de 1824, pag. 574.)

[ocr errors]

Quant aux art. 54 et 58 du même décret, où les a fausse>ment appliqués. Le premier de ces articles dispose « que,

« PreviousContinue »