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ne se libère pas à l'échéance, à bien plus forte raison les intérêts doivent-ils courir jusqu'au jour du paiement effectif. Le bon sens, l'équité, la raison, tout nous ramène à cette conséquence inévitable.

Tel était le système de défense de Gorand. Mais le sieur Martin fils répondait que l'intérêt n'avait été stipulé que pour trois ans ; que si, à défaut de paiement à l'échéance, le sieur Gorand voulait faire produire de nouveaux intérêts à sa créance, il devait en former la demande en justice, conformément à l'art. 1153 du Cod. civ., qui ne les accorde que du jour où ils sont demandés ; qu'en n'usant point de ce droit, il y avait virtuellement renoncé, et que sa prétention actuelle n'était pas recevable.

Du 25 avril 1826, ARRÊT de la cour d'appel de Bourges, 1re chambre, M. Sallé premier président, MM. Deseglisé et Thiot-Varenne avocats, par lequel:

« LA COUR,

Considérant que le billet du 2 mai 1806 était payable dans trois ans, avec l'interet; qu'il est bien présumable que, dans l'intention des parties, si le principal n'était pas payé au terme, l'intérêt continuerait jusqu'au paiement; Mais que, hors le cas où l'intérêt est de droit, il ne peut courir que d'après les conventions des parties, ou par l'effet d'une demande judiciaire; que la présomption, quelle qu'elle puisse être, ne peut suppléer la convention exigée par la loi, et qu'il n'y a eu demande judiciaire que par l'exploit du 5 février 1813, introductif de la présente instance; qu'ainsi, aucun intérêt ne peut être dû depuis le 2 mai 1809, qui était l'échéance du billet, jusqu'au jour de l'action; - INFIRME, etc.; condamne Martin à payer, pour sa part, et hypothécairement pour le tout, au sieur Gorand, 2,182 fr. 40 cent. pour le principal, résultant du traité du 2 mai 1806, et intérêts échus au jour de l'action, avec l'intérêt de ladite somme depuis le 5 février 1813, jour de la demande. »

COUR D'APPEL DE METZ.

B.

Le jugement qui statue sur le profit du défaut joint est-il non susceptible d'opposition, encore que la réassignation donnée à la partie défaillante fut entachée de nullité? (Rés. aff.) Cod. de proc., art. 153.

LES ÉPOUX BERGUES, C. L'AGENT DU TRÉSOR.. Le 5 février 1825, les sieur et dame Bergues assignent le sieur Fleury et l'agent du trésor en radiation d'inscriptions qui grevaient divers immeubles achetés par les demandeurs

des époux Texier. - Les époux Texier sont également mis en cause. Ceux-ci constituent avoué, mais le sieur Fleury et l'agent du trésor ne se présentent pas.

Le 27 février 1823, jugement de défaut joint. Réassignation par acte du 11 mars. Il est à remarquer que cet acte était entaché de nullité. Le 3 avril, l'agent du trésor constitue avoué, non sur la réassignation du 11 mars, mais sur la demande primitive du 3 février.

Le 26 août, les époux Bergues obtiennent un jugement. contradictoire contre les époux Texier, et par défaut contre le sieur Fleury et l'agent du trésor. Opposition de la part de l'agent du trésor: il soutient que l'exploit de réassignation était nul pour vice de forme; que la constitution de son avoué a eu lieu par suite de l'exploit du 3 février; qu'ainsi ce n'est pas le cas d'appliquer l'art. 155 du Cod. de proc., et que le jugement du 26 août est susceptible d'opposition. Jugement qui accueille ce système. — Appel.

Le 18 juin 1825, ARRÊT de la cour royale de Metz, M. Gerard d'Hannoncelles premier président, MM. Dommanget, Parant et Charpentier avocats, par lequel:

« LA COUR, — Sur les conclusions de M. Pyrot, avocat-général ; — Attendu que la disposition de l'art. 153 du Cod. de proc. civ. est conçue en termes généraux qui n'admettent aucune distinction, de sorte qu'il suffi pour l'application de cet article que deux ou plusieurs parties aient été assignées, sans qu'ils aient à examiner de quelle manière ou pour quel intérêt elles l'ont été;- Attendu qu'il est constant dans l'espèce que l'agent du trésor et les époux Texier ont été assignés dans la même instance et pour la même audience du 27 février 1823, de sorte que, le premier ayant fait défaut et ceux-ci ayant comparu, il y a évidemment eu lieu à régler la cause conformément audit article, et qu'ainsi l'agent du trésor ayant fait de nouveau défaut à l'audience du 16 août, le jugement par lequel il a été statué n'est pas susceptible d'opposition;

<< Par ces motifs, DONNE acte aux époux Texier de ce qu'ils adhèrent aux conclusions des appelants; au principal, a mis l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, déclare l'agent du trésor royal non recevable dans son opposition au jugement du 26 août 1823, etc. »

S.

COUR D'APPEL D'AIX.

Les tribunaux civils peuvent-ils, quelle que soit la matière soumise à leur juridiction, juger à l'instar des cours su

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périeures, sections réunies? (Rés. nég.) Règlement du 30 mars 1808 et décret du 6 juillet 1810.

L'enfant qui réclame la qualité d'enfant légitime peut-il présenter comme commencement de preuve par écrit, ou comme présomption et indice grave, un legs qui lui est fait par un membre de la famille à laquelle il prétend appartenir, lorsque d'ailleurs le testament qui renferme le legs ne lui donne d'autre qualification que CELLE D'ENFANT de L'Hospice? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 323 et 324. Lorsque les faits dont on demande à faire la preuve tendent plutôt à établir une filiation naturelle qu'une filiation légitime, la preuve est-elle admissible? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 324 et 355.

LA DAME S...., C. DE GAVEDEL ET CAILLOT.

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Le 8 germinal an 5, Jacques-Victor-David de Gavedel épouse Joséphine Gravier. Ces époux perdent trois enfants nés de leur union. Le 1er prairial an 10, une sage-、 femme présente à l'hospice de Marseille un enfant du sexe féminin, comme né de père et mère inconnus; il était enveloppé de langes marqués des lettres D. et D. G. On l'inscrit sous les noms d'Augustine-Aménaïde-Zéphirine.—Cet enfant est bientôt retiré et remis entre les mains d'une nourrice. Le sieur David, revenu à Marseille, d'où il s'était absenté depuis quelque temps, forme, de concert avec sa femme, le 24 messidor an 10, une demande en divorce par -consentement mutuel. — Le 5 ventôse an 11 le divorce est prononcé; mais les époux ne tardent pas à se réunir.

Le 24 vendémiaire an 11, testament de Joséphine Gravier en faveur de David son époux: elle meurt le 2 floréal an 12. - La dame Vidal Gravier sa mère l'avait prédécédée ; elle avait elle-même fait un testament renfermant un legs ainsi conçu: « Je lègue à Augustine-Aménaïde-Zéphirine, fille de l'hospice de l'Hôtel-Dieu de cette ville, où elle a été reçue le 11 prairial an 10, présentement en nourrice chez Marie Martin, épouse Levens, une pension annuelle et viagère, qui sera graduelle, savoir, de 300 fr. jusqu'à l'âge de sept ans accomplis, de 400 fr. jusqu'à l'âge de douze ans accomplis, et après la deuxième époque, jusqu'à son mariage ou son décès, de 6oo fr., payable ladite pension de trois en

A

trois mois par avance. Je veux, si Augustine-Aménaïde-Zéphirine, quand elle aura l'âge convenable, trouve à faire un établissement, que la pension cesse, et, dans ce cas, je lui lègue la somme de 12,000 fr., payable le jour de son mariage.>> David, devenu héritier de la dame Vidal Gravier par l'effet du testament de sa femme, eut à essuyer un procès avec les héritiers naturels des dames Gravier. — Une transaction par laquelle David remit à ces héritiers une portion considérable des biens de leurs parentes termina ce procès. Le sieur Caillot-Tassy, l'un d'eux, fut chargé d'acquitter le legs fait à Zéphirine. Ce fut lui qui, dès ce moment, pourvut à son entretien et prit soin de son éducation. Il la plaça chez un maître de pension sous le nom de sa parente. — Le sieur Caillot étant mort, son fils se fit déférer la tutelle de Zéphirine par une assemblée de famille; il la retira chez lui, où elle prit et porta constamment le nom de sa nièce.

Le 1er mars 1821, mariage de Zéphirine avec le sieur S.... C'est alors qu'elle réclama l'état de fille légitime de Joséphine Gravier et de Jacques Victor David de Gavedel. La demande fut formée contre ce dernier et contre les sieurs Cail lot-Tassy et Gravier.

Le 22 mai 1824, jugement du tribunal civil de Marseille, chambres réunies, qui admet la dame S.... à la preuve des faits suivants, « savoir, qu'à la suite d'une grossesse qui ne fut point cachée, la dame David donna le jour, le 29 floréal an 10, à un enfant du sexe féminin, chez la femme Planche, accoucheuse; que l'accouchement eut lieu chez cette femme, parce que les douleurs de l'enfantement surprent subitement madame David dans une salle de spectacle, d'où elle se trouvait à un assez grand éloignement de son domicile ; que l'enfant fut enlevé et présenté à l'hospice, pendant que la mère, faible et malade, était hors d'état de s'en apercevoir; que Zéphirine fut présentée à la nourrice comme la fille de M. et de madame David; que cette dernière paya les mois de nourrice, et écrivit ensuite plusieurs lettres à la femme Levens, au sujet de sa fille, lettres qui seraient tombées dans les mains du sieur Caillot-Tassy, etc. ».

Appel de ce jugement de la part des sieurs David de Gavedel et Caillot-Tassy.

Ils avaient à répondre aux moyens suivants présentés par

l'intimée, pour faire admettre la preuve des faits qu'elle articulait.

-

L'art. 323 du Cod. civ. permet la preuve de la filiation par témoins dans deux cas: 1° Lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit; - 2o Lorsque les présomptions ou indices résultant de faits dès lors constants sont assez graves pour déterminer l'admission. Ces deux moyens de preuve sont également au pouvoir de Zéphirine. - Le testament de la dame Vidal Gravier est incontestablement un commencement de preuve par écrit ; c'est une pièce émanée d'une personne qui, si elle était vivante, aurait certainement intérêt à la question de savoir si elle est ou non la grand'mère de Zéphirine. Elle porte d'ailleurs toutes les probabilités voulues par la loi pour déterminer la conviction du juge sur la certitude du fait que Zéphirine est la petite-fille de la dame Vidal. Ce n'est pas un simple mouvement de pitié ou de commisération commune qui a déterminé le legs considérable de 12,000 fr.-C'est un cri de la conscience, une obligation en quelque sorte imposée par la nature. Comment d'ailleurs expliquer la connaissance, de la part de la testatrice, du fait de l'existence de sa légataire? sa sollicitude pour elle lorsqu'elle lui envoie son notaire ? cette prédilection singulière qui la porte à la gratifier d'un legs de 12,000 fr., tandis qu'elle n'en fait qu'un de 600 fr. au fils du sieur CaillotTassy, son parent et son filleul? son affectation de ne la nommer qu'Augustine - Aménaïde - Zéphirine, comme son acte même de naissance, ajoutant seulement fille de l'hospice? précaution qui atteste toutes les craintes qu'elle éprouvait de déchirer le voile qui couvrait la suppression d'état, alors que la dame David, mère de l'enfant et héritière directe de la dame Vidal, était vivante, mais qui ne donne que plus de réalité et de force au titre dont elle invoque aujourd'hui le secours. Elle citait à l'appui de ce premier moyen plusieurs monuments de l'ancienne et de la nouvelle jurisprudences: l'arrêt dans l'affaire de Marie Cognot (Bardet, tom. 2, tit. er, chap. 19); celui qui fut rendu dans l'affaire de la demoiselle de Bonneval (Brillon, Dictionnaire des arrêts, v Témoins); Enfin l'arrêt de la cour royale de Paris, du 51 juillet 1807, en faveur de Louise Dubois (Journal du Palais, 2o sem. de 1807, pag. 251).

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