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relle qui se tire des art. 771 et suiv. du Cod. civ. Ces articles, en appelant les enfants naturels et l'époux survivant à la succession, lorsque le défunt ne laisse point de parents au degré successible, leur imposent l'obligation de donner caution, tandis que la même obligation n'est point imposée à l'état lorsque la succession lui est acquise dans le cas prévu par l'art. 768. Or rien ne démontre plus elairement que l'intention du législateur a été d'affranchir le trésor de la caution exigée des enfants naturels et de l'époux survivant. Pourquoi n'en serait-il pas de même lorsqu'il s'agit du cautionnement prescrit par les art. 2185 du Cod. civ. et 832 du Cod. de proc. ?

Il faut commencer, répondait le défendeur, par écarter de la discussion les lois romaines, qui, d'après celle du 30 ventôse an 12, ne peuvent avoir aucune influence sur les matières régies par nos Codes modernes. D'ailleurs, pour qu'un arrêt soit cassé, il faut qu'il viole expressement la loi. Or l'adversaire convient lui-même qu'aucune loi du Digeste et du Code n'affranchit expressement le fisc de la nécessité de fournir caution, ce qui suffit pour faire tomber tous les arguments puisés dans la législation romaine. Ouvrons donc nos Codes français, et voyons ce qu'ils disent sur la matière. L'art. 832 du Cod. de proc., qui a eu pour objet d'organiser le mode d'exécution du droit de surenchère établi par l'art. 2185 du Cod. civ., dispose textuellement que l'acte de réquisition de mise aux enchères contiendra, à peine de nullité, l'offre d'une caution, avec assignation à trois jours pour sa réception. Maintenant existe-t-il une exception à cette règle générale, en faveur de l'agent qui se rend surenchérisseur pour le trésor royal? Aucune des lois qui ont établi les priviléges du trésor n'a consacré celui qui consisterait à dispenser son agent de donner caution, dans le cas prévu par les art. 2185 du Cod. civ. et 852 du Cod. de proc. Or il est de principe, en cette matière, que les tribunaux ne peuvent se permettre de suppléer au silence de la loi, et de créer un nouveau privilége au profit d'un créancier, de quelque faveur qu'il soit environné.

Vainement objecterait-on, pour échapper à l'application de ce principe, que la qualité de l'une des parties doit faire paraître superflues les précautions prises pour garantir l'effet

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de la surenchère, et conséquemment dispenser de leur observation: ce serait introduire dans l'application des lois un principe de distinctions arbitraires, dont on ne manquerait pas d'abuser pour rendre illusoires les dispositions les plus précises, les plus impératives. D'ailleurs, sans méconnaître les garanties offertes par le trésor à ses créanciers, on ne peut se dissimuler qu'ils n'ont pas du moins contre lui les mêmes facilités d'exécution que contre un débiteur ordinaire; que tout n'est pas fini à l'égard du trésor, lorsque la justice a prononcé; que les jugements ne sont point exécutoires contre l'état ; que le paiement, quant au mode, aux délais, aux valeurs dans lesquelles il doit être fait, reste soumis à la décision du ministre qui peut encore se retrancher derrière un foule d'exceptions administratives; qu'enfin la condition de créancier de l'état n'est pas tellement avantageuse que l'on ne puisse désirer un débiteur, sinon plus solvable, du moins plus facile à payer.

On affecte de croire que la caution n'est donnée,que pour la sûreté du paiement, mais on ne va pas assez loin; elle est donnée tout à la fois pour la sûreté et pour la célérité, parce qu'en fait de paiement, la célérité fait partie de la súreté. Elle est donnée particulièrement pour la sûreté de la folle enchère, laquelle, devenant impossible quand le trésor se rend adjudicataire, laisse le premier acquéreur et les créanciers sans recours judiciaire, si on ne leur donne pas une caution qu'ils puissent poursuivre, ou un gage auquel ils puissent s'en prendre.

<< Mais, dit-on pour le trésor, à quoi servirait une caution? Cette caution aurait le droit d'exiger la discussion du debiteur principal: ce serait donc une absurdité. »

.. On répond que la prétendue exception de discussion net pourrait pas être opposée: car suivant l'art. 2025 du Cod. eiv., la caution qui requiert la discussion doit indiquer au créancier les biens du principal débiteur, et avancer les deniers suffisants pour la faire. Or, dans l'espèce, la caution du trésor aurait beau indiquer des biens domaniaux et donner les deniers suffisants pour les discuter, puisque ces biens sont insaisissables, et qu'il n'y a pas de discussion possible.

L'agent du trésor parcourt encore différents cas dans la législation où la loi exige caution et n'y assujettit point le tré

sor. Il cite notamment l'art. 771 du Cod. civ., d'après lequel l'époux survivant qui succède à son conjoint est tenu de faire emploi ou de donner caution. Or, dit-il, aucun article n'impose cette obligation au trésor qui succède en cas de déshérence.

La réponse est dans la loi même. L'article n'impose pas une obligation générale de donner caution à tous les successeurs, quels qu'ils soient: il l'impose spécialement à l'époux survivant. Donc le trésor n'y est pas assujetti, suivant la règle Qui dicit de uno negat de altero. Mais l'art. 2185 du Cod. civ. est bien différent. Cet article est général; il impose indistinctement l'obligation de donner caution à tout créancier inscrit qui surenchérit, et l'article qui oblige le trésor à s'inscrire n'est pas loin de là. On a donc raison d'en conclure que l'art. 2185 s'applique aussi bien au trésor qu'à tout autre créancier inscrit.

Quand la loi a voulu excepter le trésor du droit commun, elle l'a faît. Ainsi, lorsqu'elle a jugé à propos de lui accorder des priviléges, elles les a définis. Deux lois ont été portées à ce sujet en 1807: la dispensé de donner caution ne s'y trouve pas. En matière de requête civile, le législateur a cru devoir dispenser le trésor de déposer l'amende et les dommages et intérêts présumés de la partie; il l'a dit très expressément par l'art. 494 du Cod. de proc. ; et cette exception, pour ce cas, eût été non seulement inutile, mais absurde, dans le sens de notre adversaire, si, comme il le prétend, il était de droit public, de morale et presque de foi, que le trésor ne doit jamais donner caution.

En dernière analyse, le Code civil, qui fait la loi de toutes les parties, exige indistinctement caution de tout créancier inscrit qui exerce le droit de surenchère. Aucun article de ce Code, aucune loi en vigueur, n'en exceptent le trésor, par conséquent le trésor doit donner caution. En le décidant ainsi, la cour royale a fait une juste application des lois de la matière, loin de contrevenir à leurs dispositions.

Du 9 août 1826, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Jourde rapporteur, MM. Berton et Delagrange avocats, par lequel :

« LA COUR, - Sur les conclusions contraires de M. Cahier, avocatgénéral, et après un délibéré en la chambre du conseil, attendu que les

cédures, et qu'il n'eût élevé jusque là aucune contestation, prétend tout à coup, et après deux années de silence, que les époux Corblin sont tenus de justifier, avant de recevoir le montant de leur collocation, que la pièce de terre dont il s'est rendu adjudicataire est affranchie de la rente foncière constituée en 1792 au profit des héritiers Thibault.

Les époux Corblin répondent qu'aucune inscription n'avait jamais été prise sur l'immeuble adjugé; Que l'expropriation forcée avait, au besoin, purgé tous les priviléges et toutes les hypothèques dont on pourrait le supposer grevé; Que les clauses de l'adjudication avaient d'ailleurs prévu le cas possible de dépossession, et qu'elles faisaient alors à l'adjudicataire un devoir exprès de payer son prix, sauf à lui à recourir sur les derniers créanciers emportant deniers. Enfin, la présence de Jean-Pierre Lafosse à l'ordre, sans qu'il eût fait entendre la moindre réclamation, rendait définitive à son égard, et exempte de toute critique, leur collocation: il ne lui restait donc plus qu'à en payer le montant. Au surplus, les époux Corblin, pour faire cesser toute difficulté, même mal fondée sur ce point, offraient bénévolement, et sans qu'ils y fussent tenus, de fournir, à titre de garantie, sur leurs propres immeubles, une hypothèque d'une valeur correspondante à la somme qui leur serait payée avec les accessoires. -- Mais ils résistaient à la prétention injuste de les soumettre à une garantie de 20,000 fr. représentative du capital de la rente foncière grevant originairement la totalité de l'immeuble.

payer.

-

Le 17 août 1822, jugement du tribunal civil de Rouen qui accueille leurs moyens, et condamne Lafosse à Appel de la part de ce dernier ; et, le 1er février 1825, arrêt de la cour royale de Rouen qui infirme ce jugement."

Cet arrêt, statuant d'une part comme si le trouble et l'éviction étaient certains; de l'autre, considérant que les époux Corblin, représentant le vendeur originaire, ne pouvaient jouir du bénéfice de la clause insérée au cahier des charges; sans avoir égard au consentement tacite résultant de la présence de l'adjudicataire à la procédure d'ordre, etc.; condamne les époux Corblin à fournir dans le mois la justification authentique que la rente foncière de 1,400 fr. constituée en 1792 (et réduite en ce moment à 938 fr. 26 cent.) a

cessé d'exister, ou ne frappe plus la propriété adjugée à Lafosse, si mieux n'aiment les époux Corblin consentir une inscription en garantie, sur immeubles suffisants, de la rente de 938 fr. 26 cent. ; faute d'exécution, autorise Lafosse à consigner, etc.

La dame Corblin étant décédée depuis l'arrêt, ses héritiers et le sieur Corblin se sont pourvus en cassation. Voici leurs principaux moyens :

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1o Violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810. Aux termes de cet article, les arrêts doivent énoncer leurs motifs, sous peine de nullité. Les époux Corblin avaient présenté devant la cour deux fins de non recevoir qui avaient été accueillies par les premiers juges. La première résultait des termes mêmes de la clause d'adjudication rapportée plus haut; la seconde de ce que leur collocation était pure et simple et qu'elle avait reçu l'acquiescement formel du sieur Lafosse, qui ne l'avait jamais contestée. Or la cour avait omis de statuer sur ces deux fins de non recevoir.

2o Violation de l'art. 1134 du Cod. civ., des art. 1550 du même Code et 771 du Cod. de proc. civ.

« Les conventions légalement formées, porte le premier de ces articles, tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » Or, dans l'espèce, l'adjudicataire était expressément convenu d'une part de payer son prix aux créanciers colloqués; de l'autre, qu'en cas de dépossession, il n'aurait de recours à exercer que contre les créanciers emportant deniers; et ce qui corroborait son consentement à cet égard, c'est que, présent à la procédure d'ordre tenue par suite de l'adjudication, il n'avait pas élevé la moindre réclamation sur la collocation des époux Corblin.

L'art. du Cod. de 771 civ. déclare exécutoire contre proc. l'acquéreur le bordereau du créancier utilement colloqué; et l'art. 1350 du Cod. civ. met à l'abri de toute attaque, même par la preuve contraire, un jugement passé en force de chose jugée. Dans l'esprit bien entendu de la loi, le bordereau a toute la force d'un jugement passé en force de chose jugée. -Les longues et nombreuses formalités prescrites pour la procédure en expropriation forcée, formalités dont l'omission entraîne presque toujours, pour chacune d'elles, la peine de nullité, attestent suffisamment que le créancier,

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