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tive. L'art. 7 contient une disposition aussi très sage et destinée à empêcher les altroupements, les tumultes que pourrait provoquer l'exercice du droit de pétition : « Toule infraction à l'article précédent, toute provocation par des discours proférés publiquement ou par des écrits ou imprimés affichés ou distribués, à un rassemblement sur la voie publique ayant pour objet la discussion, la rédaction ou l'apport aux chambres, ou à l'une d'elles, de pétitions, déclarations ou adresses, que la provocation ait été ou non suivie d'effet, sera punie des peines édictées par le § 1er de l'art. 5 de la Joi du 7 juin 1848 ». L'art. 7 de la loi de 1879 ajoute qu'il n'est en rien dérogé par les présentes dispositions à cette loi du 7 juin 1848 sur les attroupements.

Quant à la procédure parlementaire pour l'examen des pétitions, elle est déterminée par les règlements des chambres : Règl. sénat, art. 17, § 3, 95-102; Règl. chambre, art. 20, 61-68. Les pétitions doivent être adressées au président du sénat ou de la chambre. Les membres des chambres ne pourraient pas les déposer à la tribune. Les pétitions doivent être signées, et il est de jurisprudence qu'une pétition n'a de valeur que si les signatures en sont légalisées. Les pétitions sont renvoyées à la commission nommée chaque mois dans des bureaux pour l'examen des pétitions. V. infra, § 125. Cependant les pétitions relatives à une proposition, dont est actuellement saisie une commission déterminée, sont renvoyées à cette commission. Un feuilleton distribué chaque semaine, s'il y a lieu, à la chambre et chaque mois au sénat, mentionne le nom et le domicile du pétitionnaire, l'indication sommaire de l'objet de la pétition, le nom du rapporteur, la résolution adoptée par la commission avec le résumé succinct de ses motifs. En général, les rapports de pélitions ne doivent être insérés qu'au feuilleton; ils ne sont ni déposés sur le bureau, ni imprimés à part comme les rapports concernant les projets et propositions. Par exception, les assemblées autorisent quelquefois l'impression et la distribution séparée de rapports sur les pétitions, à cause de leur importance exceptionnelle.

La commission des pétitions peut prendre trois décisions différentes: 1o Renvoyer la pétition à un ministre; 2° Soumettre la pétition, indépendamment de ce renvoi, à l'examen de la chambre; 3o Décider qu'il n'y a pas lieu de soumettre la pétition à un examen. Le pétitionnaire est averti de la décision de la commission. Si la pétition est soumise à l'examen de la chambre, celle-ci la discute en séance publique. La chambre peut voter l'ordre du jour sur la pétition, c'est-à-dire décider qu'il ne sera donné aucune suite à la pétition, voter un ordre du jour motivé, voter le renvoi au ministre compétent, renvoi pur et simple ou renvoi « avec le vœu qu'il soit donné à la pétition la plus prompte solution possible ». La chambre peut évidemment toujours voler la question préalable sur la pétition. Cf. pour plus de détails sur tous ces points de

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procédure parlementaire, Pierre, Traité de droit politique, 2° édit., 1902, p. 668 et suiv.; Supplément, 1906, p. 276 et suiv.

Le droit de pétition aux chambres a eu à certaines époques une importance beaucoup plus grande qu'aujourd'hui. Sous l'application des constitutions qui refusaient aux chambres l'initiative, le droit de pétition fournissait un moyen détourné pour saisir les chambres de questions importantes que ne leur soumettait pas le gouvernement. Aujourd'hui, députés et sénateurs ont un droit d'initiative complet et, de ce chef, le droit de pétition est devenu inutile. D'autre part, la presse, avec la puissance considérable qu'elle a de nos jours, est un moyen autrement puissant pour imposer une question à l'attention des pouvoirs. publics que le modeste droit de pétition. Elle peut soulever l'opinion publique et forcer l'action du parlement et du gouvernement, quand des pétitions, même réunissant des milliers de signatures, restent oubliées dans l'in pace des commissions parlemen

taires.

Enfin les pétitions proprement dites adressées au gouvernement deviennent aussi à peu près inutiles. L'individu qui se prétend victime d'un acte arbitraire est, dans le droit moderne, armé de recours contentieux qui garantissent ces droits d'une manière bien plus énergique et effective que la pétition. Par le caractère de généralité que la jurisprudence a donné au recours pour excès de pouvoir, par l'étendue qu'on tend à reconnaître à la responsabilité de l'Etat et des fonctionnaires, l'individu est de mieux en mieux protégé contre l'arbitraire administratif, et le droit de pétition devient de plus en plus inutile.

88. La liberté religieuse. Tout individu a incontestablement le droit de croire intérieurement ce qu'il veut en matière religieuse. Cela est proprement la liberté de conscience, qui n'est pas seulement la liberté de ne pas croire, mais aussi la liberté de croire ce que l'on veut. La liberté de conscience ainsi com

prise échappe forcément et naturellement aux atteintes du législateur, comme la liberté de penser proprement dite. Ni en droit ni en fait le législateur ne peut pénétrer dans l'intérieur des consciences individuelles et leur imposer une obligation ou une prohibition quelconque. Pas plus que la liberté de penser, la liberté de conscience proprement dite n'a besoin d'être affirmée en droit. Les législateurs et les gouvernements l'ont malheureusement souvent oublié et l'oublient parfois encore.

La question de l'intervention de l'Etat ne peut se poser que lorsque les croyances religieuses se manifestent extérieurement, soit par un exposé verbal ou écrit, soit par la pratique du culte correspondant à ces croyances. On s'est demandé souvent ce qui distingue une religion d'une philosophie. Assurément il est impossible de donner un critérium de distinction fixe. Cependant il nous semble que la religion implique d'une part la croyance à certaines propositions d'ordre métaphysique, et d'autre part l'accomplissement de certains rites correspondant à ces croyances, quelque variées que soient ces croyances, quelque caractère que présentent ces rites. En un mot, deux éléments très généraux caractérisent la religion : toute religion implique un certain nombre de dogmes plus ou moins primitifs, plus ou moins compliqués et en second lieu un certain rituel, un certain culte aussi infiniment variable.

Sur la définition de la religion, cons. Morrys Jastrow, The study of religion, 1901, p. 171 et suiv.; Chantepie de la Saussaye, Manuel de l'histoire des religions, édit. française, 1904, Introduction, p. xv et suiv.; Durkheim, De la définition des phénomènes religieux, dans Année sociologique, t. II, 1898, p. 4 et suiv.

Cela posé, affirmer la liberté religieuse, c'est d'abord affirmer le droit pour quiconque d'exprimer publiquement par la parole ou par l'écrit ses croyances religieuses. Mais la liberté religieuse ainsi comprise se confond avec la liberté d'opinion. Les auteurs de la Déclaration des droits de 1789 le comprenaient bien,

quand ils disaient : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Cette expression même religieuses montre que dans l'esprit des hommes de 1789 il y avait quelque chose de nouveau dans ce respect des opinions religieuses; mais la nouveauté consistait justement dans l'assimilation des opinions religieuses aux opinions politiques, philosophiques, sociales, artistiques, etc... La liberté d'exprimer ses croyances religieuses par la parole et par l'écrit ne se distingue donc en rien de la liberté d'opinion en général, et tout ce qui a été dit précédemment sur les libertés de réunion, d'enseignement, de la presse, doit recevoir son application quand les réunions, l'enseignement et la presse ont pour but de propager des croyances religieuses. Les lois qui garantissent aujourd'hui ces diverses libertés doivent s'appliquer quelles que soient les opinions ou les croyances qui sont exprimées sous la protection de ces lois.

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Mais toute religion contient un second élément le rituel ou culte. Pour que la liberté religieuse existe, il faut que chacun soit libre de pratiquer un culte religieux quelconque, que nul ne soit empêché directement ou indirectement de pratiquer le culte correspondant à ses croyances religieuses, et qu'à l'inverse, nul ne soit contraint directement ou indirectement de pratiquer un culte quelconque. La liberté religieuse, c'est donc essentiellement la liberté du culte. Mais naturellement le principe, en vertu duquel la liberté de chacun doit être limitée dans la mesure où cela est nécessaire pour assurer la liberté de tous, est vrai pour la liberté religieuse comme pour toutes les libertés. En conséquence, le législateur peut et doit intervenir pour réglementer l'exercice extérieur du culte, de manière qu'il ne porte aucune atteinte à la liberté individuelle de qui que ce soit. Le droit que chacun possède de pratiquer librement son culte a pour limite

la liberté physique, intellectuelle et religieuse de tous

les autres.

La liberté religieuse ainsi comprise a été très longue à s'établir dans les pays civilisés; et l'on a pu se demander si la France de 1906 respectait vraiment la liberté religieuse. Dans aucun des domaines de la pensée, l'intolérance n'a fait plus sentir son action néfaste. Tout fidèle en effet croit aisément que sa religion seule possède la vérité absolue, la vérité métaphysique et la vérité morale; il veut par suite imposer aux autres ses propres croyances; il y voit facilement l'accomplissement d'un véritable devoir. Il aura naturellement la tentation d'employer la part d'autorité dont il dispose à favoriser et même à imposer la pratique de telle ou telle religion. En outre, dans tous les temps et dans tous les pays, les gouvernants ont vu dans la religion une force tantôt alliée, tantôt ennemie, et par suite ont pratiqué naturellement une politique religieuse de privilège ou d'oppression, de privilège pour la religion dont on faisait un instrument de gouvernement, d'oppression contre la religion dont on redoutait l'in

fluence.

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Outre l'art. 10 de la Déclaration des droits de 1789, beaucoup de textes de nos Déclarations, de nos constitutions et de nos lois ont formulé le principe de la liberté religieuse. La const. de 1791 déclarail garantir comme droit naturel et civil la liberté à tout homme... d'exercer le culte auquel il est attaché » {tit. I, § 2). « Le libre exercice des cultes ne peut être interdit » (Décl. 1793, art. 7). Rapp. const. 1793, art. 122. « Nul ne peut être empêché d'exercer en se conformant aux lois le culte qu'il a choisi. Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d'un culte. La République n'en salarie aucun» (Const. an III, art. 334). La formule de la const. de l`an III, d'une exactitude parfaite, était reproduite dans les considérants de la grande loi du 7 vendémiaire an IV relative à la police et à l'exercice extérieur des cultes. Dans la formule du serment que l'art. 53 du sénatusconsulte du 28 floréal an XII imposait à l'empereur, celuici devait promettre de respecter et de faire respecter la liberté des cultes. La Charte de 1814 reconnaissait expressément la liberté du culte: «Chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection » (art. 5). Il est vrai qu'on disait à l'art. 6: « Cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'Etat ». Rapp. les art. 5 et 6 de la Charte de 1830.

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