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PRÉFACE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

L'ouvrage dont nous offrons la traduction jouit en Allemagne d'une réputation justement acquise. Quatre éditions, dont la dernière paraît en ce moment, suffisent pour attester la faveur avec laquelle il y a été accueilli.

On trouvera peut-être étonnant que des Français aillent demander à l'Allemagne un ouvrage sur le Code civil, tandis qu'il existe en France d'excellents commentaires et de savants traités soit sur l'ensemble, soit sur les diverses parties de ce Code.

En rendant hommage aux travaux des auteurs qui, depuis la publication du Code civil, ont contribué aux progrès de la science du droit en France, nous croyons cependant qu'ils ont laissé une lacune à combler, un besoin à satisfaire. Nous avons senti ce besoin sur les bancs de l'école; nous l'avons senti plus vivement encore, lorsqu'après les avoir quittés, nous avons voulu nous livrer

ZACHARIE.-T. I.

à l'étude approfondie de notre législation civile.

Nous cherchions un livre à l'aide duquel nous pussions systématiser les connaissances que nous avions acquises, un livre qui nous offrit un plan d'études pour les connaissances que nous avions à acquérir encore. Ce livre, nous sommes forcés de le dire, dût notre déclaration blesser la susceptibilité nationale, ce n'est point en France, c'est en Allemagne que nous l'avons trouvé; et dès ce moment nous avons conçu le dessein de donner la traduction d'un ouvrage dont nous ne saurions mieux faire apprécier le mérite spécial qu'en indiquant les vues d'après lesquelles il a été écrit.

«Enchaîner d'une manière systématique les différentes matières qui forment l'objet du droit civil français; rattacher les dispositions de la loi à des principes certains; présenter à l'occasion des questions contro

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versées, soit le résumé de mes investigations ou de celles de mes devanciers, soit du moins l'indication des commentateurs qui ont discuté ces questions, et celle des arrêts qui les ont décidées; justifier et corroborer, par des citations d'autorités puisées dans la jurisprudence et dans la doctrine, tous les points sur lesquels la loi a pu laisser quelques doutes; en un mot, exposer dans un ordre méthodique l'ensemble et les détails du droit civil français de manière à satisfaire tout à la fois les exigences de la science et les besoins de la pratique; tel est, dit M. Zachariæ, le but que je me suis proposé d'atteindre. »

Et ce but, nous le dirons sans crainte d'être démentis, a été complétement atteint par la méthode et le plan de l'ouvrage. Le texte des paragraphes contient, sous la forme dogmatique, l'exposé des principes qui régissent chaque matière, et l'indication des conséquences les plus importantes qui en découlent. Cependant le cours de M. Zachariæ n'est point un de ces manuels purement dogmatiques dont les assertions s'adressent moins à la raison qu'à la foi; c'est un traité raisonné où toutes les propositions sont justifiées par des arguments dont le lecteur est à même de vérifier l'exactitude, ou du moins appuyées d'autorités auxquelles il lui est facile de recourir.

Des notes nombreuses placées au bas de chaque page contiennent en effet l'indication des sources auxquelles ont été puisés les principes énoncés dans le texte, avec la citation des auteurs qui les ont enseignés, et des arrêts qui les ont proclamés. Ces notes renferment également la justification, le développement et l'application des propositions émises dans le texte. On y trouve enfin l'explication des difficultés que présente la lettre de la loi et la solution des questions que son silence a fait naître. Ainsi, le cours de M. Zachariæ, aussi riche en détails que nourri de doctrine, allie de la manière la plus heureuse la pratique à la théoe. et réunit tous les avantages de la méthode

exégétique à ceux d'un enseignement dogmatique. Cependant ce cours ne se compose que de trois volumes in-8°. Il serait difficile de réaliser mieux que ne l'a fait notre auteur le précepte multa paucis.

Le plan adopté par M. Zachariæ ne consiste pas dans un arrangement plus ou moins arbitraire des matières dont se compose le Code civil. Il est conçu d'après un ordre logique d'une rigueur telle que chaque matière vient nécessairement, et d'elle-même, pour ainsi dire, prendre la place qu'elle occupe. Tout en intervertissant l'ordre matériel des dispositions du Code, il en facilite l'intelligence par la liaison et l'enchainement qu'il établit entre elles.

Voici, du reste, l'indication sommaire de ce plan et des considérations sur lesquelles il est fondé.

Avant d'entrer dans le détail des préceptes du Droit civil qui régit une nation, la science doit faire connaître les origines, les développements historiques et la forme actuelle des divers éléments dont ce droit se compose. Tel est l'objet de l'introduction placée en tête de l'ouvrage sur le droit français en général et le droit civil français en particulier.

Le droit civil a une double tâche à remplir. Il doit, d'une part, après avoir indiqué les conditions auxquelles l'homme devient capable d'acquérir et d'exercer des droits civils, énumérer et régler ces droits euxmêmes. Il doit, d'autre part, exposer les moyens de les faire valoir, et la marche à suivre dans l'emploi de ces moyens de là la division du Cours en droit civil théorique et en droit civil pratique; de là encore la subdivision du droit civil théorique en deux parties.

La première partie, intitulée de l'état civil, traite de la capacité juridique et des circonstances qui peuvent exercer quelque influence sur cette capacité. Tout le premier livre du Code civil, à l'exception des titres V à IX, est expliqué dans cette première partie, où l'homme est envisagé comme per

sonne juridique, abstraction faite des droits. qu'il peut avoir en cette qualité suivant les diverses positions dans lesquelles il se trouve placé.

La seconde partie traite des droits qui peuvent appartenir aux personnes sur les objets du monde extérieur avec lesquels elles se trouvent en rapport. Or ces objets ne doivent pas être envisagés seulement dans leur individualité, mais encore comme faisant partie intégrante d'une universalité juridique. (Patrimoine.) La seconde partie se trouve ainsi divisée en deux livres.

Le premier s'occupe des droits sur les objets du monde extérieur, envisagés dans leur individualité. Ces objets étant des choses ou des personnes, ce livre se partage de nouveau en deux divisions, dont la première traite des droits réels, et la seconde, des droits personnels.

Parmi les droits réels viennent se ranger la propriété, les servitudes personnelles et réelles, les hypothèques et les priviléges sur les immeubles. Cette première division, dans laquelle sont accessoirement exposés les priviléges sur les meubles, comprend ainsi l'explication du second livre du Code, du titre XVIII, et de la majeure partie du titre XX du troisième livre.

La seconde division est consacrée aux droits personnels. Une personne pouvant être ou simplement obligée envers une autre à une prestation quelconque, ou se trouver soumise à sa puissance, cette seconde division comprend, d'une part, la théorie des obligations; d'autre part, celle des droits de puissance et de famille.

Dans la théorie des obligations sont exposés les titres III, IV, VI à XVII du troisième livre du Code, à l'exception des règles relatives à la preuve des obligations. Les titres V à IX du premier livre et le titre V du troisième livre sont expliqués dans la théorie des droits de puissance et de famille qui naissent du mariage, de la reconnaissance et de la légitimation des enfants naturels, et de l'adoption.

Le second livre, dans lequel les (bjets des droits de l'homme sont envisagés comme parties intégrantes d'un patrimoine, est aussi partagé en deux divisions. La première contient la théorie générale du patrimoine, dans laquelle se trouve, entre autres, l'explication des titres XVI et XIX du troisième livre du Code sur la contrainte par corps et l'expropriation forcée.

La seconde division a pour objet l'acquisition du patrimoine d'une personne décédée. (Hérédité.) Elle renferme les règles qui régissent les successions ab intestat et testamentaires, et traite accessoirement des donations entre-vifs et des legs à titre particulier. On y trouve par conséquent le développement des titres I et II du troisième livre du Code.

En traitant, à la fin de l'ouvrage, du droit civil pratique, l'auteur ne s'occupe que des moyens de faire valoir les droits civils. La procédure, c'est-à-dire l'ensemble des règles concernant la marche à suivre dans l'emploi de ces moyens, se trouve donc exclue du plan de l'ouvrage, qui n'embrasse dans la partie relative au Droit civil pratique que la théorie des actions, celle des preuves et celle de la prescription extinctive.

Tel est en résumé le plan du Cours de M. Zachariæ. Les bornes d'une préface ne nous ont pas permis de le développer davantage le lecteur pourra y suppléer en recourant aux tables qui se trouvent à la fin de chaque volume. Toutefois nous devons appeler son attention sur les introductions qui précèdent les principales divisions de l'ouvrage, et qui présentent, sur les matières auxquelles elles se rapportent, des aperçus historiques, des vues critiques et des notions générales de la plus haute utilité pour l'intelligence des dispositions du Code.

Nous terminerons par quelques explications sur notre mode de traduction.

En nous astreignant à la reproduction exacte de l'original, sans nous permettre d'y apporter aucune modification, le Cours dont nous publions la traduction, et dont la troi

sième édition date de 1827, n'aurait point été, en 1857, au courant des progrès de la science. Un travail de simple traduction n'eût donc pas rempli le but que nous devions nous proposer d'atteindre. Nous aurions pu, il est vrai, accompagner la traduction de notes spéciales, dans lesquelles nous aurions exposé nos opinions particulières et fait entrer nos additions. Mais une semblable combinaison présentait, outre la difficulté de son exécution matérielle, l'inconvénient de grossir démesurément le volume de l'ouvrage, et d'en augmenter considérablement le prix. D'après ces considérations, nous avons préféré soumettre l'ouvrage de M. Zachariæ à un remaniement qui pût faire considérer notre traduction comme une nouvelle édition française de cet ouvrage. Nous ne pouvions entreprendre un semblable travail que du consentement de l'auteur, qui a daigné nous l'accorder avec une bienveillance dont nous le prions de recevoir nos remerctments publics. M. Zachariæ a fait plus encore: il a

(1) La précipitation avec laquelle nous avons été forcés de livrer à l'impression la fin du second volume ne nous a pas permis de soumettre à M. Zachariæ la théorie des

revu notre manuscrit, il a bien voulu nous éclairer de ses conseils, et nous encourager par ses concessions (1). Aussi sommes-nous bien rarement restés divisés d'opinion avec l'auteur. C'est dans ce cas seulement que nous avons cru devoir signer les notes que nous avons ajoutées.

Quel que soit le jugement que l'on portera sur notre traduction, du moins on y reconnattra, nous aimons à le croire, une œuvre entreprise par amour de la science, et consciencieusement accomplie. La longueur et les difficultés du travail ne nous ont pas rebutés. Nous ne regretterons pas le temps que nous y avons consacré, si nous avons le bonheur de voir accueillir avec quelque intérêt un ouvrage qui, s'éloignant des routes jusqu'à présent suivies en France, élève le droit civil à la hauteur d'une véritable science, et qui nous paraît ainsi éminemment propre à répandre le goût des études sérieuses, dont la nécessité est aujourd'hui généralement comprise.

obligations et celle de la vente. Nous devons donc assumer sur nous la responsabilité des nombreuses additions et des changements que nous avons faits à cette partie de l'ouvrage.

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