Page images
PDF
EPUB

cette tangente avec le rapport de l'ordonnée à l'abcisse, dans l'Ellipse et l'Hyperbole, et avec l'ordonnée seulement dans la parabole. Cette loi combinée avec l'expression de la sou-tangente qui, pour chaque nature de courbe, est une fonction des coordonnées de chaque élément et de l'angle de son prolongement avec l'axe, donne la définition complète de chaque courbe, de laquelle se déduisent toutes ses propriétés

connues.

Si je me sers ici de ce langage analytique, c'est uniquement pour éviter des périphrases; mais dans le cours de l'ouvrage, la théorie de ces courbes est établie sans le secours de l'algèbre appliquée à la géométrie.

Il a donc été facile de tirer la définition des diverses courbes, soit directement de leur mode particulier de génération, soit de ses conséquences les plus immédiates.

C'est ainsi que j'ai été amené a présenter les diverses étendues comme composées d'éléments de leurs espèces respectives, toujours constants de forme et de grandeur, et d'une petitesse telle, qu'on ne puisse séparer l'idée d'une coïncidence partielle de deux éléments de la même espèce de celle de leur coïncidence totale, et qu'il soit possible de considérer comme absolument égales deux grandeurs qui ne différeraient entr'elles que d'un ėlėment de leur ordre ou d'une de ses fractions.

Les conséquences de cette manière d'envisager les grandeurs géométriques sont capitales. D'abord le

séro, aussi imaginaire, comme grandeur géométrique, que 1, devient une réalité que chaque intelligence peut, sans doute, apprécier différemment en raison de la puissance d'abstraction qui lui est propre, mais dont la moyenne ne lui attribuera pas une valeur supérieure à celle dont j'ai essayé de montrer une limite première, et qui sera soumis, en vertu du caractère de la grandeur qu'on ne pourra plus lui dénier, à toutes les opérations arithmétiques et algébriques. Il en sera de même du succedané de l'infini. Si donc, pour le distinguer du zéro, avec lequel il n'a rien de commun, on représente le premier par le caractère ▲, le second s'exprimera par, quotient qui mesurera bien réellement le seul infini qui soit à la portée de l'humanité. Dieu seul est en possession du véritable infini.

L'indéterminé, être aussi imaginaire que ses deux géniteurs, n'aura plus de raison d'être. Il ne se présentera plus dans les résultats des calculs lorsque les notions qui précèdent seront admises et introduites dans l'analyse algébrique, surtout lorsqu'on voudra bien s'abstenir de la futile satisfaction de demander à l'expression de l'inconnue la réponse à des questions en vue desquelles elle n'a pas été déterminée; et les géomètres cesseront de torturer leur conscience de logiciens dans l'établissement de certaines formules, telles que celles qui donnent le développement en séries des sinus, cosinus et tangente d'un arc en fonction des puissances de cet arc, pour

prouver que, lorsque l'arc devient nul, sin et tang deviennent l'un et l'autre égaux à l'unité. La chose est, en effet, évidente par elle-même, lorsque l'arc se réduit à son élémeut, attendu qu'alors le sinus et la tangente s'y réduisent également.

On voit que ma méthode, quoique très-rigoureuse, fait un usage très-modéré de l'abstraction, ne la prenant qu'au point où elle se fait en quelque sorte tangible, au point où elle devient l'embryon de la réalité. Mon élément n'est pas, en effet, autre chose que l'élément différentiel constant de la variable indépendante rendu tangible par les considérations précédentes, et personne ne refuse de reconnaître au calcul dit infinitésimal le caractère de rigueur exclusivement propre aux sciences mathémathiques pures.

Sans m'étendre sur les autres conséquences, je me bornerai à citer l'application des notions nouvelles à la démonstration de certaines propositions de géométrie élémentaire, et notamment de la proposition XI du 4 livre de la géométrie de Legendre. (6) A ce propos je ferai observer, en passant, l'impropriété de la qualification de semblables, donnée par les auteurs à deux arcs qui, fesant partie de circonférences décrites avec des rayons inégaux, correspondent à des angles au centre égaux. Une telle confusion ne peut naître que de l'idée absurde que les deux arcs se composant d'une infinité de cordes ou de côtés, ceux-ci doivent être en nombre égal dans

les deux, et que leurs angles, s'approchant de la limite de deux angles droits d'une quantité inférieure à toute grandeur finie, doivent jouir du même caractère d'égalité.

Dans cette manière d'envisager les grandeurs géométriques, on peut définir l'incommensurabilité : Le caractère du rapport de deux grandeurs qui n'ont d'autre commune mesure que l'élément de leur ordre. Et comme cet élément est essentiellement fini, toute loi ou proposition démontrée à l'égard de quatre grandeurs commensurables entr'elles, s'étend, sans autre démonstration, aux grandeurs de même espèce dans le cas où elles sont incommensurables.

D'après la définition que je viens d'en donner, la ligne droite est indéfinie dans ses deux sens; car, quelque fragment qu'on considère, on peut toujours souder un élément à chacune de ses extrémités, en se conformant à la loi de sa génération. Il n'en est pas de même de toutes les autres lignes, même situées tout entières dans un plan, dont certaines, en petit nombre, il est vrai, se soudent à elles-mêmes. Cependant l'abstraction mathématique considère quelques-unes d'entr'elles, notamment la circonférence du cercle, comme se continuant indéfiniment par superposition ou coïncidence de ses révolutions. Et à cette occasion, qu'il me soit permis de faire remar

(6) Je me référerai souvent à la dixième édition de ce traité, que je considère comme la meilleure, afin de ne pas embarrasser cet écrit de démonstrations connues de tout le monde.

quer que cette considération, qui s'impose par la nature des choses, entraîne malheureusement des inconvénients fâcheux. C'est à elle qu'il faut attribuer l'impossibilité de résoudre, par la géométrie élémentaire, le problême de la multisection de la circonférence; car elle conduit fatalement, pour la détermination de la corde d'une partie aliquote de la circonférence, à une équation d'un degré égal à la moitié de leur rapport, lorsque celui-ci est un nombre pair, 2n, ou à n lorsqu'il est impair, 2n+1 Si l'on pouvait s'affranchir de cette nécessité, comme à un même arc d'une circonférence, il ne répond qu'une seule corde, il est évident que celle-ci serait donnée par une équation du premier dégré.

Cette réflexion révèle une des impuissances de l'analyse; ou du moins une de ses lacunes. Celle-ci ne pourra être comblée que par une autre science ou plutôt par une autre branche de l'analyse qui se proposerait de déterminer les règles à suivre pour la mise en équation de l'énoncé d'un problême, en éliminant à priori toutes les circonstances absolument étrangères à la question, circonstances qui amènent dans l'équation finale des racines qui n'y satisfont pas, tout en augmentant, dans une proportion immense, les difficultés de sa résolution.

Après la définition des grandeurs géométriques, il n'est pas de loi plus féconde en conséquences que celle qui exprime les relations de deux lignes droites quelconques.

« PreviousContinue »