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des tiges plus vigoureuses que les tiges disparues. Nous avons été témoin de résurrections de ce genre, non seulement dans des parties de forêts sous l'ombrage desquelles les brins de chêne étaient tellement étiolés, qu'on les croyait incapables de reprendre une vie nouvelle, mais même dans d'autres parties où il n'y avait plus trace des brins qui s'étaient montrés les années précédentes.

Dans l'intervalle des glandées plus abondantes, tombe, chaque année, sur le parterre des futaies pleines, un certain nombre de glands qui produisent des tiges s'étiolant aussi sous le couvert, mais dont les racines plus vivaces servent aussi d'éléments pour la reproduction dans les terrains qui sont découverts par l'exploitation des futaies.

C'est même à ces germes souterrains que devaient être attribuées en partie les régénérations des coupes du système dans lequel on se bornait autrefois à abattre les futaies de proche en proche (1) sans se préoccuper de savoir si les étendues à exploiter étaient suffisamment ensemencées, et sans laisser sur pied assez d'arbres générateurs pour assurer partout cet ensemencement (2).

(1) C'est ce genre d'exploitation qui est désigné sous le nom de tire et aire dans la célèbre ordonnance de 1669, sur les eaux et forêts.

(2) Dans une magnifique futaie de chêne et de hêtre appartenant au descendant d'une des plus grandes familles de France, cet ancien mode d'exploitation continue à être appliqué.

On sait aussi avec quelle facilité la ronce, dans les terres franches, et la bruyère, dans les terres siliceuses, se régénèrent non seulement par les graines, mais aussi par les racines. On sait combien il est difficile de débarrasser un terrain de ces parasites de la pire espèce, avec quelle persistance et avec quelle vigueur ils repoussent.

Supposons qu'à force de soins, on soit parvenu à

Chaque année, quelque minime que soit le nouveau peuplement, et souvent il n'en apparaît aucun, une portion de la vieille futaie est abattue sans aucune réserve, et cependant peu d'années après il se montre au milieu de quantité de bouleaux croissant dans les parties ainsi découvertes un assez grand nombre de chênes provenant de racines demeurées vivaces dans le sol.

Du reste, tout en indiquant une des causes de reproduction dans les coupes ainsi exploitées, nous nous garderons bien de justifier ce système.

A certains moments, quand les germes sont abondants, il peut avoir son utilité; mais il a aussi les plus graves inconvénients, car on ne peut toujours compter sur la reproduction des jeunes racines. Elles périssent en terre quand le sol reste trop longtemps couvert par la futaie; et si, faute d'une succession convenable dans l'ensemencement et dans l'enracinement du germe des glands, la vieille futaie est abattue aprês que toutes ces racines ont perdu, avec leur vitalité, leur puissance reproductive, si, d'un autre côté, la fructification manque, et si l'ensemencement ne s'opère pas au moment de l'exploitation, il n'apparaît, au lieu de jeunes chênes, que des plantes inutiles dont les graines et les racines vivaces existant dans le sol n'assurent que trop la reproduction, et force est, dans ce cas, de recourir à des moyens artificiels, à des semis ou à des plantations de bonnes essences pour obtenir une forêt nouvelle.

en débarrasser la surface du sol, tout ce que nous avons vu nous porte à croire que, privées de vie apparente et extérieure, ces plantes continuent néanmoins, pendant très-longtemps, à exister souterrainement par les racines échappées aux efforts inutilement faits pour les détruire entièrement.

Ces racines, qu'on rencontre souvent en fouillant les terrains forestiers, conservent une puissante vitalité prête à se manifester dès que le sol sera dé

couvert.

VII.

On doit comprendre combien cette variété et cette puissance de reproduction rendent difficile la culture des essences les plus utiles que le forestier est obligé de protéger contre tant de plantes envahissantes.

Du reste, à part la différence des plantes, les choses ne se passent pas autrement dans la culture forestière que dans la culture des champs.

La terre renferme, en quantité innombrable, dans ses couches superficielles, les graines et les germes des plantes naturelles qu'elle nourrit depuis la création, et tout le monde sait avec quelle vigueur ces dernières se développent aussi partout ailleurs que dans les forêts.

L'espèce de ces plantes varie d'ailleurs suivant la nature du sol, suivant la culture et suivant d'autres circonstances locales.

Ainsi, dans les landes incultes, croissent les plantes les plus rustiques et les plus sauvages les bruyères, les ajoncs, etc Aucun frimat n'empêche ni leur floraison, ni leur fructification; leurs graines se conservent indéfiniment dans le sol; leurs racines ont une vitalité extrême, et leur puissance de reproduction par la graine et par les racines, est telle, que quand on veut défricher ces terrains et les soumettre à une culture agricole, c'est seulement à force de sarclages multipliés qu'on peut les en débarrasser complètement.

Les plantes naturelles qui croissent dans les terrains cultivés sont, il est vrai, moins rustiques que celles des terres incultes; cependant elles sont aussi très-nuisibles en agriculture.

Il en est qui restent plus ou moins longtemps vivaces, d'autres sont annuelles les unes se perpétuent par les racines; mais le plus grand nombre se reproduit par la graine.

Si le sol est en jachère, quantité de ces graines ne peuvent germer; mais dès qu'il est ameubli par la culture, la germination s'opère, et les arbustes sauvages, s'élevant avec les plantes précieuses, étoufferaient celles-ci ou en amoindriraient le rendement, s'ils n'étaient extraits par des sarclages qui, fréquemment répétés avant que les arbustes ne puissent fructifier, préviennent la trop grande invasion des graines de ces arbustes, et finissent même, à la longue, par en purger la terre.

Il n'en est pas autrement dans la culture foreslière, car il ne faut pas croire que le chêne, ce roi des forêts, qui, à un certain âge, les domine de toute sa hauteur, se soit ainsi élevé sans difficultés et sans épreuves.

Après l'abatage de l'ancienne futaie, à la naissance de la nouvelle forêt, les jeunes chênes sont envahis par quantité d'arbustes dont il faut aussi les débarrasser au moyen de sarclages.

les

Mais après les arbustes, apparaissent les bois d'ordre inférieur qui domineraient et étoufferaient les chênes, si ceux-ci n'en étaient également débarrassés par des nettoiements qui ne sont eux-mêmes qu'une sorte de sarclages plus nécessaires souvent que premiers, car abandonnées aux forces puissantes mais désordonnées de la nature sauvage si éloquemment décrite par Buffon, les forêts ne seraient qu'un chaos des plantes les plus diverses, dans lequel les bois précieux disparaîtraient, étouffés par les arbres les moins utiles.

VIII.

Dans le règne des plantes phanérogames forestières, il faut distinguer deux mondes, le monde souterrain et le monde aérien.

Dans le monde souterrain, les germes restent plus ou moins longtemps enfermés, la germination s'élabore, les racines se disposent et l'arbre prend

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