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dant plus d'un siècle et dans les taillis pendant l'intervalle, plus court, d'une exploitation à une autre, produisent, après la coupe suivante, une génération nouvelle.

Autre exemple de la spontanéïté de la reproduction des semences forestières en réserve dans le sol.

Le pin maritime forme, dans l'ancienne Gascogne, des forêts étendues, soumises à l'extraction résineuse. Dans ces forêts, quand la bruyère et l'ajonc abondent et s'élèvent avec vigueur entre les grands pins assez espacés pour recevoir les rayons solaires dont la chaleur favorise l'exsudation de la résine, le double couvert des arbustes et des pins s'oppose à la germination des innombrables graines qui tombent annuellement des arbres; mais si les arbustes sont moins nombreux et d'une croissance moins vigoureuse, les graines lèvent peu de temps après leur chûte.

Dans ce cas, les peuplements se composent de bois de divers âges et ont l'irrégularité des forêts jardinées.

Quelle que soit d'ailleurs la nature du terrain, dès qu'épuisés par une longue production résineuse, les arbres ont été tous abattus et exploités, quand l'ajonc et la bruyère ont été écrasés, arrachés ou comme récépés par cette exploitation, quand le sol a été ainsi remué et que, débarrassé des arbres qui le dominaient, il n'est plus couvert que de débris bientôt pourris et réduits à l'état de terreau, on ne tarde

pas à voir reparaître une forêt nouvelle aussi florissante que celle qui vient d'être abattue.

Dans les mêmes contrées, nous avons vu d'autres futaies résineuses sous l'ombrage desquelles n'existaient que quelques arbustes, et dont le sol se recouvrait d'un magnifique peuplement de jeunes pins, dès qu'un incendie, si fréquent et si dangereux avec des éléments aussi combustibles, avait consumé ces futaies.

C'est que, quand l'ardent soleil de ces contrées. éclaire les terrains ainsi découverts, les germes des graines soumises aux influences alternatives des pluies et de la chaleur brisent leur enveloppe pour former d'autres peuplements.

Enfin, nous pourrions encore citer, sur les côtes du golfe de Gascogne, des dunes de sables qui, au commencement de ce siècle, avaient été peuplées en résineux exclusivement, et dans lesquelles cependant le chêne ordinaire et le chêne liége se sont plus tard montrés et multipliés par une cause toute naturelle.

Les oiseaux domiciliés dans ces forêts, ou ceux qui les habitent momentanément pendant leurs émigrations périodiques, recherchent les glands des chênes d'alentour et s'en nourrissent; mais quand ils sont rassasiés, un instinct depuis longtemps observé les porte à en disperser un grand nombre aux mille places où ils s'arrêtent dans leurs courses aériennes. Ainsi dispersés sur un sable toujours meuble et sous le clair et léger feuillage des pins, les glands ne tar

dent pas à germer et à produire un peuplement considérable de chênes, vivant dans une merveilleuse affinité avec les résineux au milieu desquels ils sont

nés.

Nous avons été témoin, sur divers points de la France, de phénomènes de reproduction forestière analogues, mais nous n'en avons pas vu de plus remarquables que dans les contrées méridionales où les forces naturelles de la végétation sont en rapport avec la puissance du soleil.

On voit ainsi, de quelle variété de moyens dispose la nature pour propager les essences naturelles, et à l'aspect des générations qu'elle crée d'une manière si inattendue et par des procédés si différents de ceux qu'emploie le forestier ou l'agriculteur, on comprend avec quelle rapidité, abandonnées à ellesmêmes, les forêts se propageraient dans les terrains appropriés à la croissance des espèces indigènes; mais à une époque comme la nôtre, où les forêts s'en vont si rapidement, la crainte de pareilles invasions par la nature forestière serait assurément bien chimérique.

Libre d'user et d'abuser des biens dont il dispose, l'homme a des moyens de destruction encore plus énergiques que les forces naturelles de la reproduction des plantes. Nous sommes bien loin d'ailleurs du temps où force était d'abattre les forêts pour étendre les autres cultures nécessaires à l'expansion de la race humaine, ainsi qu'au développement de la civi

lisation, et il est évident qu'actuellement la société aurait plus d'intérêt à conserver le peu de forêts qui lui restent, qu'à les détruire.

Si, à certaines époques, en effet, les forêts créées avec tant de libéralité étaient surabondantes, elles sont aujourd'hui insuffisantes. Cependant, malgré toute leur importance dans l'ordre naturel comme dans l'ordre économique, elles diminuent de jour en jour, et si vous voulez le permettre, je vous entretiendrai un jour des déplorables conséquences de ce déboisement dans les départements du Nord, et en vous faisant remarquer la nature et l'intimité des relations qui règnent entre l'industrie minière de ces contrées, j'espère pouvoir vous démontrer la nécessité de la conservation des forêts pour l'existence même de cette grande industrie.

VI.

Ce n'est pas seulement par la semence que se reproduisent les forêts.

Les racines de certaines plantes conservent plus ou moins longtemps en terre, quoique les tiges aient disparu, une vitalité puissante et, dans des conditions données, elles sont capables de produire des tiges nouvelles.

Indépendamment de la propriété qu'ont plusieurs essences, le chêne notamment, quand leurs tiges ont été abattues rez terre à un âge peu avancé, de se

reproduire par les souches et de former de nouveaux rejets au collet de la racine, qui ne sait avec quelle puissance drageonnent quelques bois tendres à racines traçantes, certains fruitiers, le tremble, dont les vigoureux rejets infestent les forêts non moins que ses brins de semences et d'autres essences, telles que le hêtre que, dans des forêts en montagnes où on l'exploite en taillis, nous avons vu se perpétuer autant par drageonnement que par rejets de souches.

La faculté de reproduction par la racine peut même expliquer plusieurs faits de régénérations forestières.

En certaines années de glandée et de faînée, le sol se couvre, sous les futaies de chêne et de hêtre, de semences qui germent au printemps suivant; mais si le couvert est trop épais et trop persistant, les jeunes brins de chêne, comme nous l'avons dit, s'élèvent peu; leurs feuilles sont blanchâtres. la sève d'août reste sans effet et ils sèchent sur pied.

Au printemps des années suivantes, une nouvelle pousse repart de la racine, et il n'est pas de forestier qui n'ait eu occasion de remarquer que ces pousses sont de plus en plus faibles jusqu'au moment où il ne puisse plus s'en former aucune.

Mais dans la terre où elles trouvent les conditions de vie qui manquaient aux jeunes brins, les racines ne périssent pas aussi vite; elles restent vivaces pendant quelque temps, n'attendant, comme les graines dont nous avons parlé, que la lumière pour produire

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