lutionnaires ont heureusement détrompé bien du monde. Mais tu as eu raison d'observer que, si c'est avec la pique que l'on détruit, c'est avec le compas qu'on édifie. Voyez, depuis que vous avez un centre de gouvernement, comme tout vous réussit! Avais-je tort quand je t'écrivais de Suisse ayez un gouvernement, et la France va donner encore la loi à toute l'Europe? Aussi j'entre en colère toutes les fois que je vois attaquer le Comité de salut public, et c'est là mon thermomètre pour juger le vrai patriotisme.

Cependant, comme un peuple libre est nécessairement défiant, je conçois qu'il serait possible que le Comité, trop longtemps conservé, pût donner de l'ombrage même aux meilleurs citoyens. Dans ce cas, ne serait-il pas sage de le renouveler par tiers? C'est une idée que je vous soumets à vous autres qui, voyant de plus près, devez être à portée de mieux juger que moi. Mais, au nom de la liberté, que le gouvernement marche, et que l'ordre et la sagesse soient à l'ordre du jour, ainsi que la force et la terreur.

J'espère que le dernier effort de nos ennemis, les extravagances antireligieuses, auront elles-mêmes un bon effet. Car il semble qu'il soit de la destinée de cette étonnante Révolution que toutes les trames ourdies contre elle tournent à son plus entier développement. Cet effet sera de détromper plus de prêtres de toutes les sectes et de leurs momeries.

Ce qu'il y a de plaisant, c'est que nos ennemis qui ont tous crié à l'impiété, à la profanation, sont eux-mêmes obligés de porter la main sur l'arche du seigneur. Leur détresse et leur consternation va en croissant. Les Anglais commencent à être abhorrés en Italie. Cette Italie tremble, on sait ici la prise de Mayence et celle de Saorgio. Les rois italiens se regardent d'un air consterné, et Voltaire trouverait peut-être dans ce carnaval un chapitre de plus à Candide. Mais, Français, ce n'est pas assez de vaincre, il faut profiter des victoires. Il faut fonder sur la raison et la sagesse le gouvernement le plus digne des hommes rendus à la liberté et aux bonnes mœurs. Adieu. C'est assez bavarder. Tu as autre chose à faire que de lire ce rabâchage. Je finis en te recommandant toujours les étrangers. Ou je suis bien trompé, ou tous ne sont pas encore démasqués. Prenez y garde et veillez. Car c'est là le suprême talent et la dernière ressource de Pitt. Adieu.

Encore un mot. Une preuve de ce que je dis là, est la complaisance avec laquelle les gazettes étrangères s'appesantissent

sur tes prétendues brouilleries avec Robespierre et sur les dénonciations faites contre Barère. C'est là la dernière planche que les rois embrassent dans leur naufrage.

Quand le juif Ephraïm, émissaire du roi de Prusse, était à Paris, à l'époque du massacre du Champ-de-Mars, l'universel Cloots n'a-t-il pas eu quelques rapports avec lui? ad Referendum. Ton frère se porte bien et se forme de jour en jour.

Souviens-toi que, si nos soldats entrent dans l'étranger, la politique et l'humanité exigent que nous traitions les peuples avec égard, mais en pays de conquête.

CHRONIQUE & BIBLIOGRAPHIE

Nous ne saurions trop recommander la lecture de l'excellent rapport que M. Alfred Lamouroux vient de faire au conseil général sur les Archives de la Seine (1). Ce rapport, qui forme un gros volume, est un des plus remarquables travaux d'érudition bibliographique qui aient paru depuis longtemps. On sait que l'incendie de 1871 a détruit les Archives municipales et départementales qui, depuis 1860, avaient été transférées dans l'annexe de l'avenue Victoria. On savait peu de choses sur le contenu de ces Archives, dont il n'avait jamais été publié d'inventaire méthodique. M. Lamouroux a comblé cette lacune, autant que c'était possible, avec les éléments dont on dispose aujourd'hui. Voici les divisions de ce rapport :

Première partie : Notice historique (p. 2 à 102); Deuxième partie : Partie administrative (p. 103 à 118). Projets de délibérations (p. 119 à 124);

Pièces justificatives (127 à 290).

(1) Conseil général de la Seine, 1892. Rapport présenté par M. ALFRED LAMOUROUX, conseiller général, au nom de la 4 commission, sur la situation des Archives. Paris, impr. municipale, 1893, in-4 de 291 pages ȧ 2 col. et 4 planches hors texte.

La Notice historique est subdivisée en trois périodes : 1° Archives anciennes, de l'origine à la Révolution. On trouvera sur les origines des Archives et de la Commune, sur les locaux, sur le personnel, des détails précis et instructifs, dont la lecture sera utile à tout historien de la Ville de Paris (p. 2 à 30); 2o Archives pendant la Révolution, de 1789 à l'an VIII. M. Lamouroux y raconte la «< fin des anciennes Archives » et y décrit les diverses Archives révolutionnaires des districts, des sections et de la Commune (p. 31 à 66); 3° Archives modernes, de l'an VIII à 1870 (p. 66 à 79) et de 1871 à 1892 (p. 79 à 102). Il y a là une intéressante description des Archives de la Seine et de la ville de Paris, telles qu'on a pu les reconstituer, et qui se trouvent aujourd'hui dans l'établissement situé quai Henri IV) no 30. Signalons (p. 85-86) un tableau sommaire des séries de documents antérieurs à l'an VIII, conservées dans ces Archives. On y a joint, et c'est une heureuse idée, l'inventaire sommaire des documents analogues qui se trouvent aux Archives nationales (p. 87 à 95), à la Bibliothèque nationale (p. 95-96), à la Préfecture de police (p. 96-97). Suivent des notices sur les Archives des Domaines, de l'Enregistrement, de la Banque de France, de l'Archevêché, du temple de l'Oratoire, du temple de la Rédemption, de la Monnaie, des familles, des notaires, de l'Opéra, de la Comédie-Française, du Conservatoire de musique, du musée du Louvre, de la Légion d'honneur, de l'Institut, de l'Ecole de droit, des communes de la Seine, d'après le livre de MM. Langlois et Stein, que nous avons signalé dans le dernier numéro.

La Partie administrative est un examen de l'état de situation des Archives du quai Henri IV. 4° Local (p. 404); 2 Réintégration et dans d'anciennes Archives (p. 105); 3° Acquisitions (p. 110); 4° Versements de papiers admi

nistratifs (p. 111); 5° Vente de papiers inutiles (p. 113); 6° Classement et inventaire (ib.); 7° Recherches et expéditions (p. 114); 8° Personnel (p. 115); 9° Bibliothèque spéciale (p. 116); 10° Inspection des Archives communales (ib.).

La conclusion du rapport est que, « malgré la capacité et le zèle de son personnel, ce rouage important de l'organisme administratif ne rend pas tous les services qu'on pourrait en attendre, et qu'il y a lieu de mettre immédiatement à l'étude la question de sa réorganisation ».

Suivent des projets de délibération, en vue d'enrichir les Archives de la Seine des documents anciens conservés dans les études de notaire, les justices de paix, les directions départementales de l'Enregistrement et des Domaines, les services de la Préfecture, les communes du départe

ment.

Un appendice donne de nombreuses pièces justificatives, dont les plus importantes sont un inventaire sommaire, rédigé vers 1850, par M. A. Aubert, archiviste (p. 151 à 165), et surtout l'inventaire sommaire des papiers de la Commune, fait après le 9 thermidor, par Lesèvre et Martin, sur l'ordre de l'agent national du district (p. 175 à 285). Cet important document (Arch. nat., F' 4430), découvert et communiqué par M. A. Tuetey, n'est pas seulement un catalogue il s'y trouve des citations textuelles de pièces curieuses. C'est là une contribution considérable à l'histoire de la Révolution.

Le volume se termine par une vue et des plans du bâtiment du quai Henri IV.

Il est regrettable qu'on n'ait pas cru y joindre une table des matières, qui serait indispensable. Mais nous comptons bien qu'un travail aussi considérable, aussi neuf et aussi instructif que celui de M. Lamouroux, ne restera pas enfoui dans la collection des rapports au conseil général et qu'en