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JACQUES FRIQUET

PEINTRE TROYEN

PAR

M. ALBERT BABEAU

MEMBRE RÉSIDANT

L'autel, qui est placé dans la salle de la Maternité de l'Hôtel-Dieu de Troyes, est surmonté d'un tableau représentant l'Éducation de la Vierge. Ce tableau est signé : FRIQUET. TRECENSIS. 1669.

L'existence de ce peintre a été signalée par Grosley, dans ses Mémoires sur les Troyens illustres. Nous savions par lui que Jacques Friquet était en 1679 conseiller de l'Académie de Peinture et professeur d'anatomie. Il portait encore ce titre en 1712, mais il ajoutait à son nom patronimique celui de Vaurose. Friquet de Vaurose était cependant le fils d'un menuisier, comme le prouve son acte de baptême, dont nous devons la communication à l'obligeance de M. Huchard.

D'après cet acte, Jacques Friquet, fils d'Antoine Friquet, menuisier, et de Marie Selenaut, fut baptisé le 12 décembre 1638 sur la paroisse Saint-Jacques. Il eut pour parrain «< M° Jacques Rémond, advocat du roy au bailliage et

siége présidial de Troyes, » et pour marraine Marie Dare, femme de Pierre Laurent, bourgeois de Troyes.

Marie Selenaut, née sur la même paroisse le 29 janvier 1615, était fille d'un menuisier. Un de ses fils, nommé Jean, né en 1643, continua la profession du père; en 1679, il était sculpteur à Paris, rue Traversine, et il est qualifié dans un acte de 1684 de maître-menuisier-sculpteur à Troyes. C'était sans doute un de ses descendants, le menuisier goguenard et bossu, dont parle Grosley, et qui, d'après lui, se faisait gloire de sa parenté avec le peintre.

Il est permis de croire que le patronage de l'avocat du roi Rémond, son parrain, ne fut pas sans influence sur la vocation de Jacques Friquet. Jacques Rémond, père de Rémond des Cours, devait avoir des relations artistiques et littéraires à Paris. D'un autre côté, Grosley dit que Friquet devint le gendre de François Tortebat (1). Tortebat, peintre distingué, auteur d'un Traité d'anatomie à l'usage des peintres et des sculpteurs, était élève et gendre de Vouet; il appartenait à une famille de boulangers de Troyes, et ce fut peut-être dans un voyage qu'il aurait fait dans cette ville qu'il remarqua les dispositions du jeune Friquet et qu'il songea à les développer.

Il est possible que Friquet ait été l'élève de Tortebat; il est douteux qu'il fût son gendre. Les recherches faites par M. Jal ne permettent pas de le croire (2). En effet, Friquet était marié en 1670 avec Louise Hollier, qui lui donnait une fille cette année même. Il aurait pu, il est vrai, être veuf de la fille aînée de Tortebat, qui était née en 1645; mais, d'après M. Jal, elle ne figure pas parmi les quatre enfants de ce peintre qui moururent avant leur père, décédé en 1690.

(1) Mémoires sur les Troyens célèbres, I, 376. (2) Jal. Dictionnaire critique, p. 620 et 1191.

La marraine de la fille de Jacques Friquet, née en 1670, s'appelait Marie Le Bé, femme de Jacquinot de Vaurɔse, bourgeois de Paris. Marie Le Bé, parente de la femme du peintre Charles Le Brun, appartenait sans doute à la famille des papetiers troyens du même nom. Le nom de Vaurose, que portait son mari, fut également porté par Jacques Friquet, qui se fit donner, en 1697, les armes suivantes par d'Hozier « d'azur à un friquet volant au naturel, au chef d'azur chargé de deux roses d'or. »

Plusieurs des frères de Jacques Friquet s'étaient fixés à Paris en 1679; deux d'entre eux, Antoine et Claude, étaient commis; Jean, nous l'avons vu, était sculpteur; peut-être fut-il peintre également, car on trouve en 1663 un Jean-Charles Friquet obtenant de l'Académie le second prix de peinture, avec un dessin sur la fable de Danaé (1); le plus jeune, Antoine, était peintre et concierge au château de Dampierre, chez le duc de Chevreuse.

Friquet de Vaurose habitait en 1672 la rue Vivienne. Il avait un appartement à l'Arsenal, lorsqu'il mourut le 25 juin 1716, à l'âge de 78 ans. Son gendre, Claude Mathieu de Montchevreau, architecte du roi, et son frère Claude, assistaient à ses obsèques.

Le cabinet des estampes renferme plusieurs eaux-fortes que l'on attribue à Jacques Friquet; celui-ci avait été nommé membre de l'Académie de Peinture le 6 décembre 1670; son tableau de réception, qui représente le Roi donnant la paix à l'Europe (2), a été conservé au Musée du Louvre. C'est un «< ouvrage d'un intérêt médiocre, dit M. Jal, mais non sans mérite. » Friquet travailla aussi à la décoration des maisons royales, et l'on cite de lui deux tableaux, d'environ deux pieds sur trois, placés sous Louis XIV

(1) Archives de l'Art français, 1re série, t. V, p. 274.

(2) Id. t. I et t. II, p. 370.

dans le dix-septième trumeau de la galerie d'Apollon au Louvre. S'il faut en croire l'auteur anonyme de la note qui signale ce fait, ils auraient représenté « l'un les filles de Jethro défendues par Moïse, l'autre Marthe et Madelaine aux pieds de Notre-Seigneur (1). » A défaut de ces tableaux, qui n'existent plus au Louvre, les amateurs verront avec intérêt le spécimen du talent estimable de Friquet qui est conservé à l'Hôtel-Dieu de Troyes.

Troyes, 16 juillet 1875.

(1) Manuscrit de la bibliothèque de Troyes, n° 2562.

M. LE COMTE MAURICE DE LAUNAY

PAR

M. CHARLES BALTET

MEMBRE RÉSIDANT

MESSIEURS,

Un membre de la Société Académique dont la mémoire nous sera chère, un homme qui était un type de loyauté chevaleresque et de sentiments généreux, un agriculteur d'élite du département de l'Aube s'est éteint prématurément. M. le comte Maurice de Launay, né le 4 mai 1818, est mort le 23 mai 1876, âgé de 58 ans.

Une cruelle maladie, qui le tenait depuis quelque temps éloigné de nos séances, l'a ravi à sa famille, à ses amis et à l'agriculture, alors que sa vive intelligence, son expérience et son grand dévouement allaient lui permettre d'étendre encore ses études agricoles et de donner une nouvelle carrière si cela était possible à son esprit franc, libéral, noble et désintéressé.

Nous pouvons dire que l'honneur de sa vie a été de semer copieusement pour répandre ensuite à pleines mains ce qu'il avait laborieusement récolté.

Rien n'arrêtait M. de Launay lorsqu'il s'agissait de faire le bien. Sa grande fortune était là, c'est vrai; mais avec

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