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de Jean IV d'Aumont, son père, tué en 1415, à la bataille d'Azincourt.

Le siége de Chappes par René d'Anjou, duc de Bar, et par Barbazan, lieutenant de Charles VII en Champagne, est un des événements connus de l'année 1430. Il a été raconté, d'après Alain Chartier, Monstrelet et les archives de la ville de Troyes, par MM. Bouliot et Adenot, dans le mémoire intitulé Un chapitre de l'Histoire de Troyes, dans l'Annuaire de l'Aube de 1866, p. 77 et suiv., dans l'Histoire de Troyes, t. II, p. 59. Jacques d'Aumont fut fait prisonnier dans une sortie. La reddition de Chappes en fut la conséquence. Quelques détails supplémentaires nous sont fournis par une pièce qui appartient à M. Lancelin, maire de Chamoy, et qui m'a été obligeamment communiquée par ce fonctionnaire lors de ma dernière tournée d'inspection dans les archives communales. Cette pièce, datée du 31 juillet 1449 et autrefois scellée du sceau du bailliage de Troyes, reproduit le texte intégral de deux actes intéressants. L'un est émané de Charles VII; ce sont des lettres d'abolition ou de grâce accordées à Jacques d'Aumont et à ses gens en janvier 1449, à Troyes (1). L'autre est un certificat donné par Jacques quelques mois après, en exécution d'une clause des lettres précitées du Roi.

Une fois Jacques d'Aumont prisonnier, une convention avait été conclue sous les murs de Chappes entre lui et les deux chefs de l'armée assiégeante, René d'Anjou et Barbazan. Il avait promis de leur ouvrir les portes de la place assiégée, et eux, en compensation, devaient le laisser libre et permettre à ses troupes et à ses sujets de s'en aller en emmenant leurs chevaux et leurs biens meubles, à la ré

(1) La présence de Charles VII à Troyes à cette date n'est pas mentionnée par Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 144, 147.

serve des munitions de guerre contenues dans la forteresse. Jacques devait avoir la même faculté. René d'Anjou et Barbazan scellèrent cette convention de leurs sceaux, mais ne l'exécutèrent pas complètement : ils s'emparèrent de tous les biens meubles qu'ils trouvèrent à Chappes et n'en voulurent remettre aucune part à Jacques d'Aumont ni à ses gens. Jacques, après cinq ou six sommations inutiles, essaya de se faire justice lui-même, et prit les armes contre René d'Anjou. Il prétendit plus tard justifier sa conduite en soutenant que la coutume de Bar-le-Duc, loi qui régissait René d'Anjou comme duc de Bar, autorisait les guerres privées. Cette guerre privée dura plus de dix ans. Le 9 février 1441 Charles VII, allant de Bar-sur-Aube à Langres (1), passait à Chaumont-en-Bassigny. Jacques d'Aumont, qui s'était préalablement muni d'un sauf-conduit, se présenta devant le roi et lui demanda pardon. Charles VII reçut Jacques d'Aumont en grâce à condition qu'il livrerait aux officiers royaux la forteresse de Chacenay dont il était en possession, et qu'il cesserait de porter les armes contre René d'Anjou. Outre Jacques d'Aumont, ses compagnons de guerre et ses gens, notamment Guillaume d'Aumont, son frère, furent compris dans l'amnistie accordée par le Roi. Chacenay paraît avoir été aussitôt remis aux officiers royaux; mais les lettres-patentes constatant l'amnistie oblenue de Charles VII, ne furent expédiées que huit ans plus tard, en janvier 1449. Jacques d'Aumont, aux termes d'une clause de ces lettres, devait, dans les six mois, fournir au bailli de Troyes la liste des personnes comprises dans l'amnistie. Il envoya cette liste le 16 juillet suivant. Elle renferme soixante-dix-sept noms; quelques-uns sont ceux de seigneurs qui appartiennent à l'histoire du département. Nous citerons d'abord Jean de Mello, seigneur de Sainte-Parise.

(1) Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 421.

Sainte-Parise était une forteresse voisine du château de Chacenay son emplacement est compris dans l'enceinte actuelle de ce château. Jean de Mello est le dernier des six membres de la maison de Mello qui furent successivement seigneurs de Sainte-Parise au XIV et au xv° siècles; il avait épousé Jeanne d'Aumont, tante de Jacques d'Aumont, seigneur de Chappes. Hutin de Mello, seigneur de Vaux, qui paraît ensuite sur la liste fournie au bailli de Troyes, s'appelait aussi Pierre; il était seigneur de Vitry-le-Croisé : c'était un frère de Jean de Mello. Guillaume de Mello, seigneur de Bligny, aussi mentionné dans cette liste, appartenait à une autre branche de la maison de Mello, à la branche des seigneurs de Saint-Bris (Yonne). Son père, Charles de Mello, seigneur de Saint-Bris et de Vendeuvre, vivait encore en 1449; il était mort en 1464, année où Guillaume, ayant hérité de Vendeuvre, donna au roi aveu et dénombrement de cette seigneurie.

Ces trois seigneurs paraissent avoir été, avec Jacques d'Aumont, les derniers chefs du parti anglo-bourguignon dans la Champagne méridionale. L'année 1441, où ils firent leur paix avec Charles VII, et où, en conséquence, la forteresse de Chacenay fut rendue aux officiers royaux, est de six ans postérieure à celle où le traité d'Arras mit fin aux hostilités entre Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, et le roi de France.

Troyes, le 19 novembre 1875.

I.

(Janvier 1448, vieux style pour 1449.)

Charles, par la grace de Dieu, roy de France, savoir faisons à tous présens et advenir que, comme, entre les matières nagaires ouvertes et pourparlées en nostre ville de Paris entre plusieurs nos conseillers commis et députez de nostre part et ceulx de nostre très chier et très amé cousin le duc de Bourgoingne, certaine requeste ait esté faicte de la part de nostre dit frère et cousin pour et en faveur de Jacques d'Aumont, escuier, son conseiller et chambellan, disant que, dès longtemps a, le dit Jacques estant, en sa place de Chappes en nostre pays et conté de Champaingne avecques aucuns compaignons et gens de guerre et autres ses serviteurs, hommes et subgez, retraiz en icelle place pour cause des guerres qui lors estoient audit pays, nostre très chier et amé frère et cousin le roy Jhérusalem et de Sicille, duc d'Anjou, de Barrois, de Lorraine, et feu le seigneur de Barbazan, lors nostre lieutenant audit pays, assiégèrent ladicte place de Chappes, devant laquelle, à une saillie que fit lors ledit Jacques sur ledit siége, il fut prins prisonnier et par composicion mis en délivre sans rançon paier, parmi ce que il mettroit sa dicte place ès mains de nostre dit frère et d'icellui seigneur de Barbazan et moyennant ce que les gens d'armes et autres de ladicte compaignie d'icellui s'en yroient franchement avec leurs chevaulx, harnois et biens meubles, et ledit Jaques avec tous ses serviteurs, subgez et retrais en sadicte place s'en yroient franchement avec tous leurs biens meubles quelz qu'ilz fussent sans aucune chose retenir en icelle place, réservé seulement le trait et habillement de guerre qui dedens estoient desquelles choses entretenir nostredit frère et ledit seigneur de Barbazan baillèrent leurs séellez audit Jaques qui par ce moyen leur delivra ladicte place. Mais non obstant lesdiz biens meubles tant d'icellui Jaques comme de ses hommes et retraiz audit Chappes furent prins et retenuz sans leur en vouloir bailler ne délivrer aucune chose en quoy ledit Jaques dit lui et sesdiz subgez et retraiz avoir esté grandement endommagiez. Pour lesqueles causes ledit Jaques pria et fist sommacions plusieurs jusques à cinq ou six foiz avecques les intimacions à ce pertinens à nostre dit frère, afin d'avoir raison et repparacion des choses dessus dites selon ledict traictié et les promesses qui lui estoient faictes par icellui, et aussi qu'il fust récompensé

selon les coustumes du pays de Barrois qui sont téles, que après deux sommacions seulement il loist au dommagié soy recompenser par puissance d'armes et voye de guerre ainsi que en usent les nobles et autres dudit pays sur leurs voisins quant les cas aviennent. Et, pour ce qu'il ne peut estre récompensé, il, selon ladicte. coustume et usaige, assembla pour ce gens et fist guerre es pays de nostre dit frère. Laquelle chose venue à nostre cognoissance en nostre ville de Chaumont ou estions lors avant nostre alée de nostre ville de Ponthoise pour la recouvrance d'icelle des mains de nos ennemis et adversaires les Anglois qui l'occupaient et detenoient, ledit Jaques, moiennant certaines noz lettres de seurté, se tira par devers nous et, les parties oyes, lui feismes commandement qu'il cessast et se depportast de sa querelle et que semblablement ainsi le fist de la sienne nostre dit frère, et que icellui Jaques nous baillast et delivrast la forteresse de Chassenay qu'il tenoit. Lesquéles choses en obtempérant à nostre bon commandement il fist. Et par ces moyens ordonnasmes cesser toute guerre entre nostredit frère et lui. Et à ceste cause lui donnasmes et octroyasmes des lors, comme il dit, pardon et abolicion général des cas advenuz et par lui commis et perpétrez en la guerre dessus dicte tant pour lui comme pour Guillaume d'Aumont son frère et autres qui en la guerre et querelle dessus dicte avoient servy lui et son dit frère. Mais que, ancores il n'avoit eues ne recouvrées nos lettres d'icelle abolicion à lui pour ce necessaire, en nous requerant que nosdictes lettres d'abolicion nous pleust de nouvel donner et octroyer audit Jaques d'Aumont, Guillaume, son frère, Kathelin de Ville-surArse, Michiel, bastart d'Aumont, Jehan de Donnemarie, Jehan de Marcilly, Jehan de Ville-sur-Arse, Jehan de Landreville, Thomas Noier, Huguenin de Cousy, Guiot Rousseau, Nicolas Le Noble et à tous autres qui ès choses dessus dictes ont servy ledit Jaques d'Aumont et sur ce impartir nostre grace. Pour ce est-il que, oy le rapport qui sur ce faict nous a esté par nosdiz conseillers, avons, pour ces causes et en faveur de nostredit frère et cousin, aux dits Jaques et Guillaume d'Aumont, frères, et pareillement aux dessus nommez et genéralement à tous autres qui ont servy ledit Jaques èsdites guerres et quereiles quitté, pardonné et aboly, et par ces présentes de grace especiale, plaine puissance et auctorité royal, quittons, pardonons et abolissons et à chascun d'eulx le cas cydessus declairez et tous crimes, déliz, offences en quoy ils et chascun d'eulx aux causes que dessus et autrement, pour avoir servy ledit Jaques en quelque lieu que ce soit, pevent avoir délinqué et offensé envers nous de tout le temps jusques à present. Et les avons

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