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L'hôtel des Marisy à Troyes doit surtout sa réputation à l'élégante tourelle qui le décore, à l'angle des rues des Quinze-Vingts et Charbonnet.

Il eût été intéressant de consulter les comptes des ouvriers chargés de construire et d'embellir cet hôtel. On y aurait vu le prix des travaux de maçonnerie, des ouvrages de sculpture, le nom de l'artiste qui a si bien travaillé les pierres mises en œuvre pour la construction de la tourelle, et les chapiteaux qui ornent la maison, sur la cour. On y eut peut-être aussi trouvé la description des boiseries, peintures et tapisseries qui devaient orner la demeure d'une riche famille au XVI° siècle. Ces documents nous manquent : nous n'avons pu consulter que les titres de propriéfé.

A la fin du quinzième siècle, une partie du terrain actuellement occupé par l'hôtel de Marisy, appartenait à Nicolas Hennequin, écuyer, marchand-drapier à Troyes, des Hennequins de Vaubercey, qui ont édifié la partie la plus remarquable de l'hôtel de Vauluisant. En 1486 (97), il vendit ce terrain et les constructions qui le recouvraient à François de Marisy et à Ysabeau de Louvemont (a), sa femme, sœur utérine du vendeur. (Voyez la généalogie, degré V.)

L'immeuble vendu consistait :

1o. En « ung long frestre de maison, cave dessoubz le long frestre, » et dépendances « étant audict Troyes, en la rue de Coulaverdey (b), faisant le coing de deuant la

(a) Et non pas Lampremont, ainsi que l'ont écrit MM. Corrard de Breban (Rues de Troyes), Aufauvre (Troyes et ses environs), et E. Socard (Annuaire de l'Aube 1874).

(b) Depuis, rue du Mortier-d'Or et des Quinze-Vingts.

porte et hostel des franquelaures (a), devant à ladite rue de Colaverdey, et du bout derrière à Jehan Maret et maistre Emond Maret frères. »

2o. « Item la moitié par indiuis d'un hostel ouquel a deux frestres de maison, » et dépendances, « étant audit Troyes en ladite rue de Coulaverdey, tenant d'une part à Simon Maret, du bout à ladite rue de Coulaverdey, et du bout darrière auxdits maistres Emond et Jehan Maret frères, mouans de franc aleuf lesdits héritages, et partans (b) par indiuis, ledit hostel ouquel a deux frestres de maison, auec ladite Ysabeau, seur dudit vendeur.

» Lesdits héritaiges aduenus et escheuz et descenduz par le trespassement et comme héritier (sic) en partie de feue damoiselle Marguerite de Valentigny leur mère. »

L'incendie du 24 mai 1524, que nos pères ont appelé le Grand Feu, détruisit vraisemblablement ces constructions, car les maisons voisines, sur la rue de Colaverdey (98), et sur la ruelle Maillard (c), furent elles-mêmes consumées par cet incendie.

Claude de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet, grènetier au grenier à sel de Troyes, maire de cette ville de 1522 à 1528 (voy. deg. VI), fils de François, augmenta en 1526 (98) les acquisitions faites par son père, en achetant de Guillaume Maret, marchand à Troyes, « une place sur laquelle souloit avoir maison bruslée par le feu advenu en la ville dudit Troyes ou moys de may mil cinq cens et vingt quatre, séant audit Troyes, en la rue de Coullaver

(a) Emplacement de la maison de M. Blaise, avoué.

(b) C'est-à-dire appartenant.

(c) Aujourd'hui rue des Chats. Vente de la maison de la ruelle Maillard, du 20 février 1532, faite devant Bareton et Rogier, notaires à Troyes, par Marguerite Griveau, veuve d'Edmond Maret, receveur des aydes en l'élection de Troyes, à Claude de Marisy. Suscription de Nicole Favier, écuyer, licencié ès lois, prévôt de Troyes et garde du scel de la prévôté. Parchemin, signé : Bareton, Rogier (à M. Evrard).

dey, tenant d'une part audict Marisy achecteur, d'autre part à Emond Cousin greffier du bailliage dudit Troyes, du bout devant à ladicte rue de Coullaverdey, et du bout derrier (sic) à Katherine fille myneur (sic) d'ans de feu

maistre Emond Maret. »

C'est sur le terrain formé par ces deux acquisitions successives que Claude de Marisy construisit l'hôtel, en 1531. Cette date figure, en effet, dans l'un des chapiteaux ; d'autre part, l'acte de partage de sa succession, fait en 1550 entre Michelle Mollé, sa veuve, et ses enfants mineurs, mentionne « La maison en laquelle ledict (27) deffunct Claude de Marisy est deceddé (sic) assize audict Troyes en la rue de Colaverdé (laquelle) a esté bastie à neuf constant (a) ledict mariage, des deniers commungs desdits deffunct et veufve; » or, Claude de Marisy avait épousé Michelle Molé entre 1515 et 1530 (27). Les derniers mots de cette citation nous expliquent pourquoi Claude de Marisy n'a pas fait sculpter, sur la tourelle de son hôtel, les armoiries de ses deux premières femmes Jeanne Le Boucherat et Marguerite Pétremol.

Voici l'indication des armoiries qui figurent sur la tourelle; on en trouvera le dessin aux planches :

Au centre sont les armes des Marisy;

A gauche, sur la rue Charbonnet (b), sont placées successivement les écussons d'Ysabeau de Louvemont, mère du constructeur et de Guillemette Philippe, son aïeule paternelle;

A droite, sur la rue des Quinze-Vingts, sont représentées les armes de Marguerite de Valentigny, son aïeule maternelle, et les siennes parties, suivant l'usage, de celles de sa troisième femme, Michelle Molé.

(a) C'est-à-dire : durant.

(b) Anciennement: rue des Lorgnes.

Avant de parler des hôtes qui ont succédé à Claude de Marisy dans cette habitation, donnons les deux seuls renseignements que nous ayions pu trouver sur l'intérieur :

Il y avait encore, en 1636 (100), une salle ornée de tapisseries. En 1675 (101), on vendit avec la maison une table de marbre placée dans la galerie de pierre qui régnait sur la cour, le long de la rue Charbonnet.

L'hôtel construit par Claude de Marisy ne resta pas trèslongtemps dans sa famille. Après lui (1550), il fut habitć par sa veuve Michelle Molé (27) et ses enfants. En 1567 (99), François de Marisy, seigneur des Hayes-à-laDemoiselle, maître réformateur des eaux et forêts, en devint seul propriétaire en acquérant la moitié indivise de l'hôtel appartenant alors à son frère Claude, seigneur de Valentigny, y demeurant. Ce Claude de Marisy avait épousé Ambroise Pithou, sœur des célèbres frères Pithou: ils embrassèrent. tous deux avec ardeur les idées de la réforme, et, pour se soustraire aux poursuites des catholiques, ils durent s'expatrier, pour un temps du moins, comme les frères Pithou (a). C'est peut-être en prévision de ces événements que Claude de Marisy réalisa en argent comptant sa moitié indivise de l'hôtel.

Après François de Marisy, l'hôtel appartint à sa fille, Anne de Marisy, mariée en 1596 à Bernard Angenoust, lieutenant général à Sens, puis (1647) conseiller du Roi en ses Conseils d'Etat et Privé, maître des requêtes de l'hôtel du Roi, maison et couronne de France. Ces différentes fonctions ne durent pas permettre à Bernard Angenoust ni à sa femme d'y habiter souvent. Nous voyons, en effet, qu'ils le louèrent, au moins en partie, en 1607 et en 1612, à Pierre Bel, contrôleur en l'élection de Troyes; en 1619, à Sébastien Fauveau, contrôleur à Troyes, puis conseiller au

(a) Au mois de mai 1570, on constate l'absence de Claude de Marisy et d'Ambroise Pithou (Boutiot, Histoire de Troyes, III, p. 641).

T. XL.

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bailliage (a); en 1636 (100), pour partie, à François Denise, bourgeois de Troyes; le surplus réservé au sieur Fauveau et aux bailleurs.

:

Cette maison passa ensuite aux Le Mairat par le mariage de Marie Angenoust, fille de Bernard, avec messire Jean Le Mairat, chevalier, seigneur de Droupt, Barberey et autres lieux, conseiller du Roi en son grand Conseil. Ce dernier ne dut pas non plus y demeurer souvent, pour les mêmes motifs que son beau-père. Marie Angenoust ellemême, longtemps après le décès de son mari arrivé en 1661, demeurait à Paris, rue des Maçons, sur la paroisse de SaintSéverin c'est le domicile qu'elle avait en 1675, époque où elle vendit l'hôtel à Joseph Vigneron, prévôt, juge ordinaire de police de la ville de Troyes, lieutenant criminel et commissaire examinateur en la prévôté (101). Il le transmit, par voie de succession, à Me Jeanne-Nicole Vigneron, célibataire, qui en fit don, par acte du 24 janvier 1761 (102), à Nicolas Huez, l'aîné de ses neveux, seigneur de Vermoise, lieutenant particulier au bailliage, fils de Louis-Claude Huez et de Nicole Vigneron. Cette donation était faite avec réserve d'usufruit au profit de la donatrice et de Mme Huez, sa sœur, « pour contribuer à le (donataire) mettre en état de sou» tenir avec dignité les dépenses que la décense exige de » lui, à cause de la charge dont il est revêtu, et lui as» surer à cet effet un logement d'autant plus convenable » que Monsieur son père, qui exerçoit la même charge, » l'a toujours occupée jusqu'à son décès. »

L'hôtel passa depuis entre les mains d'Odart-Louis Angenoust, chevalier, seigneur du Bailly et de Villechétif, et de Marie-Nicole Huez, sa femme, sœur de Nicolas Huez,

(a) Baux des 7 septembre 1607 devant Ballesaulx et Denisot, notaires à Troyes, 16 juin 1612, devant les mêmes, et 18 juin 1619, devant Berthelin et Picquet, indiqués en un état de pièces remises à M. Vigneron dont il sera ci-après parlé.

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